Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente et rapporteur de la commission de la culture, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur de la commission des lois, mes chers collègues, « La calomnie ! […] Vous ne savez guère ce que vous dédaignez ; j’ai vu les plus honnêtes gens près d’en être accablés ; croyez qu’il n’y a pas de plate méchanceté, pas d’horreurs, pas de conte absurde qu’on ne fasse adopter aux oisifs d’une grande ville, en s’y prenant bien… »
Vous connaissez tous cette tirade de Beaumarchais. Oui, la manipulation, la mystification, la mauvaise information, le complotisme, le conspirationnisme, sont une véritable lèpre, un poison dont le venin peut éroder le marbre des statues de la République et de la démocratie. C’est vrai.
Certes, ces textes, vos textes, allais-je dire, madame la ministre, se veulent un bouclier face à la capacité de nuisance, face à la puissance de conviction des nouvelles sources d’information offertes par les plateformes et autres algorithmes, dont la substance alchimique particulièrement complexe doit être prise en considération.
Toutefois, si ces propositions de loi posent un vrai problème, elles n’apportent en aucun cas la bonne réponse. Les journalistes, tous les professionnels concernés, sont d’ailleurs unanimes à sonner le tocsin et à nous mettre en garde : ces textes portent en leur sein des germes liberticides.
Nous sommes au pays de Voltaire, au pays des Lumières ; comme dans toute démocratie digne de ce nom, la liberté d’expression est un bien sur lequel on ne transige pas. Au diable toutes les polices de la pensée ! Au diable toutes les tentations d’apprenti censeur ! Au diable, aussi, celui ou ceux qui veulent faire taire !
Ignorant l’arsenal législatif dont Christophe-André Frassa, puis David Assouline et Bruno Retailleau ont brillamment parlé, celui de la fameuse loi de 1881, ces textes se concentrent spécifiquement sur les périodes électorales, comme si, hors de ces périodes, les fake news ne posaient pas de problème particulier.
L’intention se veut noble : empêcher tout ce qui peut nuire à la sincérité d’un scrutin. Mais ne devrait-on pas, dès lors, légiférer aussi sur les fausses promesses ?