Intervention de René Danesi

Réunion du 26 juillet 2018 à 10h30
Accord avec l'autriche sur la réadmission des personnes en situation irrégulière — Adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de René DanesiRené Danesi :

L’Autriche est aujourd’hui l’un des États de l’Union européenne qui, proportionnellement à la taille de sa population, a accueilli le plus d’immigrés.

Chacun connaît également le résultat des élections législatives autrichiennes d’octobre dernier, dont l’immigration a été le thème central. Lors de la campagne, les partis de la coalition aujourd’hui au pouvoir avaient proposé de durcir les conditions d’accueil et d’asile, ainsi que la politique de retour. Mais, je tiens à le souligner, ils n’ont pas affiché dans leurs programmes la volonté de revenir sur les engagements européens de l’Autriche en matière d’accueil de migrants.

Ce dont nos collègues souhaitent débattre ce matin concerne donc essentiellement, je le suppose, les récentes propositions du nouveau chancelier, M. Sebastian Kurz.

L’Autriche assure en effet la présidence de l’Union européenne pour le second semestre 2018. Dans une note confidentielle révélée par la presse, Vienne a détaillé ses propositions aux États membres. Elle y préconise notamment la mise en place d’un nouveau système qui empêcherait tout dépôt de demande d’asile sur le sol européen. Les demandes seraient dès lors traitées dans des centres établis hors de l’Union. En outre, Vienne propose de limiter le droit d’asile aux personnes respectant les valeurs et les droits fondamentaux de l’Union européenne, sans toutefois définir clairement ce critère.

Le 5 juillet dernier, la commission des affaires européennes du Sénat, dont je suis également membre, a auditionné l’ambassadeur d’Autriche en France. Celui-ci a confirmé l’existence de cette note. Son Excellence Walter Grahammer a précisé qu’« une présidence n’a pas vocation à imposer ses idées, mais à trouver un dénominateur commun pour dégager une majorité ».

Après les tergiversations européennes autour de l’accueil de l’Aquarius, le dernier Conseil européen a adopté une position commune.

D’une part, le Conseil prévoit la création de « plateformes régionales de débarquement », en dehors de l’Union. Celles-ci seraient probablement situées en Afrique du Nord, où les situations des migrants seraient étudiées. Le Maroc et la Tunisie ont d’ores et déjà annoncé leur refus d’implanter une telle plateforme sur leur territoire. L’Italie suggère d’en installer une en Libye, pays qui peine à reconstruire un État.

D’autre part, le Conseil prévoit l’ouverture, sur une base volontaire, de centres contrôlés établis dans les États membres. Ces centres permettraient de séparer les réfugiés éligibles à la protection internationale des migrants économiques devant être rapatriés. La Commission européenne vient d’annoncer qu’elle prendra en charge le coût de ces centres contrôlés.

La question migratoire et sa gestion européenne sont devenues des enjeux essentiels pour l’Union européenne, et ils menacent de la diviser. Ces enjeux seront immanquablement au cœur des échéances électorales de l’an prochain. C’est pourquoi notre commission des affaires étrangères a demandé au président du Sénat, conjointement avec la commission des affaires européennes, la tenue d’un débat en séance publique sur ce sujet dès le début du mois d’octobre.

Mais – je le répète – tel n’est pas l’objet du texte que nous examinons ce matin, dont la portée est beaucoup plus limitée.

Premièrement, ce nouvel accord oblige chaque partie à réadmettre ses propres ressortissants se trouvant en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie. Ces cas sont très marginaux.

Deuxièmement, l’accord oblige les parties, la France et l’Autriche, à réadmettre des citoyens de pays n’appartenant pas à l’espace Schengen lorsqu’ils ont séjourné sur ou transité par le territoire de l’une avant d’entrer sur le territoire de l’autre. Là encore, le nombre de demandes formulées est faible.

Troisièmement, l’accord encadre le transit via la France ou l’Autriche, aussi bien par voie terrestre qu’à l’occasion d’une escale aérienne, d’une personne en cours d’éloignement vers un pays tiers décidé par notre pays ou par l’autre partie.

Les stipulations de cet accord franco-autrichien sont donc similaires à celles des accords de même nature conclus ces dernières années – de telles stipulations sont toujours très encadrées par le droit européen. Elles fixent de manière précise les règles procédurales qui régissent la réadmission de personnes en situation irrégulière. Elles mentionnent les garanties de droit relatives à l’établissement de l’état civil et de la nationalité des personnes concernées ainsi qu’à la protection des données à caractère personnel échangées dans le cadre des procédures de réadmission. Elles encadrent les prérogatives des éventuelles escortes policières.

Il s’agit donc d’un texte à la portée limitée ; il ne concerne ni les apatrides, ni les réfugiés, ni les demandeurs d’asile, qui sont soumis à des règles spécifiques. Le principal objectif est d’actualiser l’accord de 1962, pour le mettre en conformité avec le droit européen.

En conséquence, pour l’ensemble des raisons que je viens d’exposer, la commission préconise l’adoption de ce projet de loi.

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