… comme l’a d’ailleurs reconnu – j’allais dire presque loyalement – notre collègue rapporteur, Élise Fajgeles, à l’Assemblée nationale.
À l’exception de l’accord trouvé sur le délai de recours devant la Cour nationale du droit d’asile, le fameux délai d’un mois, et l’adaptation du droit du sol à Mayotte, les propositions essentielles du Sénat ont été purement et simplement supprimées : l’organisation d’un débat annuel sur la politique migratoire, la visite médicale des étudiants étrangers, l’inclusion, pour soutenir nos territoires, des lieux d’hébergement des demandeurs d’asile dans le décompte des logements sociaux. Je pourrais également ajouter, entre autres propositions, la transformation de l’aide médicale de l’État en aide médicale d’urgence.
En deuxième lieu, le projet de loi constituait une véritable occasion pour lutter contre l’immigration irrégulière, et nous regrettons que cette opportunité n’ait pas été saisie. Sans aucune stratégie, je l’ai rappelé précédemment, le texte tel qu’il nous revient de l’Assemblée nationale ne comprend aucune des mesures de rigueur que nous avions proposées. Je pense notamment à un meilleur encadrement de l’immigration familiale ou à la réduction du nombre de visas accordés aux pays qui refusent de délivrer des laissez-passer consulaires. J’en profite pour dire à notre collègue Leconte que ce n’est évidemment pas l’alpha et l’oméga de toute politique migratoire ; c’est un élément parmi d’autres. Nous n’oublions pas tout le travail diplomatique qui doit être mené par les affaires étrangères avec les pays sources. Ne cristallisons pas notre débat uniquement sur ce point.
Je citerai aussi l’interdiction juridique du territoire national en cas de condamnation ou le retour en arrière concernant ceux qu’on appelle les « dublinés ». Le texte voté à l’identique par l’Assemblée nationale et le Sénat au mois d’avril dernier a été en partie détricoté des avantages apportés par le Sénat. C’est une vraie difficulté.
De même, les politiques d’intégration demeurent le parent pauvre de ce texte, alors que l’Assemblée nationale aurait pu utilement reprendre des mesures que nous avions proposées, telles que l’évaluation de la formation en français et l’augmentation du nombre d’heures de cours, car il n’y a pas de politique migratoire réussie sans une intégration réussie. Au demeurant, réussir une intégration, c’est se donner les moyens de cette réussite, ce qui passe notamment, mais pas uniquement, par l’apprentissage de la langue. Nous avions également formulé des propositions intéressantes sur l’amélioration du contrat d’intégration, avec une meilleure connaissance du fonctionnement de notre République. Enfin, une évaluation par des cabinets extérieurs aurait été utile.
En troisième lieu, l’Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture deux nouvelles mesures qui constituent une entorse à la règle de l’entonnoir, qui résulte de l’article 45 de la Constitution : la suppression du rôle de coordination des centres provisoires d’hébergement en matière d’intégration des réfugiés, à l’article 9 bis du projet de loi, et une habilitation à légiférer par ordonnances pour réformer le contentieux des étrangers devant les juridictions administratives et créer des procédures d’urgence devant la CNDA, à l’article 27 du projet de loi.
Enfin, en quatrième lieu, un désaccord profond demeure entre la majorité du Sénat et celle de l’Assemblée nationale sur l’organisation de la durée de rétention, plus communément appelée le « séquençage ». Le dispositif adopté par l’Assemblée nationale ne paraît satisfaisant pour personne, ni pour l’étranger ni évidemment pour notre administration.
Autre point important : la limitation de la durée de rétention des mineurs accompagnants. La durée maximale de cinq jours a été supprimée par l’Assemblée nationale.
C’est pour l’ensemble de ces raisons – il en existe bien d’autres, mais ce sont les principales – que la commission des lois a décidé ce matin d’opposer à ce texte la question préalable.