Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le blanchiment de l'argent sale n'est pas une activité récente. Le terme « blanchiment » est, en effet, apparu aux Etats-Unis à l'époque de la prohibition. A Chicago, notamment, les mafieux avaient acquis des entreprises qui leur permettaient de mélanger habilement les revenus issus de la vente illégale d'alcool et les revenus desdites entreprises. Celles-ci étant, pour la plupart, des laveries automatiques ou des ateliers de nettoyage des voitures, l'habitude avait été prise de parler d'« argent blanchi », car « lavé ».
Aujourd'hui, le phénomène du blanchiment a connu, hélas ! un essor et une évolution alarmants et s'est mondialisé, nécessitant la mise au point de techniques efficaces de lutte.
Le mécanisme du blanchiment repose sur des opérations ayant pour objet de dissimuler l'origine illicite de gains issus de la délinquance financière et des activités criminelles menées désormais à l'échelle mondiale, afin que leur utilisation ne permette pas la connaissance et l'arrestation de leurs détenteurs.
Ces opérations consistent à déplacer ces fonds ou à modifier leur forme. Ainsi, les liquidités transitent principalement par des bureaux de change, des banques, des entreprises de négociants en métaux précieux ou en import-export, ainsi que par des casinos.
Si le blanchiment d'argent est souvent lié à des activités illicites, que l'on pourrait qualifier de « classiques » - prostitution, trafic de drogues ou d'alcool -, il s'étend maintenant aux activités liées au terrorisme.
Les techniques du blanchiment sont diverses et elles ont pour but de transformer des sommes issues d'activités illicites en une monnaie utilisable, grâce à la suppression, au gommage, de toute preuve de l'origine des fonds.
Le GAFI, le Groupe d'action financière internationale, institué en 1989 à l'occasion d'une réunion du G7, a défini de telles techniques dès 1990, en exposant les trois étapes principales du blanchiment : le placement, l'empilage et l'intégration.
Le marché des métaux et pierres précieuses s'inscrit dans les circuits de blanchiment, car la plus grande partie des ventes et achats s'effectuent en argent liquide. L'or, qui peut être utilisé comme monnaie, est le minerai préféré des blanchisseurs, les diamants venant en seconde position.
Le commerce des oeuvres d'art est également une filière classique de blanchiment, car il est à la fois difficile d'identifier certaines oeuvres et, plus encore, de leur donner une valeur précise, même si cette dernière est très élevée. L'une des techniques les plus répandues est celle de la fausse vente aux enchères, qui consiste, pour un trafiquant, à mettre en vente des objets d'art difficilement identifiables et évaluables et à remettre en même temps à un complice une somme d'argent en liquide assez importante pour acquérir ces objets, même au prix fort. Cette somme est ensuite remise par le commissaire-priseur au vendeur, ce qui blanchit l'argent liquide en question.
Les établissements de jeux et les loteries sont également utilisés pour blanchir de l'argent.
Les courses de chevaux constituent une dernière option : le blanchisseur acquiert des tickets gagnants auprès de leurs détenteurs légitimes pour une valeur souvent supérieure au gain réel. Il peut ensuite justifier en grande partie l'origine de ses fonds.
Les méthodes de détection du blanchiment ont pour fondement deux opérations principales : la déclaration de soupçon et les enquêtes financières classiques.
La déclaration de soupçon, qui constitue un moyen d'action important, doit être réalisée, en France, par les entreprises du secteur bancaire et financier, y compris, notamment, le Trésor public, la Banque de France, la Caisse des dépôts et consignations, les services financiers de La Poste, les sociétés et courtiers d'assurance.
Cette déclaration déclenche une action de recherche approfondie de TRACFIN, la cellule chargée du traitement du renseignement et de l'action contre les circuits financiers clandestins, qui est un service administratif créé en 1990 et rattaché au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie. Si ces recherches conduisent à transformer le soupçon né de la déclaration en présomption de blanchiment, TRACFIN transmet les informations au procureur de la République territorialement compétent et, éventuellement, aux officiers de police judiciaire spécialisés.
Les enquêtes judiciaires relatives aux opérations de blanchiment revêtent deux formes d'approche : une poursuite a priori lorsque l'enquêteur peut mettre en évidence les relations entre une personne soupçonnée de blanchiment et l'auteur d'une infraction ; une approche a posteriori quand l'enquêteur procède à une interpellation qui lui permettra ensuite de constater des relations avec des tierces personnes bénéficiant de revenus issus de la criminalité. Ces enquêtes sont généralement menées par des policiers ou des gendarmes.
Les textes internationaux, notamment européens, et nationaux de lutte contre le blanchiment des capitaux étant détaillés dans mon rapport, je n'insiste pas sur ce point.
Au niveau national, TRACFIN a pour tâche le recueil, le traitement et - ce dernier point est essentiel - la diffusion dans les services du ministère des finances des renseignements touchant aux circuits financiers clandestins et au blanchiment de capitaux, afin de coordonner l'action de ces services et, bien sûr, de développer la coopération avec les autres organismes nationaux et internationaux. Il doit également approfondir les déclarations de soupçons communiquées par les établissements financiers.
Je rappelle que TRACFIN collabore très étroitement avec les cellules de renseignement étrangères et qu'il a d'ailleurs signé de nombreux accords bilatéraux, aussi bien avec des pays européens qu'avec les Etats-Unis, l'Amérique latine ou l'Australie.
De 1990, date de sa création, à 2003, TRACFIN a reçu près de 32 707 déclarations de soupçons, ce qui est énorme ! Il serait intéressant de connaître un jour, monsieur le secrétaire d'Etat, le nombre de déclarations ayant fait l'objet d'un suivi et le nombre de celles qui ne relevaient que de soupçons infondés, car nous ne sommes pas en possession de ces informations, alors que le nombre de telles déclarations, qui est déjà important, va croissant.
Au Mexique, la drogue constitue un problème très grave. En effet, ce pays est à la fois un pays de transit, de culture, de fabrication et de consommation des différentes drogues aujourd'hui disponibles sur le marché mondial. La lutte contre ce phénomène est l'apanage des autorités fédérales, du parquet fédéral et des forces armées.
Je me propose maintenant de définir très rapidement l'intérêt et, surtout, la particularité de l'accord France-Mexique pour prévenir et combattre les opérations provenant d'activités illicites ou de blanchiment d'argent.
Tout d'abord, j'évoquerai l'intérêt et le contenu de cet accord.
La France, comme tant d'autres pays, doit absolument collaborer de façon très active avec de nombreux Etats, afin de lutter avec efficacité contre le blanchiment de capitaux provenant d'activités illicites et contre le financement du terrorisme, activités qui se sont très largement internationalisées.
Cette collaboration internationale repose de façon importante sur des échanges d'informations concernant les mouvements de personnes et, surtout, de capitaux.
Ensuite, j'insisterai sur la particularité de cet accord.
Je rappelle que TRACFIN a conclu, depuis 1991, plusieurs accords de coopération bilatérale, que j'ai cités à l'instant.
Tous ces accords ont pris la forme d'arrangements administratifs signés entre le secrétaire général de TRACFIN et les responsables des cellules de renseignement financier des pays concernés.
L'accord avec le Mexique déroge à cette pratique de simples arrangements administratifs, car le président mexicain, ayant fait de la lutte contre la drogue l'une de ses priorités, a souhaité conférer une certaine solennité à la coopération franco-mexicaine en signant un texte au niveau intergouvernemental.
En conséquence, mes chers collègues, la commission des affaires étrangères vous propose d'adopter le présent projet de loi.