Intervention de François Bonhomme

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 18 juillet 2018 à 9h40
Proposition de loi relative à la mise en oeuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes — Examen en nouvelle lecture du rapport et du texte de la commission

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme, rapporteur :

La navette parlementaire réserve parfois des surprises.

Constatant les graves dysfonctionnements que risquait de provoquer, sur nos territoires, le transfert obligatoire aux communautés de communes et d'agglomération de la distribution d'eau potable et de l'assainissement des eaux usées, prévu par la loi NOTRe, la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, le Sénat, comme vous vous en souvenez, a adopté à une large majorité, le 23 février 2017, une proposition de loi, présentée par les présidents Philippe Bas, Bruno Retailleau et François Zocchetto ainsi que par notre collègue Mathieu Darnaud, visant à maintenir ces compétences parmi les compétences optionnelles de ces deux catégories d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre. Malgré le soutien du rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, notre collègue député Fabrice Brun, cette proposition de loi fut renvoyée en commission par l'Assemblée nationale le 12 octobre 2017, et son examen reporté sine die. À l'automne 2017, un groupe de travail de seize parlementaires a néanmoins été constitué auprès de la ministre Jacqueline Gourault pour étudier cette question. Il a formulé trois recommandations : renforcer l'aide financière et technique au bloc communal ; permettre aux communes de surseoir au transfert de ces compétences jusqu'au 1er janvier 2026 et garantir la pérennité des syndicats d'eau et d'assainissement existants.

Devant le Congrès des maires, le 21 novembre 2017, le Premier ministre annonçait sa volonté, « pour une période transitoire, de donner la même souplesse que celle qui a prévalu pour la mise en oeuvre des plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi), en laissant la possibilité de maintenir la compétence au niveau des communes si un certain nombre de maires s'expriment clairement en ce sens ».

Le 21 décembre 2017, nos collègues des groupes La République en Marche et MoDem de l'Assemblée nationale déposaient une proposition de loi censée mettre en oeuvre ces engagements. Ce n'était, malheureusement, pas tout à fait le cas.

Un texte d'initiative parlementaire ne pouvait, en vertu de l'article 40 de la Constitution, traiter de l'aide financière et technique susceptible d'être apportée par l'État aux communes et à leurs groupements dans le domaine de l'eau et de l'assainissement. En outre, s'il était prévu d'instituer une « minorité de blocage » permettant aux communes de s'opposer jusqu'en 2026 au transfert obligatoire de ces compétences, cette possibilité ne devait concerner que les communautés de communes, et non les communautés d'agglomération. Enfin, pour garantir la pérennité des syndicats d'eau et d'assainissement, il était proposé de revenir au droit commun de la « représentation-substitution » en ce qui concerne les communautés de communes, mais aucun assouplissement n'était prévu pour les communautés d'agglomération. Grâce au travail de la rapporteure de la commission des lois, notre collègue députée Émilie Chalas, cette dernière difficulté fut résolue dès la première lecture du texte par l'Assemblée nationale. En revanche, aucune avancée ne fut enregistrée sur les autres points. En outre, fut adopté un amendement prévoyant le rattachement systématique de la gestion des eaux pluviales et de ruissellement à la compétence « assainissement » des EPCI à fiscalité propre, ce qui soulevait de nombreux problèmes de droit et d'opportunité.

En première lecture, le Sénat, qui s'était déjà exprimé en faveur du maintien du caractère optionnel des compétences « eau » et « assainissement » des communautés de communes et d'agglomération, a réaffirmé cette position afin de laisser les élus libres de décider ou non du transfert de ces compétences, en fonction des réalités locales. L'extension aux communautés d'agglomération du mécanisme de la minorité de blocage aurait pu sembler un moindre mal, et un compromis aurait pu être recherché avec nos collègues députés sur ce terrain, mais l'opposition résolue du Gouvernement et de sa majorité rendait cette tentative vaine.

Le Sénat a, par ailleurs, clarifié les modalités de rattachement de la gestion des eaux pluviales à la compétence « assainissement » des communautés de communes et d'agglomération, en en excluant les eaux de ruissellement. Il a, en outre, adopté cinq articles additionnels visant à faciliter la gestion des services publics d'eau et d'assainissement ainsi que leur transfert au niveau intercommunal.

Aucun terrain d'entente n'a pu être trouvé en commission mixte paritaire. En nouvelle lecture, nos collègues députés ont commencé, en commission, par rétablir intégralement leur texte, sans tenir aucun compte des apports du Sénat ni des demandes des associations d'élus. En séance publique, toutefois, la majorité de l'Assemblée nationale semble avoir quelque peu entendu la nécessité d'apporter des assouplissements au texte. À l'initiative de la rapporteure et des deux groupes majoritaires, ont été adoptés plusieurs amendements qui vont dans le sens souhaité par le Sénat et témoignent d'un souci de pragmatisme, dont nous avions jusqu'ici déploré l'absence.

Ainsi, les communes membres des très nombreuses communautés de communes qui ne sont aujourd'hui compétentes qu'en matière d'assainissement non collectif pourraient, elles aussi, s'opposer jusqu'en 2026 au transfert du reste de la compétence « assainissement ». De plus, la gestion des eaux pluviales urbaines resterait une compétence facultative des communautés de communes ; elle deviendrait une compétence obligatoire des autres EPCI à fiscalité propre, mais toute référence à la gestion des eaux de ruissellement a été abandonnée.

Ces avancées ne répondent certes pas à l'ensemble des préoccupations exprimées par le Sénat, mais je vous propose d'aborder cette nouvelle lecture avec un esprit constructif, l'expérience ayant démontré qu'il n'était pas vain de tenter de faire valoir des arguments de bon sens.

À l'article 1er, je ne crois pas possible de trouver un terrain de compromis avec les députés. C'est pourquoi je vous proposerai de rétablir le texte adopté en première lecture par le Sénat, afin de maintenir sans limite de temps le caractère optionnel des compétences « eau » et « assainissement » des communautés de communes et d'agglomération.

Les articles 1er bis à 1er sexies, insérés par le Sénat en première lecture, ont tous été supprimés par l'Assemblée nationale, alors même qu'ils soulevaient des problèmes très concrets et que le Gouvernement avait marqué son intérêt pour certains d'entre eux. Je vous proposerai de rétablir trois de ces articles dans une rédaction améliorée, et j'ai bon espoir que ces apports seront repris par l'Assemblée nationale en lecture définitive. Quant aux deux autres articles, l'un est satisfait par le droit en vigueur et l'autre m'apparaît, à la réflexion, un peu excessif.

En ce qui concerne l'article 2, la répartition des compétences entre les communes et leurs groupements en matière d'eaux pluviales urbaines est aujourd'hui extrêmement confuse et pourrait donner lieu à de nombreux contentieux, à la suite d'une décision d'espèce du Conseil d'État de 2013, qui a fait l'objet d'une interprétation extensive du Gouvernement par voie de circulaires. La rédaction de l'article 2 adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture clarifie les choses de manière satisfaisante à compter de 2020. Je vous proposerai un amendement visant à lever une ambiguïté qui subsiste en ce qui concerne les communautés d'agglomération entre aujourd'hui et 2020. Pour ce qui est des situations juridiques antérieures à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, elles sont également clarifiées pour peu que l'on accorde aux dispositions de l'article 2 une portée interprétative.

Enfin, à l'article 3, je vous présenterai un amendement visant à clarifier le droit en vigueur en ce qui concerne la « représentation-substitution » des EPCI au sein des syndicats d'eau et d'assainissement.

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