Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Réunion du 31 juillet 2018 à 14h30
Lutte contre les violences sexuelles et sexistes — Adoption des conclusions modifiées d'une commission mixte paritaire

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, mes chers collègues, en première lecture, nous nous étions interrogés sur l’ambition réelle du Président de la République concernant la lutte contre les violences faites aux femmes, mais surtout s’agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes, d’autant que nous étions dans une période très troublée à cet égard : affaire Weinstein ; mouvement #MeToo ; séquences judiciaires qui avaient d’ailleurs suscité, sur l’initiative du groupe socialiste et républicain et du président de la commission des lois, six mois de travail très riche sur la question de la lutte contre les violences sexuelles sur les femmes et les enfants.

Quelle était donc l’ambition du chef de l’État, à la suite de son discours, qui se voulait fondateur, au mois de novembre dernier, dans lequel il avait indiqué qu’il fallait fixer un âge minimal de consentement pour une relation sexuelle entre un mineur et un adulte, retenant l’hypothèse, que vous partagiez, madame la secrétaire d’État, de l’âge de quinze ans ?

Les travaux ont commencé, et, comme nous avons eu l’occasion de le dire en première lecture, le texte que vous présentez comme une avancée de civilisation s’avère finalement assez décevant, car il ne porte pas l’ambition que nous attendions.

Il avait et il a toujours des points positifs, comme l’allongement du délai de prescription concernant ces infractions ou la création de l’outrage sexiste. Cette question a été remise dans l’actualité – j’ai envie de dire « tant mieux ! » pour ceux qui n’ont pas encore compris de quoi nous parlions – avec ce fait divers du week-end qui a permis à chacun de voir en vidéo ce qu’était le sort des femmes dans la rue lorsqu’elles s’avisaient de se rebeller contre une forme de provocation masculine. Nous espérons que l’instauration de cette infraction, même si certains sont sceptiques, aura des résultats positifs.

Je salue également la modification, puis le retrait par vos soins, au début du débat au Sénat, du fameux article 2, qui avait beaucoup ému, car d’aucuns craignaient, sans doute à juste titre, que l’infraction de viol ne soit finalement poursuivie par le biais d’une procédure non plus criminelle, mais correctionnelle.

Par ailleurs, le travail de la commission mixte paritaire a montré, aux yeux du groupe socialiste et républicain, quelques qualités et quelques défauts.

La CMP a eu la bonne idée de retirer la notion, qui était extrêmement dangereuse, de maturité sexuelle suffisante. Cette notion nous paraissait très problématique. La commission mixte paritaire a maintenu un certain nombre d’avancées, tous les groupes ayant travaillé pour enrichir le texte. Tout le monde partageait sur ces travées le souhait d’améliorer les dispositifs. Ont été retenues, notamment, les propositions socialistes concernant le cyberharcèlement.

En revanche, certaines dispositions, qui nous semblaient importantes, et qui avaient été adoptées par le Sénat, ont finalement été retirées. C’est, par exemple, le cas de l’obligation de signalement de mauvais traitements sur enfants, au-delà de ce qui existe déjà. Il s’agit pour nous d’un vrai recul. C’est dommage, parce que je reste persuadée, même si je ne suis pas médecin, au contraire de Mme la rapporteur, que c’est par ce biais que nous pourrons lutter de manière efficace contre les mauvais traitements sur les enfants.

Enfin, le groupe socialiste et républicain regrette que la CMP – en toute logique, puisque ni le Sénat ni l’Assemblée nationale ne l’avaient voté – n’ait pas suivi la proposition d’incrimination des relations sexuelles d’un adulte avec un mineur de treize ans avec pénétration, ce qui nous semblait être le moyen à la fois de respecter l’engagement du Président de la République et de poser définitivement un interdit sur la relation sexuelle avec un enfant.

Vous l’avez compris, nous avons un regard mitigé, déçu, et nous pourrions dire que ce texte, au fond, ne mérite ni l’excès d’honneur que le Gouvernement lui accorde ni l’excès d’indignité qui nous dissuaderait de le voter. Le groupe socialiste et républicain, comme en première lecture, s’abstiendra sur ce projet de loi.

Nous espérons que votre ambition incontestable, madame la secrétaire d’État, se concrétisera lors de textes à venir. Nous ne mettons pas en doute votre volonté de lutter contre des comportements qui portent préjudice de manière dramatique et aux enfants et aux femmes. Nous serons à vos côtés si vous avancez, mais nous serons aussi des aiguillons, des stimulants si nous constatons que votre volonté politique fait défaut.

Avant d’en terminer, je veux saluer une instance du Sénat qui a fait un travail formidable. Je veux parler de la délégation aux droits des femmes, qui a, de façon transpartisane, comme notre groupe de travail de la commission des lois, contribué à sa manière, avec un succès inégal, à notre action. Madame la secrétaire d’État, soyez assurée que vous avez, de ce côté-là, un point d’appui robuste.

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