Intervention de Alain Bauer

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 26 septembre 2018 à 9h35
Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions — Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice

Alain Bauer, professeur de criminologie au CNAM :

Contrairement à l'idée répandue, ni le président ni le directeur du CNAPS n'ont le pouvoir de délivrer ou de retirer des cartes. Lorsque le CNAPS a été conçu, l'inspecteur général de l'administration, M. Berlioz, a souhaité qu'il soit le plus décentralisé possible afin d'éviter toute tentation de délivrer ou de retirer des cartes pour des raisons non expressément prévues par le législateur ou le pouvoir exécutif lorsqu'il exerce sa mission réglementaire.

Par conséquent, les présidents des commissions locales, qui sont soit des magistrats soit des préfets, exercent cette mission, et la commission nationale d'agrément et de contrôle est placée sous l'autorité conjointe d'un membre du Conseil d'État et d'un magistrat de la Cour de cassation. Le président du CNAPS ne peut pas être membre de la commission d'agrément et de contrôle, dans une stricte séparation des pouvoirs, telle qu'elle a été imposée au fil des ans pour toutes les autorités ayant un pouvoir disciplinaire.

Le CNAPS exerce à la fois une mission de police administrative, une fonction d'ordre professionnel et une mission de sanction non seulement disciplinaire mais aussi financière, dans des conditions qui ont été soit prévues par le législateur soit plus ou moins bricolées avec les difficultés d'exercice qui s'ensuivent. C'est le cas par exemple pour la mission de retrait en urgence des cartes, qui n'existe pas, alors que le collège du CNAPS la réclame depuis longtemps. Autre exemple, nous pouvions délivrer des sanctions financières, mais nous ne pouvions pas les percevoir ni vérifier qu'elles étaient appliquées. Nous pouvions délivrer des interdictions d'exercice ou des suspensions pour les entreprises, mais sans pouvoir les faire appliquer. Et pour un très grand nombre d'enquêtes qui dépassent la simple consultation des fichiers, nous devons relever d'une mission qui se rajoute à celles, innombrables, qui sont confiées aux policiers, aux gendarmes ou aux autorités des services de renseignement dans le cas de processus de radicalisation qui peuvent interférer. Nous avons donc beaucoup de missions et nous disposons de pouvoirs alternatifs, mais nous sommes aussi soumis à énormément de contraintes dans l'exercice réel de ces pouvoirs.

Depuis sa création, le CNAPS est une institution un peu baroque et un peu hybride, qui a moins de pouvoirs que l'Ordre des médecins, mais plus de compétences, et des limites à son exercice. Le législateur comme le Gouvernement ont fait beaucoup d'efforts pour rattraper le retard et améliorer notre efficacité et notre compétence. Un rapport récent de la Cour des comptes fait état des déficiences du CNAPS. L'ensemble du processus législatif prendra du temps. Nous n'avions pas de code de déontologie obligatoire, mais l'inspection générale de l'administration et le collège du CNAPS ont souhaité se l'appliquer à eux-mêmes. Nous gérons des catégories complexes de population puisque chez les détectives privés, on trouve tout aussi bien des salariés de cabinet de détectives que des professions libérales. Il y a également ce que l'État nous impose, notamment les agréments et les habilitations par équivalence. Il y a quelques semaines, un nouveau texte nous a aussi imposé d'accueillir et d'intégrer des personnels issus du monde militaire dans des conditions extrêmement allégées, ce qui n'est pas forcément conforme à la position plus stricte du collège du CNAPS.

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