En première lecture, le Sénat a largement réécrit ce texte en élaborant un contre-projet plus cohérent, et en abordant l'ensemble des sujets migratoires que sont l'asile, les politiques d'intégration et la lutte contre l'immigration irrégulière.
Ainsi, en matière de lutte contre l'immigration irrégulière, nous avons renforcé les peines complémentaires d'interdiction du territoire, réduit le nombre de visas accordés aux pays les moins coopératifs qui refusent de délivrer les laissez-passer consulaires, réorganisé la durée de la rétention administrative, interdit le placement en rétention des mineurs isolés et encadré celui des mineurs accompagnant leur famille.
S'agissant du droit d'asile, nous avons maintenu à 30 jours le délai de recours contre une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA).
S'agissant de l'immigration étudiante, nous avons aussi réintroduit la visite médicale des étudiants étrangers, afin de répondre à un grave enjeu de santé publique.
En matière d'intégration, nous avons prévu un investissement renforcé dans les cours de français et amélioré les dispositifs d'insertion sur le marché de l'emploi des étrangers en situation régulière.
Enfin, nous avons souhaité soutenir les collectivités territoriales, en proposant d'insérer les places d'hébergement des demandeurs d'asile dans le décompte des logements sociaux de la loi « solidarité et renouvellement urbains » (SRU), et en créant un fichier national biométrique des étrangers déclarés majeurs à l'issue de leur évaluation par un département.
Malgré le dialogue constructif que nous avions engagé avec l'Assemblée nationale, la commission mixte paritaire du 4 juillet dernier n'a pas pu parvenir à un accord.
Je regrette néanmoins que le texte adopté par les députés en nouvelle lecture ne prenne que très peu en compte les préoccupations majeures exprimées par le Sénat.
Malgré tout, il y a quelques points d'accord : le maintien à 30 jours du délai de recours devant la CNDA et l'adaptation du droit du sol à Mayotte, deux mesures introduites par le Sénat ; ainsi que la création d'un fichier comportant les empreintes digitales et une photographie des étrangers se présentant comme des mineurs non accompagnés.
Néanmoins, le texte transmis au Sénat en nouvelle lecture constitue, à mon sens, une véritable occasion manquée pour la politique migratoire de notre pays.
Des désaccords majeurs persistent notamment sur les modalités d'organisation de la rétention administrative. Le séquençage adopté par l'Assemblée nationale est en effet à la fois peu protecteur pour les étrangers et très contraignant pour l'autorité administrative et les tribunaux. En outre, le texte adopté par l'Assemblée nationale permettrait de placer en rétention un mineur accompagnant sa famille pendant 90 jours, alors que nous avions, au Sénat, instauré un « plafond » de 5 jours.
De même, nous avons pu constater un certain manque de considération pour l'action des collectivités territoriales en faveur de l'accueil des demandeurs d'asile, alors que le Sénat avait adopté plusieurs mesures visant à les soutenir.
Enfin, l'Assemblée nationale a adopté deux mesures clairement contraires à la règle de « l'entonnoir », résultant de l'article 45 de la Constitution : il s'agit de la suppression du rôle de coordination des centres provisoires d'hébergement (CPH) en matière d'intégration des réfugiés, à l'article 9 bis du projet de loi, et d'une habilitation à légiférer par ordonnance pour réformer le contentieux du droit d'asile devant les juridictions administratives et créer des procédures d'urgence devant la CNDA, à l'article 27.
Par conséquent, je vous propose de déposer au nom de la commission une motion tendant à opposer au projet de loi la question préalable, ce qui conduirait le Sénat à rejeter le texte transmis par l'Assemblée nationale, afin que celle-ci porte l'entière responsabilité de son contenu et sachant que rien ne permet d'augurer la moindre perspective d'amélioration.