Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteur, vous l’avez rappelé, mes chers collègues, l’actualité nous a démontré l’importance des violences sexuelles et sexistes et plus précisément du harcèlement de rue.
Si le témoignage de Marie, agressée pour avoir osé répondre à un comportement inqualifiable, doit nous révolter, nous inquiéter, il doit surtout nous alerter sur toutes ces femmes, victimes chaque jour de ces agressions et qui se taisent, par honte, par dégoût et, parfois même, par crainte de ne pas être prises au sérieux.
À l’heure où 80 % des victimes des violences sexuelles sont des femmes, le projet de loi qui nous est présenté nous oblige à la gravité et nous conduit à réfléchir aux solutions à trouver pour mettre fin à ces agissements.
L’ensemble des membres de cet hémicycle a partagé avec vous, madame la secrétaire d’État, le même objectif : mieux protéger les victimes et condamner plus fermement les auteurs d’infractions sexuelles et sexistes.
Je me réjouis d’abord que nous soyons tombés d’accord sur l’allongement du délai de prescription de l’action publique pour les crimes et délits d’agressions sexuelles qui passe de vingt à trente ans. Cette mesure est, à mes yeux, la principale avancée de ce projet de loi, sûrement la plus significative.
Il est aujourd’hui nécessaire de prendre en compte la difficulté que peuvent rencontrer les victimes à parler tout de suite, car nombre d’entre elles enfouissent leur traumatisme durant des années.
Je formulerai deux regrets.
Mon premier regret concerne la suppression de la présomption de contrainte conduisant à qualifier une relation sexuelle de viol dans deux cas : lorsqu’il y a un manque de discernement de l’éventuelle victime et dans le cas d’une différence d’âge significative entre l’auteur majeur et le mineur. Si cette mesure risquait certes d’être frappée d’inconstitutionnalité, elle prouvait, me semble-t-il, la gravité de ces crimes.
Mon second regret a trait à la suppression de l’article 1er A annexant au projet de loi le rapport sur les orientations de la politique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes.
Cette disposition que l’on devait à notre rapporteur, Marie Mercier, enrichie par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat, donnait, à mon sens, davantage de corps et de profondeur au présent texte, notamment parce que le rapport posait un cadre pour la prévention et une meilleure prise en compte de l’accueil des victimes.
Le choix qui a été fait de définir plus précisément les circonstances aggravantes, notamment par la prise en considération, comme le souhaitait le Sénat, de la différence d’âge significative entre la victime mineure et l’auteur majeur, est sans doute le bon, mais son application devra être surveillée.
Concernant l’article 2, je me réjouis que vous nous ayez entendus, madame la secrétaire d’État. La création d’un délit d’atteinte sexuelle avec pénétration, si elle partait d’une bonne intention, laissait planer le risque de la correctionnalisation. À ce titre, nous ne devions prendre aucun risque.
Quant à l’article 2 bis C, nous restons pleinement en phase avec les dispositions tendant à alourdir les peines en cas de non-assistance et de non-dénonciation des crimes et délits commis contre l’intégrité corporelle des mineurs de quinze ans. Ces mesures reprennent là aussi nos travaux réalisés en mars dernier.
Une partie des membres de mon groupe regrette toutefois la suppression de l’obligation pour les médecins de signaler les violences sexuelles. Aujourd’hui encore, on sous-estime le rôle de ces derniers dans la dénonciation de ces infractions, alors même qu’ils sont des professionnels de confiance et des interlocuteurs privilégiés.
S’agissant des dispositions relatives au harcèlement sexuel et au harcèlement moral, je tiens à rappeler notre soutien aux mesures visant à condamner les raids numériques. Sera désormais réprimé le comportement de plusieurs individus harcelant de manière unique, mais collective, une victime. C’est, par exemple, souvent le cas sur les réseaux sociaux tels que Facebook ou Twitter.
Concernant la définition du harcèlement sexuel, si certains d’entre nous sont favorables à l’élargissement proposé par l’Assemblée nationale, d’autres continuent de craindre que cette extension ne vienne créer la confusion avec le délit d’outrage sexiste prévu par l’article 4.
Par ailleurs, s’agissant de l’outrage sexiste, si nous sommes totalement d’accord avec l’objectif de faire cesser ces comportements intolérables, nous sommes plus partagés quant aux réponses à donner à ces agissements. La réponse législative que nous apportons paraît difficilement applicable, car elle repose en grande partie sur le flagrant délit. L’essentiel est, à mon sens, ailleurs : dans l’éducation et la sensibilisation, et ce dès le plus jeune âge. Cette prévention est d’autant plus primordiale dans un contexte où la moitié des infractions sexuelles sur mineurs sont commises par des mineurs.
Il faut également lutter de toutes nos forces contre la pédophilie et la pédopornographie. Si des initiatives existent à l’échelle mondiale – je pense à la base de données internationale sur l’exploitation sexuelle des enfants d’Interpol –, l’idée de créer une structure française ad hoc de prévention et de lutte contre la pédophilie – elle a fait l’objet d’une question au gouvernement de ma collègue Françoise Laborde – mériterait d’être étudiée avec plus d’intérêt.
Pour ce qui concerne le viol enfin, il faut insister sur l’accompagnement des victimes, et ce dès le départ, avec la généralisation des salles Mélanie, davantage de moyens et de publicité pour les associations spécialisées.
Il faut également aller plus loin dans la libération de la parole ! Si le nombre de signalements est en augmentation, nous ne pouvons nous en réjouir. Ces chiffres nous donnent le nombre d’auteurs, mais ne nous informeront jamais sur le nombre de victimes, car, aujourd’hui encore, beaucoup d’entre elles se taisent.
Vous l’aurez compris, il nous reste encore beaucoup à faire pour que cessent les violences sexuelles et sexistes. L’adoption de ce projet de loi, à la suite de la réussite de la commission mixte paritaire, doit être considérée non pas comme une fin, mais comme un moyen, une arme supplémentaire dans l’arsenal législatif pour lutter contre ces comportements.
Dans sa grande majorité, le groupe du RDSE votera ce texte, qui constitue un progrès pour ce qui concerne la protection des victimes de violences sexuelles et sexistes, même s’il regrette qu’il ait été quelque peu affaibli au gré des deux lectures.