L'accélération de la circulation des personnes et des biens, des capitaux et des informations, rendue possible par la mondialisation, n'a pas seulement contribué à l'augmentation des échanges économiques : elle a pour corollaire l'augmentation du caractère transnational de la criminalité.
Il a fallu plus de six années de discussions pour parvenir aux textes que nous examinons aujourd'hui. La commission a été unanime à déplorer de tels délais de ratification, qui donnent des arguments aux institutions communautaires pour privilégier des instruments juridiques ne nécessitant pas le recours aux Parlements nationaux, telle la décision cadre.
Pourtant, la convention d'entraide judiciaire représente un progrès notable dans la coopération judiciaire européenne : elle élargit le champ de l'entraide judiciaire, elle en améliore les procédures et en modernise les instruments.
J'évoquerai deux points principaux.
En premier lieu, le principe de l'entraide judiciaire directe prévoit que la transmission directe des demandes d'entraide judicaire se fera d'autorité judiciaire à autorité judiciaire, ce qui constitue une exception notable au principe de territorialité de la loi pénale, mais favorisera en contrepartie la pratique de la coopération judiciaire.
En second lieu, le principe de l'application de la procédure de l'Etat requérant : la convention oblige les Etats membres à se plier à des formes procédurales étrangères, pourvu qu'elles ne soient pas contraires à leurs principes fondamentaux.
En outre, la convention modernise les instruments de l'entraide en visant de façon précise un certain nombre de techniques. Elle prévoit ainsi que l'entraide peut prendre la forme de livraisons surveillées et d'investigations « sous couverture ». Les Etats membres doivent disposer toutefois d'une législation autorisant ces techniques, risquées mais efficaces dans la lutte contre le crime organisé.
Autre possibilité ouverte par la convention : la constitution d'équipes communes d'enquête par deux Etats ou plus pour enquêter sur leur territoire ; M. de Villepin y a fait tout à l'heure une allusion directe à propos de la France et de l'Espagne, qui ont déjà mis en oeuvre ce procédé.
Par ailleurs, le recours aux nouvelles technologies est pris en compte par la convention, qui prévoit l'utilisation de la vidéoconférence et consacre un volet important à l'interception des télécommunications.
Enfin, les dispositions du protocole de 2001 prévoient que les secrets bancaire et fiscal ne peuvent jamais être opposés comme motif de refus d'entraide judiciaire. Elles imposent aux Etats membres d'organiser un fichier centralisé des comptes bancaires en vue de pouvoir fournir, dans des cas certes limités, la liste des comptes détenus par une personne sur leur territoire.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, rapidement énoncées, les principales observations de la commission des affaires étrangères sur la convention d'entraide judiciaire en matière pénale et son protocole ; la commission s'est prononcée en faveur de l'adoption de ces deux projets de loi.
Ces deux textes mettent en place des outils indispensables à une action efficace des autorités judiciaires. Ils ouvrent la voie à l'harmonisation des procédures, qui reste l'un des objectifs majeurs de la construction européenne. Trop souvent, les magistrats sont confrontés à des difficultés alors même que les affaires sont élucidées ; la coopération doit apporter de véritables réponses et faciliter leur action.
Les premiers bilans de l'application du mandat d'arrêt européen, qui a permis de réduire les délais moyens d'exécution des demandes de neuf mois à quarante-cinq jours, sont encourageants et doivent nous inciter à renforcer l'intégration des procédures.
Le défi ainsi lancé à l'espace de liberté que constitue l'Union européenne reste considérable et appelle non seulement un renforcement de la coopération judiciaire et policière sur le terrain juridique, auquel nous procéderons si nous votons ces textes, mais aussi un changement de mentalité de tous les acteurs en faveur d'une véritable coopération ; mais là, la tâche est peut-être un peu plus difficile.