Madame la présidente, madame la rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 25 novembre dernier, le Président de la République déclarait l’égalité entre les femmes et les hommes grande cause nationale de son quinquennat.
Moins d’un an après, c’est un plaisir et un honneur d’être aujourd’hui devant vous pour conclure ensemble l’élaboration du projet de loi constituant l’une des pierres angulaires de cette démarche. La promesse faite à l’occasion de la dernière Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes est tenue, et nous pouvons activement nous en féliciter.
Le texte que vous vous apprêtez à voter en lecture définitive est le fruit d’un long travail, engagé depuis plusieurs mois, voire depuis plusieurs années, bien avant l’élection présidentielle.
Une fois adopté, le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes sera ainsi la première grande loi citoyenne du quinquennat, grâce à la mobilisation des 55 000 participantes et participants au tour de France de l’égalité femmes-hommes, ce qui en fait la plus grande consultation gouvernementale jamais organisée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup d’entre vous y ont largement contribué, et je veux vous en remercier.
Lors de ces rencontres, partout en France, nos concitoyennes et nos concitoyens nous ont dit l’urgence d’agir pour faire reculer les violences subies quotidiennement par des millions de femmes dans notre pays. Ces échanges ont montré la nécessité de répondre à un triple objectif : mieux prévenir les violences, mieux accompagner les victimes, mieux sanctionner les agresseurs. Telle est l’ambition qui a guidé le Gouvernement tout au long de l’élaboration de ce projet de loi, qui marque des avancées majeures, lesquelles traduisent concrètement des engagements de campagne du Président de la République.
L’allongement à trente ans du délai de prescription applicable aux crimes sexuels commis sur mineurs permettra une meilleure prise en compte des phénomènes d’amnésie traumatique et de la difficulté des victimes à parler des violences subies, particulièrement dans l’enfance.
La caractérisation de la contrainte facilitée pour les agressions sexuelles et les viols commis sur des mineurs de moins de quinze ans est tout aussi importante. Affirmer qu’un mineur, en dessous d’un certain âge, n’est pas consentant à un acte sexuel avec un majeur constitue, à nos yeux, un véritable enjeu de civilisation. Cet objectif se trouve aujourd’hui renforcé par la disposition soutenue par votre assemblée, qui permettra de mieux prendre en compte également la différence d’âge entre la victime et l’agresseur, pour protéger l’ensemble des mineurs et mieux condamner les auteurs des violences qui sont infligées aux mineurs.
La lutte contre le cyberharcèlement en meute, c’est-à-dire les « raids numériques », permettra aussi de garantir ce respect mutuel entre les femmes et les hommes sur internet. Ces comportements, aussi destructeurs dans le monde virtuel que dans le monde réel, se manifestent trop souvent à l’encontre des femmes.
La verbalisation du harcèlement de rue permettra de lutter contre ces comportements trop souvent tolérés. Aujourd’hui, en France, selon une étude menée par l’IFOP et la Fondation Jean-Jaurès, huit jeunes femmes sur dix déclarent craindre pour leur sécurité quand elles sortent seules dans l’espace public.
Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, nous en avons eu une illustration récente dans l’actualité, puisque, la semaine dernière, une jeune femme a eu à subir ce phénomène de harcèlement de rue, qui s’est même poursuivi par des violences et une agression. Cet événement nous montre le continuum des violences sexistes et sexuelles, qui peuvent commencer par des bruits, des mots dégradants, puis se prolonger par des cris, des insultes et se terminer, dans ce cas précis, par un jet de cendrier au visage et un coup extrêmement violent porté à la jeune fille en question, dont le seul tort était de marcher dans la rue et de refuser d’être insultée.
La question de la lutte contre le harcèlement de rue est donc un enjeu de civilisation. Il s’agit de respecter les valeurs fondamentales de la République française, la liberté des femmes d’aller et venir comme bon leur semble et l’égalité entre les femmes et les hommes face à la question de l’occupation de l’espace public.
L’enjeu est grave, et l’indignation qui a suivi la révélation de cette affaire montre que notre société ne tolère plus ces violences.
Ces faits ont également permis à chacune et à chacun de se rendre compte de la réalité du harcèlement de rue que les femmes subissent depuis des générations. Trop souvent, on a considéré que la lutte contre ce harcèlement était un enjeu dérisoire, accessoire, qui n’était ni primordial ni important, ce harcèlement relevant d’une forme de fatalité : cela a toujours été ainsi et le restera…
Aujourd’hui, nous refusons cette fatalité et nous posons, avec le présent texte, un interdit social clair face au harcèlement quotidien que vit encore un trop grand nombre de femmes.
