L'article 9 bis, qui a été introduit par l'Assemblée nationale sur l'initiative de la rapporteure, Cécile Gallez, porte de deux à trois ans la durée d'autorisation de mise sur le marché de médicaments dérivés du sang issu de prélèvements rémunérés, ce qui remet en cause le strict encadrement de ce type d'autorisation sur notre territoire.
Or, il convient de le rappeler, notre code de la santé publique - et c'est tout à l'honneur de notre pays - pose les principes fondamentaux de la gratuité et de l'anonymat du don de tout élément du corps humain.
La question est hautement éthique et il faut donc se garder de toute tentation de commerce ou de marchandisation dans ce domaine.
Pour ce qui concerne les médicaments dérivés du sang, une exception a toutefois été prévue, mais elle est très strictement encadrée : une telle autorisation peut-être donnée si le médicament apporte une amélioration en termes d'efficacité ou de sécurité thérapeutiques ou s'il y a pénurie face aux besoins sanitaires.
En tout état de cause, cette AMM, qui est limitée à deux ans, ne peut être renouvelée qu'en cas de persistance des conditions que je viens de mentionner et dont la pénurie fait donc déjà partie : autrement dit, si elle persiste, l'AMM est renouvelée. Dès lors, l'argument qui consiste à justifier par ce risque de pénurie l'allongement d'un an de la durée de l'AMM ne tient pas.
Pourquoi, pendant qu'on y est, ne pas invoquer l'argument de la sécurisation du marché et porter l'AMM à cinq ans, comme pour les autres médicaments ? En la matière, nous avons d'ailleurs échappé au pire - je pense ici à l'amendement qu'avait envisagé de déposer notre rapporteur -, notre commission ayant bien failli se laisser convaincre !
Il faut dire que les groupes de pression qui se trouvent derrière cette disposition sont puissants, ne reculent devant rien et savent toucher la corde sensible : non contents d'avoir obtenu un prolongement d'un an, ils développaient déjà leurs techniques éprouvées du lobbying afin d'obtenir une AMM d'une durée de cinq ans ; ils ont même essayé d'influencer les sénateurs du groupe socialiste !
Soyons clairs : le risque de pénurie en médicaments dérivés supérieure à deux ans n'existe pas ou est extrêmement faible.
En outre, si une telle pénurie se produisait, elle porterait, selon le Laboratoire institutionnel français de fractionnement et de biotechnologies, le LFB, sur des immunoglobulines. Elle serait dans ce cas mondiale et immédiatement compensée par de nombreux produits qui se trouvent déjà sur le marché et dont l'utilisation n'est pas soumise à AMM.
Il existe des spécificités dont nous pouvons être fiers : le don du sang, bénévole et anonyme, fait partie de ces choix de société que nous nous devons de préserver !
Mes chers collègues, dans vos départements, dans vos communes, vous assistez régulièrement aux assemblées générales des associations de donneurs de sang et vous savez à quel point la notion de don gratuit est ancrée dans l'esprit de nos concitoyens. Sa remise en cause - car c'est de cela qu'il s'agirait ici - constituerait une brèche volontaire dans l'éthique française relative à la non-commercialisation de toute partie du corps humain. Elle permettrait à des produits provenant d'un don du sang rémunéré de s'installer durablement sur notre territoire. C'est le système américain des donneurs-vendeurs. Voulons-nous copier les Etats-Unis sur ce plan ?
Cette mesure, outre qu'elle rendrait la France dépendante des importations de produits sanguins, exprimerait un mépris total pour les donneurs de sang de notre pays.
Mes chers collègues, en adoptant notre amendement, vous participerez à une lutte efficace contre ces groupes industriels étrangers dont les visées premières sont, on s'en doute, bien plus commerciales qu'éthiques.