Intervention de François Bonhomme

Réunion du 26 juillet 2018 à 15h00
Lutte contre la manipulation de l'information — Question préalable sur la proposition de loi organique

Photo de François BonhommeFrançois Bonhomme :

Après des mois d’attente fébrile de cette proposition de loi destinée à lutter contre la « manipulation de l’information », le moins que l’on puisse dire c’est que ce texte a suscité beaucoup de scepticisme, voire de craintes.

Pas un juriste distingué, pas un professeur de droit émérite, pas une association de journalistes, qui n’ait souligné, au mieux, l’inutilité de ce texte d’inspiration jupitérienne et tout droit sorti de l’Élysée, même s’il a l’apparence de l’initiative parlementaire. D’autres, plus sombres, font valoir ses effets contre-productifs : une entorse au principe de liberté d’expression avec la création, en quelque sorte, d’une « labellisation de la vérité d’État », ou encore – plus ironique – un résultat à l’inverse de l’objectif recherché. Une information portant le cachet de « faux officiel » s’en trouvera valorisée et ne manquera pas de susciter une vilaine curiosité.

C’est donc un texte purement de contexte, celui qui est consécutif à la diffusion d’informations grossières ou malveillantes pendant la campagne. La contagion virale sur le net d’imputations diffamatoires est une réalité, et nous ne la nions pas.

Néanmoins, la réponse consistant en une procédure judiciaire, ultrarapide en période électorale, pour ordonner le retrait d’une information a été presque unanimement considérée comme inappropriée et inapplicable. Tous ou presque ont soutenu que la démarche n’était pas la bonne. J’ai évoqué les dizaines de spécialistes en tous genres qui ont été consultés, qui ont tous indiqué leur scepticisme. De toute façon, leur avis n’a pas été écouté.

En définitive, le plus sage est de s’en tenir à l’avis du Conseil d’État qui, dans les termes choisis et prudents qui le caractérisent, avait considéré que « le droit français contient déjà plusieurs dispositions visant en substance à lutter contre la diffusion de fausses nouvelles ». Il ajoutait que, de toute façon, « la réponse du juge des référés, aussi rapide soit-elle, risque d’intervenir trop tard […], voire à contretemps ». Sans compter la difficulté forte qu’il y aurait à apporter devant un juge la preuve de la fausseté d’une information.

Dans une crise d’optimisme, on pourra toujours soutenir que ce texte ne fera pas trop de mal. Il ne sera qu’une illustration quasiment parfaite de la maxime de Montesquieu qui a été rappelée par notre collègue Christophe-André Frassa.

Finalement, c’est encore le journal hebdomadaire – toujours la presse ! – dont le symbole est un palmipède qui a le mieux résumé ce texte placebo et superfétatoire : les députés, en voulant complaire au Président de la République et lutter contre la manipulation de l’information ont foncé « la tête dans le bidon » ! Mal leur en a pris, et cette motion tendant à opposer la question préalable le leur rappelle.

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