Permettez-moi de formuler quelques observations. L'augmentation de 24 % en cinq ans du budget de la justice constitue un effort très important. Rapprochons-le de l'effort consenti lors du quinquennat précédent, avec une augmentation de 15,6 %, contre 19,3 % pour l'avant-dernier et 37,18 % sous Jacques Chirac, le seul quinquennat d'ailleurs au cours duquel avait été adoptée une loi de programmation des moyens de la justice. Pour notre part, nous avions estimé que le bon étiage impliquait, à périmètre identique, une croissance de 34 % au cours du quinquennat 2018-2022. Il serait intéressant d'avoir des précisions sur la ventilation des moyens prévus dans les différents programmes de la mission « Justice » - le texte est muet sur ce point - pour pouvoir apprécier la réalité du redressement que nous espérons dans le fonctionnement des tribunaux.
Par ailleurs, votre texte reste silencieux sur l'aide juridictionnelle - c'est un choix que vous avez fait. Nous avions le souci d'assurer la pérennité du financement de cette aide. Dans quel cadre comptez-vous traiter ce problème ? Quelles sont vos intentions en la matière ?
En outre, durant la campagne présidentielle, le Président de la République avait annoncé la construction de 15 000 places de prison pendant le quinquennat. Or vous en proposez aujourd'hui 7 000. Pourquoi a-t-il changé d'avis ? La diminution de ses ambitions en matière de mise à niveau de l'administration pénitentiaire est compensée par des moyens considérables en faveur des peines alternatives aux peines de prison. Toutefois, les chiffres qui m'ont été communiqués sont préoccupants en ce qui concerne le nombre de condamnés en semi-liberté et le nombre de condamnés bénéficiant d'un placement à l'extérieur, avec respectivement une diminution en un an de 6,4 % et de 25 %. Aussi, si l'on construit moins de places de prison que le Président de la République s'était engagé à le faire, il faudra que les peines, que vous voulez certaines, soient exécutées autrement. Pour l'instant, le moins que l'on puisse dire, c'est que l'effort n'est pas suffisant dans ce domaine.
Il est un sujet qui nous préoccupe particulièrement parce que nous avons à coeur d'être la chambre des libertés - je me fais aussi l'écho des juges d'instruction que nous avons entendus -, je veux parler des pouvoirs supplémentaires donnés au procureur, même si le juge des libertés et de la détention assurera un contrôle.
Enfin, se pose la question du parquet national antiterroriste. Alors que le Gouvernement avait renoncé à cette idée, il la remet sur la table par voie d'amendement. Nous avions émis de forts doutes à l'époque où l'idée avait été avancée, considérant que le parquet de Paris faisait bien son travail. Le vivier du ministère public permet, en cas d'attentat, de mobiliser un grand nombre de parquetiers. Personnellement, je suis préoccupé par la renaissance de ce projet de création ; nous pressentons des difficultés d'articulation avec le parquet de Paris.