Au-delà de ces avancées majeures, le Gouvernement a souhaité réaffirmer sa volonté d’adapter l’arsenal répressif aux nouvelles formes de violences sexistes et sexuelles. Je pense notamment à l’inscription dans la loi de l’interdiction d’utiliser une substance, drogue du viol notamment, visant à altérer le discernement et de l’interdiction de ce que l’on a appelé le upskirting, en d’autres termes le voyeurisme, dont sont victimes de trop nombreuses femmes.
Avec le présent texte, nous envoyons un message clair : nous ne tolérons plus ces agissements ! Quelle que soit la manière dont elles sont exercées, toutes ces violences sexistes et sexuelles bouleversent la vie des victimes. Cela va de l’angoisse éprouvée quotidiennement dans une rue déserte sur le chemin du travail jusqu’à des psycho-traumatismes sévères. L’égalité réelle sera impossible tant que la société tolérera que s’exercent de manière aussi massive des violences à l’encontre de toute une partie de la population, c’est-à-dire des femmes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi dont nous avons débattu, amélioré par les deux chambres, et adopté en commission mixte paritaire, est, je le crois, équilibré et assurément bien plus protecteur que le droit actuel.
Je sais que toutes et tous vous partagez cette ambition, et je veux saluer l’engagement constant des deux chambres sur cette question, comme le montrent les travaux qui ont été conduits au sein des commissions des lois, mais aussi des délégations aux droits des femmes. Je crois que les enjeux portés par les textes amènent à construire des convergences. C’est ainsi que la commission mixte paritaire réunie la semaine dernière a permis d’établir un consensus là où certains auraient voulu créer des clivages. Je tiens donc à vous en remercier. Face à l’importance de l’enjeu, vous avez su trouver un terrain d’entente pour faire en sorte que le présent projet de loi, une fois adopté et promulgué, permette de mieux condamner les auteurs de violences et de mieux protéger les victimes. Vous n’avez eu que cet objectif en tête, et de cela je vous en sais gré.
Je suis ravie de constater que la sagesse et l’esprit de responsabilité l’ont emporté sur des positions partisanes. Vous avez su montrer que, au-delà des oppositions, les parlementaires travaillent ensemble, toujours avec le soutien du Gouvernement, et sont résolument mobilisés dans la lutte contre toutes les formes de violences sexistes et sexuelles.
Certains nous avaient annoncé une loi clivante ; c’est, au contraire, une loi consensuelle qui sera votée aujourd’hui. Elle n’en est pas moins forte et ambitieuse. Le travail réalisé a été rendu possible uniquement parce que, indépendamment de la commission mixte paritaire conclusive, les parlementaires se sont saisis de ce texte et l’ont considérablement enrichi par de nombreuses contributions pour renforcer l’arsenal protecteur que nous sommes en train de construire ensemble.
Il s’agit là non pas d’une conclusion, mais bien d’un commencement. La grande cause nationale du quinquennat déterminée par le Président de la République, à savoir l’égalité entre les femmes et les hommes, va continuer à se déployer dans de nombreux domaines. Nous avons encore quatre ans pour mener à bien ce combat culturel engagé par le Président de la République : atteindre enfin l’égalité entre les femmes et les hommes, avec l’appui, je n’en doute pas, de l’ensemble des parlementaires.
Le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes vient aujourd’hui compléter l’édifice que nous sommes en train de bâtir pour changer le quotidien de toutes et tous. D’ores et déjà, les mesures que nous prenons contre ces violences permettent de mieux accompagner les victimes.
Ainsi, dès la rentrée, nous mettrons en place des contrats locaux de lutte contre les violences, notamment intrafamiliales, qui assureront un meilleur repérage des victimes par un travail en réseau des professionnels de santé, de la justice, des forces de l’ordre et du tissu associatif.
Le ministère de l’intérieur ouvrira en septembre prochain une plateforme de signalement, gérée par des policiers spécifiquement formés par la mission interministérielle pour la protection des femmes, pour informer et orienter les victimes de violences sexistes et sexuelles.
J’ajoute que dix centres de prise en charge des psycho-traumatismes seront ouverts dans les territoires d’ici à la fin de l’année.
Enfin, la question de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail est également une priorité. J’en veux pour preuve les dispositions du projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel qui renforcent considérablement les moyens et les résultats exigés en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail