Nous entendons ce matin M. Michel Besnard, patron du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) entre 2007 et 2012, aujourd'hui directeur de la sécurité du Paris Saint-Germain. Je vous invite, si vous le souhaitez, à introduire cette audition par un propos liminaire, avant de répondre aux questions des membres de la commission.
Notre commission ayant été investie des prérogatives d'une commission d'enquête, je dois vous rappeler, monsieur Besnard, qu'un faux témoignage serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Michel Besnard prête serment.
Je souhaite d'abord revenir sur l'expérience qui m'a conduit à occuper les fonctions de chef du GSPR. Officier de police de 1986 à 2007, j'ai été nommé sous-préfet en 2007 puis préfet en 2010. Depuis le 1er avril de cette année, je suis en disponibilité, à ma demande.
J'ai rejoint le monde de la sécurité rapprochée en 1992 au sein du service des voyages officiels et de la sécurité des hautes personnalités, devenu service de protection des hautes personnalités puis service de la protection (SDLP). En 1992, j'y assurais la sécurité des personnalités étrangères en visite sur notre territoire, avant, en 1993, d'être chargé de la sécurité du Premier ministre et candidat à la présidence de la République, Édouard Balladur. En 1997, j'ai assuré la sécurité de Lionel Jospin, alors Premier ministre et lui aussi candidat à la présidence de la République. En 2002, j'ai été nommé à la tête du service de sécurité de M. Nicolas Sarkozy, ministre de l'intérieur. Je l'ai accompagné dans ses différentes fonctions ministérielles, avant d'être nommé chef du GSPR à compter de son élection à la présidence de la République, en 2007. En 2012, j'ai été nommé chef de l'unité de coordination des grands événements au cabinet du directeur général de la police nationale. J'avais alors la charge de l'organisation de manifestations comme le 70e anniversaire du débarquement en Normandie, les sommets européens ou les commémorations.
J'ai donc pris mes fonctions à la tête du GSPR après cinq années passées auprès de M. Sarkozy : c'était en quelque sorte une suite naturelle. Le GSPR est chargé de la sécurité rapprochée du Président et de sa famille. La sécurité du Président doit être assurée à tout instant, dans le cadre officiel comme dans le cadre privé ; celle de sa famille repose sur un échange avec le Président et sur une analyse de la menace, qui déterminent le niveau de proximité jusqu'auquel elle doit être assurée. Au total, le GSPR employait, lorsque je le dirigeais, de 90 à 100 personnes suivant les moments, toutes sélectionnées par moi-même et issues du service de protection des hautes personnalités ou du RAID.
Durant les dix années où j'ai assuré la sécurité de M. Sarkozy, celui-ci n'a refusé à aucun moment la présence de notre service à ses côtés. Il est indispensable qu'un lien de confiance s'installe avec la personnalité protégée, ce qui, pour moi, était plus aisé puisque j'exerçais cette responsabilité auprès de M. Sarkozy depuis cinq ans lorsqu'il a été élu ; ce n'était pas le cas de certains de mes prédécesseurs ou successeurs.
À la lumière de votre expertise, déduisez-vous des photos et vidéos montrant M. Benalla à proximité du Président de la République qu'il exerçait une fonction de protection rapprochée ?
Le milieu de la sécurité rapprochée est complexe. On parle de cercles de responsabilité : le premier, celui de la protection rapprochée, est du domaine du GSPR ; le deuxième est pris en charge par d'autres services de police ou de gendarmerie, qui constituent un filtre autour du Président de la République. Au sein du cercle le plus proche peuvent se trouver d'autres personnes que le Président : des conseillers, qui ont une proximité avec lui en vertu de leur rôle, le préfet territorialement compétent dans le cadre d'une visite sur le territoire national, ou l'ambassadeur du pays concerné dans le cadre d'une visite à l'étranger.
Il m'est difficile de dire si M. Benalla était présent aux côtés du Président en tant que membre de son cabinet ou de responsable de sa sécurité. Pour répondre à cette question, il aurait fallu qu'une évacuation ait lieu, permettant d'observer le rôle de chacun. La seule présence auprès du Président n'est pas une indication sur le rôle : au demeurant, dans le premier cercle que j'ai évoqué, on trouve aussi des parasites, des courtisans, qui constituent une gêne pour l'équipe chargée de sa sécurité.
Pour conclure, à proximité immédiate du Président, on peut trouver des personnes chargées de sa sécurité, des membres de son cabinet, des autorités en représentation, ou encore des membres du public souhaitant s'adresser au Président.
D'après les informations recueillies au cours de nos auditions, il y aurait deux cercles autour du Président : un cercle assez large, celui que vous avez décrit, et un autre ne comportant que quatre personnes, chargées de la sécurité rapprochée au titre du GSPR. Ces deux cercles existaient-ils à l'époque où vous étiez en fonction ?
Le dispositif mis en place dépend du moment et de la menace. Le cercle le plus proche est constitué exclusivement de membres du GSPR. À mon époque - et, je le crois, encore aujourd'hui - il s'agissait d'un triangle composé d'un élément avancé, un élément évacuateur et un élément de contrôle arrière équipé d'une mallette en kevlar. En cas de foule importante autour du Président ou de menace avérée, ce triangle pouvait se compléter d'un carré dit « tireur », toujours exclusivement composé de membres du GSPR.
Dans un périmètre plus large, qui peut aller jusqu'à un kilomètre, la protection est assurée par les services de police ou de gendarmerie locaux, par exemple pour le contrôle de l'accès à une salle où s'exprime le Président de la République ou à un lieu qu'il visite.
Si un collaborateur du Président est constamment à son épaule gauche ou droite dans un bain de foule, cela constitue-t-il une gêne pour sa sécurité ?
Cela peut l'être. Pour le service de sécurité, tout l'art consiste, parfois, à utiliser cette personne, si je puis dire, comme un obstacle face à une éventuelle agression ou une sorte de matelas de protection pour le Président. On ne peut l'éliminer, puisque le Président peut en avoir besoin auprès de lui. La difficulté survient lorsque ces personnes sont trop nombreuses : dans ce cas, il faut faire un tri pour dégager un espace vital. On ne peut placer le Président sous une bulle et l'isoler du monde extérieur. Ce n'est ni son souhait, ni notre but.
Les autres membres des services de l'Élysée nous ont déclaré, lors des auditions, que M. Benalla n'exerçait aucune mission de police ou de sécurité. Pourtant, il a parfois donné des instructions aux services de protection. Au regard de vos déclarations, a-t-il pu être instrumentalisé en tant qu'obstacle par les véritables responsables de la sécurité ?
Le mot « instrumentaliser » ne convient pas. À l'époque où je dirigeais le GSPR, il aurait été impossible qu'un autre que moi donne des instructions à un membre de mon service. Je prenais naturellement des informations auprès du Président de la République pour les déplacements privés, ou de son chef de cabinet lors des déplacements officiels, car ce dernier est chargé de leur organisation et nous transmet le programme du Président, sur la base duquel nous préparons des dispositifs plus ou moins importants. Je ne saurais dire quel rôle le GSPR aurait pu donner à M. Benalla ; quoi qu'il en soit, à mon époque, le GSPR s'entraînait à utiliser les personnes présentes à proximité du Président au profit de sa sécurité. Pour des événements comme le salon de l'agriculture, où les bains de foule peuvent durer très longtemps et où le Président recherche la proximité, mieux vaut procéder ainsi que d'éliminer les personnes qui l'entourent.
Le cas de M. Benalla est quelque peu différent de ceux que vous avez évoqués, comme celui où le Président est accompagné du conseiller technique concerné par le déplacement. En effet, M. Benalla était un collaborateur du Président de la République autorisé à porter une arme - qu'il lui est arrivé d'avoir sur lui, comme il nous l'a confirmé, lorsqu'il se trouvait auprès du Président - et qui a assuré sa sécurité durant toute la campagne présidentielle. Notre commission cherche à comprendre quel était son rôle en matière de sécurité. Je crois comprendre, d'après vos propos, qu'à l'époque où vous dirigiez le GSPR, aucun des conseillers du Président de la République n'exerçait de fonctions aussi ambiguës.
Aucun membre du cabinet du Président n'avait de fonctions en matière de sécurité rapprochée. Les conseillers pouvaient être présents, vous l'avez dit, en fonction de la nature du déplacement. Le chef de cabinet ou son adjoint était présent presque systématiquement auprès du Président pour l'organisation du déplacement et le lien avec les autorités d'accueil.
J'ai accompagné trois personnalités en campagne électorale pour la présidentielle, alors qu'elles exerçaient des fonctions ministérielles. Dans ce cadre, je collaborais avec les services de sécurité privée des partis politiques ; mais en aucun cas nous n'avons cédé nos prérogatives à ces services. Le partage des rôles était clairement défini : la sécurité éloignée - de la salle, du public, de la scène par exemple - était assurée par les services du parti, mais celle du candidat relevait de la sécurité rapprochée d'État. Il y avait naturellement de nombreux échanges pour délimiter les responsabilités et éviter les empiètements.
Les deux derniers présidents, MM. Hollande et Macron, ont été élus alors qu'ils n'occupaient pas de fonctions ministérielles ; à ce titre, ils n'étaient pas accompagnés par la sécurité d'État. Celle-ci intervient, en accord avec le candidat lui-même, seulement quelques semaines avant le premier tour ; avant cela, la sécurité du candidat est assurée par des sociétés de sécurité privée ou des militants, la plupart du temps non armés. Mais ce n'est pas mon expérience, puisque les candidats que j'ai accompagnés avaient des responsabilités gouvernementales.
En 2007, M. Sarkozy avait démissionné de ses fonctions de ministre de l'intérieur au mois de mars.
En tant qu'ancien ministre de l'intérieur, il avait droit à une protection d'État certes limitée. La proximité entre sa démission et l'élection a permis une continuité du dispositif de sécurité, même si le nombre d'agents était réduit.
On nous indiqué, au cours des auditions, qu'il avait été décidé qu'un membre de la chefferie de cabinet se trouverait systématiquement à proximité du Président Macron. Est-ce un changement dans le dispositif de sécurité, et cette mesure est-elle de nature à protéger le Président en toute situation ?
Ce n'était pas le cas lorsque je dirigeais le GSPR. La présence du chef de cabinet dans les déplacements du Président de la République était systématique, pour faire face aux événements organisationnels, en lien avec le préfet compétent, l'ambassadeur ou les autorités du pays hôte en cas de visite à l'étranger, mais sa présence à proximité du Président ne l'était pas et relevait, la plupart du temps, du choix du Président lui-même. La sécurité de celui-ci repose avant tout sur un lien de confiance, et les règles, sans être transgressées, sont adaptées à la personnalité du Président. La sécurité est une notion impalpable et difficile à percevoir. La plus grande réussite, pour un chef du GSPR, est précisément que le Président ne pense pas à sa sécurité. Dans le cas contraire, le lien de confiance est rompu. La présence du chef de cabinet ou de son adjoint à proximité du Président Sarkozy n'était pas systématique parce qu'il ne le souhaitait pas. La sécurité s'adapte à la volonté du Président.
Vous avez également assuré la sécurité de plusieurs Premiers ministres ; je suppose que l'organisation d'un déplacement d'un Premier ministre ressemble à celle d'un Président de la République...
Surtout en période de cohabitation !
En ces occasions, avez-vous eu à tenir compte, dans le dispositif de sécurité, de la présence du chef de cabinet ou de son adjoint à l'épaule du Premier ministre ?
Pas à l'épaule, mais à quelques mètres. Le chef de cabinet n'est jamais très loin, pour permettre les échanges sur l'organisation.
Étiez-vous totalement autonome dans la sélection des membres du GSPR ? Ceux-ci étaient-ils toujours issus des forces de sécurité intérieure ? Le service de la protection intervient-il dans leur recrutement et en est-il systématiquement informé ?
J'ai recruté moi-même tous les membres du GSPR de manière entièrement autonome, avec cette limite qu'ils devaient être issus du service de protection des hautes personnalités - aujourd'hui service de la protection - ou du RAID. Tous ces fonctionnaires ont subi des tests physiques et psychologiques pour intégrer leur unité. Cette condition était nécessaire et suffisante.
N'y avait-il aucune immixtion du service de la protection, ou un droit de veto, dans ce choix ?
Il y avait un échange avec le directeur du service. Recruter au sein du service de la protection ne pose aucune difficulté, puisque ses membres, comme ceux du RAID, ont satisfait à des tests poussés - sauf à ce que l'agent concerné ait commis une faute.
Les personnes à proximité immédiate du Président qui ne font pas partie du GSPR sont-elles informées de leur rôle de « matelas » ?
Je pense que les personnes qui ont l'habitude de ces déplacements ont compris quel rôle le service de sécurité pouvait être amené à leur faire jouer.
Les nombreuses auditions que nous avons conduites ont mis au jour un nombre conséquent de contradictions. Il nous a été dit que M. Benalla n'exerçait aucune fonction de sécurité ni de protection ; qu'il assurait la coordination des services de sécurité de la présidence de la République ; qu'il était membre d'une mission chargée de repenser les liens entre le commandement militaire et le GSPR, voire de concevoir le nouveau dispositif de sécurité du chef de l'État. Dans vos fonctions, la question de la coordination entre le GSPR et le commandement militaire s'est-elle posée ? Y a-t-il eu des groupes de travail sur ce thème ?
Je complète la question : le chevauchement éventuel entre le GSPR, chargé de la sécurité du Président, et le commandement militaire du palais, chargé de la sécurité de l'Élysée, a-t-il pu engendrer des difficultés de coordination ?
J'aurais dû préciser que le GSPR n'est pas responsable de la sécurité du Président au sein du palais, où elle relève de la garde républicaine. J'avais naturellement des échanges réguliers avec le commandement militaire pour coordonner les entrées et sorties du Président notamment ; mais la garde républicaine n'avait pas à connaître de mon travail à l'extérieur, ni moi du rôle de celle-ci dans le palais. Ce partage des rôles était clairement établi depuis toujours, et je n'ai pas éprouvé le besoin de le remettre en question, ni participé à une réflexion sur ce sujet.
Lorsque je le dirigeais, le GSPR était aussi chargé de l'organisation générale des déplacements du Président, ce qui implique la responsabilité des véhicules du cortège, de l'hébergement et de la gestion des bagages de la délégation du Président, en particulier à l'étranger, et de la discipline de la presse à proximité du Président. De trois à dix agents assurent la sécurité rapprochée, voire davantage dans les situations plus complexes, tandis qu'une vingtaine d'entre eux peuvent être engagés sur ces missions d'ordre plus général. J'ai souhaité prendre toutes ces fonctions sous ma responsabilité pour avoir une vision complète de la sécurité du Président. Dès lors qu'il descendait de l'avion, j'estimais être responsable de tout ce qui se passait autour de lui, des lieux où il se rendait jusqu'à la nourriture qu'il mangeait. Cela s'étendait à son entourage, car le Président n'est pas isolé. D'autres anciens responsables du GSPR ont une vision différente.
Je n'ai jamais éprouvé le besoin de repenser le fonctionnement du GSPR. J'avais, dans l'exercice de mes fonctions, l'assentiment du Président et de son chef de cabinet. Lors des déplacements à Paris et parfois en province, les conducteurs sont recrutés parmi les gardes républicains, qui sont également présents pour les cérémonies telles que les dépôts de gerbe. Je ne suis pas persuadé qu'une réforme soit nécessaire, et je n'ai aucun doute sur le fait que la sécurité du Président est bien assurée.
Lorsque vous étiez en poste à l'Élysée, des éléments extérieurs au commandement militaire et au GSPR ont-ils, à votre connaissance, disposé d'un permis de port d'armes ?
Non. Si une menace avait pesé sur un conseiller, nous lui aurions attribué un dispositif de sécurité plutôt qu'une arme.
La réponse est la même.
Vous qui avez connu deux périodes de cohabitation, pensez-vous que le rattachement du GSPR au ministère de l'intérieur pose problème ?
Non. Lorsque je dirigeais le GSPR, il ne comptait que des policiers. Aujourd'hui, l'équipe associe des policiers et des gendarmes, car les textes le permettent. La sécurité rapprochée du Président doit être adaptée à sa volonté.
Le ministre de l'intérieur est-il informé par les membres ou le chef du GSPR des faits et gestes du Président ?
Je n'ai eu à signaler des faits au ministre de l'intérieur ou au directeur général de la police nationale (DGPN) qu'en de rares occasions. Une première fois à l'occasion d'un malaise du Président lors de son footing dans le parc du château de Versailles. Une seconde fois, au cours du déplacement en Libye qui a suivi la chute de Muammar Kadhafi, j'ai dû solliciter auprès du directeur général de la police nationale le concours de membres du RAID pour renforcer le dispositif, l'État lybien n'étant pas susceptible de garantir la sécurité du Président. En dehors de ces cas, je n'ai jamais eu à rendre compte à quiconque, si ce n'est au Président, du dispositif mis en oeuvre.
Le directeur de cabinet du Président, à l'origine de la demande de permis de port d'armes de M. Benalla, nous disait qu'équiper celui-ci d'une arme dans le cadre des déplacements privés du Président, où le dispositif était plus léger, concourait à sa sécurité. Ces déclarations sont difficiles à comprendre puisque, d'après vous, il n'y a jamais de rupture dans le dispositif de surveillance. Qu'un membre de l'entourage du Président soit armé - et la demande de permis de port d'arme de M. Benalla était motivée par la sécurité du Président - est-ce un « matelas » supplémentaire ou au contraire un élément de perturbation dans le dispositif de sécurité ?
Je n'étais pas demandeur de ce type d'aide. Si le GSPR a besoin d'être assisté, il sollicite d'autres services. La présence de M. Benalla équipé d'une arme n'est pas une gêne, si celui-ci participe aux entraînements. En effet, les entraînements reposent sur des mises en situation où chacun à un rôle particulier à jouer.
Ma question pourra vous sembler théorique. Jusqu'où pouvait aller la tolérance du GSPR vis-à-vis de M. Benalla, qui était chargé de la protection directe du Président ? Le GSPR semble être un corps très organisé. Pourtant, il semble que cet individu ait évolué librement, sans que l'on sache s'il portait une arme ou non. C'est assez mystérieux.
Il y a des personnalités incontournables auprès du Président et nous n'avons pas vocation à entraver leur proximité. J'ai coutume de résumer ainsi nos différences avec nos homologues américains : le Secret service interdit, le GSPR s'adapte. Si une personnalité doit être à proximité du Président à tout instant - le préfet, le conseiller en charge du thème de la visite, un interprète, une personne qui fait visiter sa société par exemple - le GSPR fait avec, que la proximité soit récurrente ou non.
Le GSPR s'adapte-t-il sur le fait ou dispose-t-il de renseignements en amont, par exemple dans le cadre de réunions d'état-major où vous seriez informé du nom des personnes qui porteront une arme ? M. Benalla nous a indiqué qu'il se rendait parfois directement de chez lui vers le lieu de l'événement, sans que l'on sache s'il portait son arme ou non.
La préparation des déplacements commence avec des réunions en préfecture. Le préfet reste responsable de la sécurité du Président sur le territoire de sa compétence, et le GSPR agit alors en tant que conseil du préfet, qui en général suit ses avis. Nous sommes informés du programme du déplacement et de la délégation qui accompagne le Président. La menace fait l'objet d'une analyse précise à chaque déplacement, officiel ou privé. Ces critères nous permettent de dimensionner le dispositif. Si le Président sort acheter un médicament à la pharmacie, le dispositif est léger et discret - il en ira tout autrement pour les cérémonies du 14 juillet. Le dispositif est lié à l'analyse de la menace, à la nature du déplacement et aux besoins du Président.
En cette période d'attentats terroristes, étiez-vous informé de tous ceux qui détenaient une arme autour du Président de la République, que ce soit dans le périmètre proche ou plus éloigné ?
M. Besnard nous a indiqué que personne d'autre que les membres du GSPR et des forces de sécurité intérieure ne portait une arme autour du Président.
Il faut y ajouter les officiers de sécurité étrangers, lorsque le Président accompagne une personnalité étrangère. Tout cela est clairement établi.
J'avais mis en place un dispositif d'identification des conseillers du Président de la République, sous la forme de pin's ; les membres du GSPR apprennent rapidement à les reconnaître, mais c'est aussi utile aux autorités de sécurité locales. Lors des déplacements officiels à l'étranger, le protocole distribue des badges aux membres de la délégation - journalistes, interprètes, conseillers ou invités, afin que chaque personne soit clairement identifiée.
En tant qu'expert de la sécurité rapprochée, ne pensez-vous pas que M. Benalla, qui d'après les syndicats de police que nous avons entendus terrorisait les personnes chargées de la sécurité du Président, était devenu une gêne pour le GSPR, composé d'experts, policiers et gendarmes qui maîtrisent le maniement des armes et la sécurité rapprochée ? Un « matelas » n'est pas forcément un atout. Le patron du GSPR que vous avez été n'aurait-il pas fait part au Président de la République, via le chef de cabinet, du problème que pourrait constituer la présence permanente de M. Benalla auprès de lui ?
Il est difficile, monsieur Besnard, de vous demander d'évoquer des situations que vous n'avez pas vécues, mais je comprends la question de M. Leroy : nous cherchons à comprendre ce qui a pu se produire.
Je ne peux imaginer le contenu des conversations entre le chef du GSPR et le Président de la République. Je ne souhaite pas que l'on s'attache excessivement au terme de « matelas », mais en effet ce n'est pas un atout : nous préférons avoir les coudées franches, mais notre rôle est de nous adapter. Voilà notre maître mot. On ne peut imaginer le Président de la République isolé comme sous un globe.
Lors des déplacements privés, y avait-il systématiquement un membre de la chefferie de cabinet auprès du Président ?
Très exceptionnellement, alors que cette présence était systématique lors des déplacements publics.
Quelle connaissance avez-vous des fonctions réelles qu'occupait M. Benalla ?
J'ai rencontré M. Benalla lors de la préparation du sommet de décembre 2017 pour le financement des actions de la cause climat, qui rassemblait une quarantaine de chefs d'État étrangers sur l'île Seguin. J'y participais en tant qu'expert dans la sécurité des grands événements ; j'ai effectué des missions de reconnaissance sur le bateau-mouche qu'allaient emprunter les chefs d'État pour se rendre sur l'île. M. Benalla représentait la présidence de la République, et a dirigé des réunions en tant qu'adjoint au chef de cabinet du Président. Ai-je répondu à votre question ?
Après 24 ou 25 auditions, nous n'arrivons toujours pas à cerner précisément les fonctions de M. Benalla en matière de sécurité. Vos relations professionnelles, le milieu où vous évoluez vous ont nécessairement amené à avoir connaissance de ses fonctions. M. Benalla est sans doute intervenu en tant que chef adjoint de cabinet dans un certain nombre de manifestations, mais nous essayons d'identifier ses fonctions dans le domaine de la sécurité. C'est sur ce point-là que je vous interrogeais.
Mes vingt années passées dans le domaine de la sécurité rapprochée ont eu un fort impact sur ma vie privée. C'est pourquoi j'ai souhaité, après la fin de ma mission auprès du Président Sarkozy, reprendre une vie plus normale. Je me suis également fixé pour principe de ne pas faire de commentaires sur la manière dont les fonctions de chef du GSPR étaient exercées par mes successeurs auprès de M. Hollande et de M. Macron, ou même mes prédécesseurs. Ce métier est trop difficile pour porter des jugements. Vous allez bientôt entendre un autre ancien chef du groupe de sécurité de la présidence de la République, avec qui j'ai travaillé lorsque j'assurais la sécurité du Premier ministre Lionel Jospin ; elle et moi avons exercé nos fonctions de manière différente parce que nous avions affaire à des personnalités différentes. Le cadre de ces fonctions est assez large pour être adapté aux personnalités des présidents successifs.
Merci pour la clarté et la précision de votre exposé et de vos réponses. Vous avez parlé d'une formation en triangle ou en carré, selon le niveau de la menace ou le nombre de personnes présentes autour du Président de la République. Comment les membres de cette formation sont-ils recrutés ? Sont-ils imposés au Président ? Un profil est-il défini par rapport à la personnalité de celui-ci ? Est-il arrivé, si la confiance ne s'établissait pas, que le Président vous demande un changement, ou même l'intégration d'une personne en qui il avait toute confiance ? Dans ce cas, est-il possible de s'opposer à sa demande ?
Jusqu'à quel degré de proximité dans la famille du Président de la République la protection s'étend-elle ? On a vu M. Benalla auprès de Brigitte Macron. Est-ce le GSPR qui couvre les déplacements, même privés, de la famille ou fait-il appel, faute d'effectifs, à des éléments extérieurs à la police nationale ?
Je ne me suis jamais fait imposer quelque recrutement que ce soit. À aucun moment le Président ne s'est étonné de voir certaines personnes à ses côtés, ou n'a émis de remarques sur le physique, l'attitude, le sexe de ces personnes. En tant que chef du GSPR, je mettais en oeuvre le dispositif de sécurité en fonction de la menace, des habitudes du Président et du contexte.
Les agents du GSPR sont recrutés selon des critères professionnels et en fonction des besoins. Ainsi, au sein du pôle de sécurité figure un agent appelé le « Siège » parce qu'il occupe le siège avant droit de la voiture du Président. Sa fonction est de porter son manteau, sa mallette, son discours, autant de tâches qui pourraient faire obstacle à l'exercice de la mission de protection exercée par les autres agents. Il ne sera pas recruté sur les mêmes critères qu'un évacuateur ou qu'un tireur. Il n'y a jamais eu d'interférence, à mon époque, dans le choix des agents du GSPR.
J'en viens à la protection de la famille. Dès qu'un Président de la République est élu, nous analysons son environnement familial pour savoir quelle menace peut peser sur les membres de sa famille et lui proposer, pour chacun d'entre eux, un type de protection. Le conjoint est bien entendu la première personne à laquelle nous pensons, mais nous ne nous y arrêtons pas. Lorsque j'étais en poste, les enfants et la mère du Président de la République étaient pris en compte par le GSPR, et uniquement par lui. Ces personnes subissent notre protection, elles ne la souhaitent pas, car elle intervient dans un cadre privé - même si l'épouse du chef de l'État peut certes l'accompagner en déplacement officiel ou effectuer elle-même un déplacement. À nouveau, cette sécurité n'a jamais été assurée que par des membres du GSPR, le cas échéant avec l'accord du Président de la République, car imposer une telle protection à un enfant ou un adolescent - qui n'a pas choisi d'être fils ou fille du Président de la République ou du Premier ministre - est compliqué. Malheureusement, vu le contexte actuel, on ne peut pas négliger ces personnes car elles peuvent constituer une cible ou un moyen de pression pour atteindre le chef de l'État. Nous revenons sur le lien de confiance : tout ce qui se passe au sein de la famille du Président de la République doit rester confidentiel. C'est pourquoi cela doit rester du domaine exclusif du GSPR.
J'ai noté qu'à votre époque, le GSPR était composé de 90 à 100 agents ; lors de l'audition de l'actuel chef du GSPR a été évoqué un effectif de 76 agents. Il y a eu, semble-t-il, une nette diminution. Savez-vous quand, par qui et pourquoi cette diminution a été opérée ? Vos propos donnent aussi l'impression que les missions du GSPR étaient à votre époque plus larges qu'elles ne le sont aujourd'hui. Dit autrement, il me semble que les missions de la chefferie de cabinet empiètent actuellement sur celles du GSPR que vous avez décrites. Est-ce parce que les missions de la chefferie de cabinet ont été accrues, et qu'elle a embauché des collaborateurs supplémentaires, ou parce que les effectifs officiels du GSPR ont été réduits ?
Le nombre d'agents du GSPR a varié selon le Président de la République en exercice. Sous Jacques Chirac, l'équipe, composée à parité de policiers et de gendarmes, était d'une soixantaine de personnes, mais une quinzaine d'autres fonctionnaires travaillaient à l'organisation générale des déplacements du Président de la République. Sous la présidence de Nicolas Sarkozy, j'avais souhaité qu'il n'y ait pas de distinction entre le groupe d'organisation générale et le GSPR, car je jugeais leurs missions respectives trop proches. Lorsque François Hollande a été élu, un autre choix a été fait, la parité policiers-gendarmes a été rétablie et les effectifs ont été réduits à un niveau que je ne saurais plus vous dire.
Ce que je peux dire, c'est que le GSPR a besoin d'entraînement, qui doit compter pour un tiers de son temps utile, complété par un temps de travail et un temps de repos. Si ces trois temps ne sont pas respectés, la sécurité ne sera pas bien assurée. Lorsque les effectifs sont insuffisants, on empiète sur le temps d'entraînement, parfois même sur le temps de repos. Cela peut arriver, mais cela doit rester exceptionnel. J'ai souhaité que ces temps soient respectés. Le Président de la République pour lequel j'ai travaillé avait une famille plus nombreuse, un plus grand nombre d'enfants, que les autres chefs d'État, ce qui a nécessité davantage de fonctionnaires. J'ai du mal à comprendre pourquoi les médias s'intéressent de si près au nombre de fonctionnaires du GSPR, car il s'adapte aux besoins. C'est au chef du GSPR de décider du nombre adéquat. J'avais pour ma part évalué que pour être bien accomplie, la mission du GSPR exigeait de 90 à 100 fonctionnaires, mais ce nombre a varié car la mission elle-même a varié.
Monsieur le préfet, vous nous avez indiqué que la famille du Président de la République bénéficie également d'une protection rapprochée de la part du GSPR. Lorsque sa famille - son conjoint, par exemple - se déplace sans le Président de la République, le GSPR intervient aussi. Avez-vous pu constater dans l'exercice de vos fonctions que la chefferie de cabinet accompagnait également le conjoint du Président de la République dans ce cas de figure ?
L'épouse du Président de la République peut avoir des déplacements qualifiés d'officiels, à titre caritatif par exemple, sans le Président de la République. Les épouses des chefs d'État peuvent être invitées en tant que telles ; la chefferie de cabinet peut alors déléguer quelqu'un pour gérer le programme. Je qualifie de tels moments d'officiels, même si, faute de statut d'épouse du Président de la République en France, cela reste à la frontière de l'officiel. Clairement, ces situations s'imposent à nous. Je songe à un cas vécu : se rendre à un concert, ce n'est pas un moment officiel mais on peut être invité par une institution caritative ou un hôpital : c'est alors bien l'épouse du Président qui est invitée. Un membre de la chefferie de cabinet peut alors être présent pour organiser les relations avec la préfecture, les médias, ou apporter son conseil à l'épouse du Président.
Merci, monsieur le préfet, pour vos propos pleins de sagesse, précis, expérimentés, votre sincérité et le recul dont vous faites preuve. Nous cherchons à comprendre le rôle exact de M. Benalla. Le général Bio Farina nous a expliqué qu'il était une interface entre l'intérieur et l'extérieur à l'occasion des déplacements, ce qui a été confirmé par M. Benalla lui-même, qui a employé le terme d'« ambiance ». Disposiez-vous, dans vos fonctions à la tête du GSPR, d'une personne particulière chargée de vous faire part de l'ambiance qui régnait lors des déplacements, et cela vous semblait-il important ?
Personne, au sein de la présidence de la République, n'était désigné pour collecter ce type d'informations à mon profit. Les capteurs, pour moi, sont ceux mis en place par les autorités locales, le préfet territorialement compétent, le directeur départemental de la sécurité publique, le commandement de groupement de la gendarmerie nationale, ou par toute autre autorité locale ou à l'étranger. Je vous l'ai dit, l'agent de sécurité rapprochée se place comme un expert, conseiller auprès du préfet ou de l'ambassadeur qui accueille le déplacement : les échanges ne se situent qu'à ce niveau-là. Les autres éléments dont on pouvait avoir à connaître, l'analyse de la menace, du niveau de dangerosité ou de risque du déplacement, tout cela relève des services de renseignement compétents. Bref, je ne vois pas trop en quoi consiste ce rôle d'interface.
Monsieur le préfet, si vous aviez vu un proche collaborateur du Président porter une arme en déplacement, auriez-vous prévenu votre ministre de tutelle, le ministre de l'intérieur ?
Si j'avais constaté qu'une personne que je ne connaissais pas portait une arme sans que cela fasse partie de son rôle, je n'en aurais pas rendu compte, j'aurais opéré un contrôle, interpelé la personne ou demandé aux forces locales de vérifier le motif de ce port d'arme, car j'y aurais vu une menace. Pour moi, la détention d'arme ne peut être le fait que des forces de sécurité intérieure. S'il s'était agi d'un individu que je connais, une explication se serait imposée...
Je pensais à cette dernière hypothèse dans laquelle un proche du Président porterait une arme : préviendriez-vous l'autorité compétente pour qu'au moins la chose se sache ?
Bref, vous seriez-vous opposé à ce qu'un collaborateur du Président de la République l'accompagne en déplacement avec une arme ?
Je m'en serais étonné, mais je ne pense pas que je me serais adressé au ministre de l'intérieur, car je ne crois pas que ce soit de son ressort. Je m'en serais ouvert au chef de cabinet, au directeur de cabinet ou au secrétaire général de la présidence de la République, ça me semble plus adapté. N'ayant jamais été confronté à cette situation, je ne peux toutefois pas vous en dire davantage.
M. Benalla nous a dit disposer d'un permis de port d'arme pour sa seule sécurité personnelle. On peut donc considérer qu'il faisait l'objet de menaces. Était-il dès lors opportun de le maintenir dans le premier cercle du Président, au risque de faire peser sur ce dernier une menace supplémentaire ? Était-il indispensable à ce point ?
J'ai indiqué que la solution la plus adaptée au problème de menace pesant sur un membre du cabinet du Président de la République est la mise en place d'une sécurité rapprochée, et non de lui donner une arme. La sécurité, selon ma conception des choses, vise à enlever les soucis liés à la menace et à permettre aux gens de se concentrer exclusivement sur leur travail. Une telle personne ne fait toutefois pas peser sur le Président de la République une menace supplémentaire, car des personnes menacées à proximité du Président de la République, il y en a tout le temps : chefs d'État étrangers, membres du Gouvernement, personnalités bénéficiant d'une sécurité... c'est un paramètre que l'on prend en compte et qui nécessite souvent une coordination avec la sécurité de la personne en question. Jamais je n'ai rencontré de personne se sécurisant elle-même, ce n'est pas adapté au milieu qui est le mien.
On peut postuler que quand on est dans le périmètre du groupe de sécurité de la présidence de la République et qu'on est soi-même collaborateur du Président de la République, on est compris dans la protection qui s'applique au Président de la République et à son environnement.
On peut en bénéficier.
Remontons le cours des siècles. Le général de Gaulle, lorsqu'il se déplaçait, avait un mini-GSPR de quatre personnes, dirigé par le commissaire Paul Comiti, très efficace. Lors d'un déplacement en Bretagne, un jour, une pomme est tombée sur le capot de la DS noire du général ; le soir même, le préfet a été déplacé... Vous est-il arrivé, dans vos déplacements pour le Président de la République française Nicolas Sarkozy, de rencontrer ce genre de problème ? Je pense notamment à un déplacement dans la Manche où les préfets en charge de la sécurité n'étaient pas tout à fait formés à cette tâche et et n'écoutaient pas les conseils de vos précurseurs...
La Manche est un département particulièrement sûr, mon cher collègue, même si on y trouve peut-être plus de pommes qu'en Bretagne...
Je vois à quel déplacement vous faites référence. J'ai effectivement eu à organiser un déplacement dans la Manche, dont on peut dire qu'il s'est moyennement bien déroulé : le cortège du Président de la République avait eu à traverser des groupes de manifestants, qu'il aurait plutôt dû contourner pour éviter qu'aucun ne se jette sur sa voiture ou ne l'agresse - ce qui n'est heureusement pas arrivé. Les conseils que les membres du GSPR avaient prodigués à l'époque n'ont pas été suivis. À nouveau, le GSPR est expert auprès du préfet territorialement compétent, qui reste seul responsable et compétent pour prendre une décision. Un mauvais choix a été effectué ce jour-là. J'ignore si l'avenir du préfet s'est trouvé entièrement lié à cette affaire mais en tout état de cause, selon moi, une erreur a alors été commise.
Merci, monsieur le préfet, pour la précision de vos réponses.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
Nous recevons M. Jean-Paul Celet, préfet, qui, jusqu'au 27 août 2018, exerçait les fonctions de directeur du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Au titre des missions qui lui sont confiées, le CNAPS a eu à connaître de demandes émanant de M. Benalla pour être autorisé à exercer une activité de sécurité privée et être agréé comme dirigeant d'une entreprise oeuvrant dans ce domaine. Vous pourrez utilement, dans votre propos liminaire, nous exposer les procédures relatives à la délivrance des titres et agréments de la compétence du CNAPS. Je vous rappelle que notre commission des lois détient les prérogatives d'une commission d'enquête ; un faux témoignage serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Jean-Paul Celet prête serment.
J'ai eu l'honneur de diriger, entre février 2016 et août 2018, le CNAPS, dont le champ de compétence comprend la surveillance - par des moyens humains ou électronique - et le gardiennage, la protection physique des personnes, le transport de fonds, les détectives privés et, depuis deux ans, la protection armée des navires. Il exerce dans ce cadre une triple mission d'examen des demandes de titres, de contrôle et de conseil.
Le CNAPS délivre environ 150 000 titres par an - des cartes professionnelles pour des activités de sécurité privée et des agréments de dirigeant de société de sécurité privée -, ainsi que des autorisations d'exercice pour lesdites sociétés et les organismes de formation. Cette première mission s'exerce dans le respect d'un double critère de moralité, évalué au regard des mentions figurant aux fichiers de police judiciaire que le CNAPS est habilité à consulter, et de qualification professionnelle vérifiée par un diplôme, un titre, un certificat ou, pour les anciens militaires et agents des forces de l'ordre, une équivalence. Je précise que le directeur du CNAPS ne délivre pas lui-même les titres, agréments et autorisations, mais propose l'acceptation ou le rejet des demandes à une commission locale composée de fonctionnaires, de magistrats et de représentants des organisations professionnelles, dont le président, après délibération, prend la décision finale. En cas de désaccord avec la décision prise, le demandeur peut faire appel auprès de la commission nationale, présidée par un avocat général près la Cour de cassation et dont le vice-président est un conseiller d'État.
Le CNAPS contrôle par ailleurs les professionnels de la sécurité privée oeuvrant dans les secteurs d'activité de son champ de compétence. À titre d'illustration, 1 800 contrôles ont été réalisés en 2017. Ils peuvent, en cas de manquements avérés, conduire à une demande de sanction par la commission locale pouvant aller jusqu'à une interdiction d'exercer pendant cinq ans.
Le CNAPS prodigue enfin des conseils, en matière de sécurité privée, aux entreprises et aux pouvoirs publics.
Régulièrement, le CNAPS effectue des rétro-criblages : si les titres délivrés sont valables cinq ans - 321 000 se trouvent en cours de validité -, une vérification des mentions aux fichiers de police judiciaire est réalisée tous les deux ans et peut, le cas échéant, conduire à une demande de retrait anticipé. Je tiens toutefois à préciser que le CNAPS ne traite en aucune façon les demandes de port d'arme, dont la délivrance demeure de la compétence du préfet ou du ministre compétent. Cette limitation apparaît logique puisque jusque récemment le port d'arme n'était pas autorisé aux agents de sécurité privée.
Combien de temps dure en moyenne l'instruction des dossiers ? De quels pouvoirs d'investigation dispose le CNAPS ? Procède-t-il notamment à l'audition des intéressés ?
Lorsqu'aucune mention ne figure aux différents fichiers et que la qualification professionnelle est clairement établie, un titre peut être délivré en moins de cinq jours. A contrario, le délai peut être supérieur à deux mois lorsqu'une mention nécessite la consultation du Parquet et, s'agissant d'une inscription au fichier des personnes recherchées (FPR), notamment pour un motif de sûreté nationale, des services spécialisés. Pour autant, le principe du contradictoire, par écrit ou sur audition, est garanti pour chaque instruction de dossier.
S'agissant plus précisément de M. Benalla, pouvez-vous nous indiquer quand sa carte professionnelle d'agent de sécurité privée lui a été délivrée pour la première fois et au vu de quels compétences et justificatifs ? À quelle date a-t-elle été renouvelée ? Quelles activités autorisait-elle concrètement ?
Avant la création du CNAPS en 2012, la délivrance des titres afférant à la sécurité privée relevait de la compétence des préfectures. En 2011, la préfecture de l'Eure a ainsi délivré à Alexandre Benalla une première carte professionnelle l'autorisant à exercer une activité de protection physique des personnes. Une extension à l'ensemble des activités de sécurité privée lui a été accordée en janvier 2014 en conséquence du respect du critère de moralité et d'une qualification professionnelle obtenue par équivalence comme réserviste opérationnel dans la gendarmerie nationale. Récemment, le 28 juin 2018, M. Benalla a déposé une demande d'agrément de dirigeant d'une entreprise de sécurité privée, à laquelle le CNAPS a fait droit en application des critères précités : l'absence de mention aux fichiers de police judiciaire et la présentation de deux diplômes - une licence de droit, économie et gestion et un master 1 de sécurité privée délivré par l'Université Clermont Auvergne - faisant état de sa capacité à exercer une mission de direction. Depuis cette date, Alexandre Benalla dispose en conséquence d'un double titre. Je précise néanmoins qu'avant l'issue de mon mandat, j'en ai demandé le retrait, compte tenu des mentions apparues aux fichiers de police.
Aviez-vous connaissance, lors de l'instruction de cette dernière demande, des fonctions qu'occupait M. Benalla à la présidence de la République ?
Le CNAPS ne considère pas, pour rendre ses avis, les fonctions qu'exerce le demandeur dans une société de sécurité privée ou ailleurs. Nous n'avions donc nullement connaissance de l'activité professionnelle de M. Benalla.
Vous avez été, par le passé, professeur de philosophie. En réponse à ma curiosité, vous m'avez indiqué, avant que votre audition ne débute, qu'Husserl, qui a développé une philosophie de l'intentionnalité, était votre penseur favori. S'agissant plus précisément de M. Benalla, quelle était, selon vous, son intention lorsqu'il fit auprès du CNAPS sa demande d'obtention des différents titres et agréments que vous avez mentionnés ?
En tant que sénateurs, nous n'aurions pas forcément l'idée de demander un agrément pour diriger une société de sécurité privée. Pourquoi faire cette demande quand on est adjoint au chef de cabinet à la présidence de la République ? Cette question ne vous a pas effleuré. De la même manière, vous avez dit que vous n'aviez pas à vous intéresser à l'employeur ou au travail de la personne qui fait la demande. Cependant, vous êtes un préfet de la République, et il ne pouvait vous échapper, me semble-t-il, que M. Benalla était aussi adjoint au chef de cabinet du Président de la République.
Les textes sont clairs : dès lors que la personne remplit les deux conditions de moralité et de qualification professionnelle, le CNAPS doit délivrer le titre sauf réserves de la part de la commission locale d'agrément et de contrôle. Il n'y a aucune raison d'aller enquêter sur les motivations de la demande. En outre, l'agrément accordé à M. Benalla pour diriger une entreprise de sécurité privée date du 28 juin 2018, date à laquelle il n'avait pas encore de notoriété publique. Il l'a obtenu comme tout un chacun, sans préciser s'il allait ou non créer une société. Seul un contrôle nous aurait permis d'en savoir plus. Lorsque j'ai rencontré M. Benalla aux Assises de la sécurité, je ne savais pas qu'il avait fait ces demandes particulières. Le CNAPS s'articule autour d'un siège central et de directions territoriales, de sorte que M. Benalla a pu adresser sa demande à la direction de l'Ile-de-France sans que cela remonte forcément jusqu'au siège. La question des motivations n'aurait pu être pertinente qu'au moment du contrôle, car nous traitons jusqu'à 150 000 demandes par an, et celles de M. Benalla n'avaient rien de particulier.
Comment jugez-vous la moralité de celui qui fait une demande ? Par exemple, s'il s'agit d'un détective privé, comment faites-vous pour savoir qu'il est moral ?
La moralité se vérifie au regard des fichiers consultés.
Lorsqu'une mention particulière figure dans les fichiers, nous engageons une enquête administrative. Si les fichiers sont vierges, nous n'avons aucune raison de pousser plus avant et surtout nous n'avons pas la compétence pour cela.
M. Vincent Crase a déposé deux demandes de carte professionnelle d'agent de sécurité privée. Quand ces cartes lui ont-elles été délivrées ? Au vu de quelles compétences et de quels justificatifs ? Et quelles activités autorisaient-elles concrètement ? Plus spécifiquement, quand M. Vincent Crase a-t-il déposé sa demande d'agrément en qualité de dirigeant d'une société de sécurité privée et d'autorisation d'exercer cette fonction ? Et quelles suites lui ont-elles été réservées ?
M. Crase a fait une demande de carte professionnelle en 2013 qui concernait ses activités de détective privé. En sa qualité de réserviste opérationnel de la gendarmerie nationale, il pouvait justifier d'une équivalence, et il disposait également d'un diplôme d'enquêteur privé validé à l'université Paris II. Une carte de détective privé lui a donc été délivrée en 2013, et en 2014 il a demandé l'extension de cette carte à toutes les autres activités de sécurité privée. Deux critères justifiaient cette demande : la moralité au regard des textes du livre VI du code de la sécurité intérieure et son expérience de réserviste opérationnel de la gendarmerie nationale. En revanche, sa demande d'agrément de dirigeant déposée le 4 avril 2018 a été implicitement rejetée dans la mesure où le dossier était incomplet, car rien n'y justifiait d'une qualification professionnelle permettant de diriger une société.
Vous nous avez indiqué à deux reprises que l'équivalence avait été accordée à M. Benalla et à M. Crase en raison de leur qualité de réservistes. Je présume qu'il faut avoir été appelé un certain nombre de jours. Pouvez-vous nous préciser ce critère ?
Il faut avoir exercé pendant trois ans, ce qui était leur cas. Les conditions précises se trouvent dans la partie réglementaire du code de la sécurité intérieure.
Vous avez indiqué qu'avant de quitter vos fonctions, vous aviez enclenché la procédure de retrait de la carte d'agent de sécurité et de l'agrément de dirigeant. Quand on enclenche une telle procédure, je suppose qu'une commission locale se réunit, puis que le président du CNAPS prend une décision sur avis de cette commission. Combien cela prend-il de temps ?
Dans ce cas précis, il faudra nécessairement engager une nouvelle enquête administrative. Au regard de la situation des deux intéressés, cela risque de prendre du temps. Néanmoins, les demandes ont été faites et sont en cours d'instruction auprès des commissions locales d'agrément et de contrôle.
Aucune des deux personnes concernées n'a fait l'objet de la moindre condamnation. Considère-t-on néanmoins dans la jurisprudence encore récente du CNAPS que les poursuites dont ils font l'objet suffisent à leur retirer la carte et l'agrément ?
Conformément au cas général, j'ai considéré que dès lors que des faits étaient publiquement attestés, et qu'ils figuraient déjà dans les fichiers, notamment dans celui des traitements d'antécédents judiciaires (TAJ), il m'était possible de demander le retrait des cartes. En effet, selon les textes, les actes signalés sont incompatibles avec l'exercice d'une activité de sécurité privée. Prenons l'exemple parallèle d'un cas qui s'est présenté : si un agent de sécurité privée commettait des actes de violence sur une personne SDF dans une gare, que ces actes étaient filmés et les images retransmises sur les réseaux sociaux puis ensuite dans la presse, je serais parfaitement en droit de demander et d'obtenir le retrait de la carte de l'individu en question.
Lorsque sa première carte lui a été attribuée en 2011, M. Benalla avait 20 ans. Ne manquait-il pas un peu d'expérience ? Une fois le port d'arme obtenu, si la personne demande une deuxième carte, cette carte lui ouvre-t-elle des missions plus larges ? L'agrément est-il plus conséquent ?
C'est la préfecture de l'Eure qui a délivré sa première carte à M. Benalla en 2011, et je ne connais pas sa doctrine. Le CNAPS n'a été créé qu'en 2012. Je suppose que l'équivalence a été reconnue. M. Benalla était majeur et avait une expérience dans le domaine de la réserve opérationnelle, ce qui au regard des textes lui permettait d'obtenir un titre par équivalence. Quant au reste, il n'y a aucun lien, ni dans la jurisprudence, ni dans les textes, entre l'obtention d'une carte et le port d'arme. Jusqu'alors, la loi interdisait explicitement que l'activité de protection physique des personnes soit exercée avec une arme. Ce n'est que très récemment, en 2017, que cette disposition a été modifiée. Les arrêtés d'application du décret viennent à peine de paraître. Les cartes professionnelles pour l'activité de protection physique des personnes armées ne verront pas le jour avant le mois de juin de l'année prochaine.
La demande de M. Benalla, déposée le 20 juin 2018, est postérieure aux faits du 1er mai mais antérieure à la divulgation de la vidéo. S'il l'avait déposée après le 19 juillet, M. Benalla aurait-il eu son agrément ?
Il aurait fallu que je sois alerté, mais j'aurais demandé le refus d'une telle demande.
Vous nous avez déclaré qu'il a été mis fin à vos fonctions en août 2018. Pouvez-vous nous préciser dans quelles circonstances ?
J'étais auparavant préfet de la Haute-Marne. J'ai été nommé par un décret du Président de la République. Je suis à la disposition du Gouvernement qui a mis fin à mes fonctions. Je n'ai pas d'autres commentaires à faire.
Non, mais j'ai rarement été nommé à ma demande.
Vous avez mentionné le fichier TAJ pour justifier votre demande de retrait des deux titres délivrés à M. Benalla. À quel titre M. Benalla peut-il figurer dans le fichier TAJ ? À ce jour, il me semble qu'il n'a pas d'antécédents judiciaires. Quoi qu'il en soit, je salue votre réactivité, car vous avez estimé qu'il y avait lieu de retirer ces titres à un moment où il n'était pas encore considéré comme pertinent d'engager des poursuites. Cependant, deux mois plus tard, il était mis fin à vos fonctions.
Le fichier TAJ est un instrument qui est parfois lent, parfois rapide. Dès lors que vous êtes engagé dans une procédure, que ce soit comme auteur, comme victime, ou comme témoin, vous pouvez faire l'objet d'une mention au fichier TAJ. Dans l'exemple parallèle que j'ai mentionné, j'ai demandé le retrait en urgence, parce que la personne exerçait une activité de sécurité privée. Dans les cas qui nous intéressent aujourd'hui, j'ai demandé le retrait dans une procédure normale.
Le fichier TAJ est en effet un fichier très large. Il suffit qu'une personne fasse l'objet d'une enquête judiciaire pour y être inscrite même temporairement. Monsieur le préfet, nous vous remercions.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
Nous entendons maintenant M. Alain Bauer, qui a été président du Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), et qui a eu à ce titre des responsabilités importantes dans la délivrance des titres et des agréments. Il est également professeur de criminologie et directeur du Centre de recherche interdisciplinaire du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM), où il enseigne depuis un certain nombre d'années déjà, et c'est un spécialiste reconnu des questions de sécurité.
Je vous rappelle que notre commission est investie des pouvoirs d'investigation d'une commission d'enquête ; un faux témoignage serait passible de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
Conformément à la procédure applicable aux commissions d'enquête, M. Alain Bauer prête serment.
Contrairement à l'idée répandue, ni le président ni le directeur du CNAPS n'ont le pouvoir de délivrer ou de retirer des cartes. Lorsque le CNAPS a été conçu, l'inspecteur général de l'administration, M. Berlioz, a souhaité qu'il soit le plus décentralisé possible afin d'éviter toute tentation de délivrer ou de retirer des cartes pour des raisons non expressément prévues par le législateur ou le pouvoir exécutif lorsqu'il exerce sa mission réglementaire.
Par conséquent, les présidents des commissions locales, qui sont soit des magistrats soit des préfets, exercent cette mission, et la commission nationale d'agrément et de contrôle est placée sous l'autorité conjointe d'un membre du Conseil d'État et d'un magistrat de la Cour de cassation. Le président du CNAPS ne peut pas être membre de la commission d'agrément et de contrôle, dans une stricte séparation des pouvoirs, telle qu'elle a été imposée au fil des ans pour toutes les autorités ayant un pouvoir disciplinaire.
Le CNAPS exerce à la fois une mission de police administrative, une fonction d'ordre professionnel et une mission de sanction non seulement disciplinaire mais aussi financière, dans des conditions qui ont été soit prévues par le législateur soit plus ou moins bricolées avec les difficultés d'exercice qui s'ensuivent. C'est le cas par exemple pour la mission de retrait en urgence des cartes, qui n'existe pas, alors que le collège du CNAPS la réclame depuis longtemps. Autre exemple, nous pouvions délivrer des sanctions financières, mais nous ne pouvions pas les percevoir ni vérifier qu'elles étaient appliquées. Nous pouvions délivrer des interdictions d'exercice ou des suspensions pour les entreprises, mais sans pouvoir les faire appliquer. Et pour un très grand nombre d'enquêtes qui dépassent la simple consultation des fichiers, nous devons relever d'une mission qui se rajoute à celles, innombrables, qui sont confiées aux policiers, aux gendarmes ou aux autorités des services de renseignement dans le cas de processus de radicalisation qui peuvent interférer. Nous avons donc beaucoup de missions et nous disposons de pouvoirs alternatifs, mais nous sommes aussi soumis à énormément de contraintes dans l'exercice réel de ces pouvoirs.
Depuis sa création, le CNAPS est une institution un peu baroque et un peu hybride, qui a moins de pouvoirs que l'Ordre des médecins, mais plus de compétences, et des limites à son exercice. Le législateur comme le Gouvernement ont fait beaucoup d'efforts pour rattraper le retard et améliorer notre efficacité et notre compétence. Un rapport récent de la Cour des comptes fait état des déficiences du CNAPS. L'ensemble du processus législatif prendra du temps. Nous n'avions pas de code de déontologie obligatoire, mais l'inspection générale de l'administration et le collège du CNAPS ont souhaité se l'appliquer à eux-mêmes. Nous gérons des catégories complexes de population puisque chez les détectives privés, on trouve tout aussi bien des salariés de cabinet de détectives que des professions libérales. Il y a également ce que l'État nous impose, notamment les agréments et les habilitations par équivalence. Il y a quelques semaines, un nouveau texte nous a aussi imposé d'accueillir et d'intégrer des personnels issus du monde militaire dans des conditions extrêmement allégées, ce qui n'est pas forcément conforme à la position plus stricte du collège du CNAPS.
Nonobstant ce que vous venez de nous expliquer, est-ce que les conditions dans lesquelles vous avez exercé vos fonctions au sein du CNAPS, et celles dans lesquelles une carte professionnelle d'agent de sécurité privée et un agrément en qualité de dirigeant d'une société de sécurité privée ont été attribués à M. Benalla vous paraissent tout à fait régulières ? La question est la même pour les demandes de carte professionnelle d'agent de sécurité privée, d'agrément en qualité de dirigeant d'une société de sécurité privée et d'autorisation d'exercer la direction d'une entreprise de M. Vincent Crase.
Les autorisations initiales de M. Benalla ont été délivrées par le préfet, représentant direct de l'État. Il n'existait alors pas d'institution collégiale en charge de les attribuer. Son renouvellement de carte s'est effectué dans la plus parfaite régularité. Sa demande d'habilitation et d'agrément a été traitée après la fin de mon mandat, mais pour ce que j'en sais, aurais-je été président du CNAPS à cette époque, rien ne se serait opposé à sa délivrance. Quant à la carte de M. Crase, elle a été délivrée selon les mêmes règles et dans le même respect strict des textes, et son refus d'agrément de dirigeant s'est également fait dans le strict respect des textes, en prenant en compte l'absence de constitution d'un dossier complet.
Le fait que M. Benalla soit adjoint au chef de cabinet du Président de la République...
Il ne l'était pas en 2014.
Oui, mais après. Cela n'a pas posé de problème par rapport à sa demande d'agrément ?
Je n'ai pas souvenir que le statut des non-fonctionnaires contractuels de droit public s'oppose à cette possibilité. On recense environ 325 000 cartes professionnelles, dont seulement 150 000 sont détenues par des personnes exerçant leur activité. La carte accorde une autorisation d'exercer, sans garantir l'exercice de cette possibilité. Idem pour l'agrément de dirigeant, qui autorise à devenir dirigeant, sans valider le fait que vous exerciez ces fonctions. J'ai imprimé une demande de carte professionnelle pour que vous puissiez le constater de visu. À la fin du document, le collège a fait figurer une attestation sur l'honneur qui rappelle les règles applicables en matière de cumul d'emplois avec les fonctions publiques, prévues par le code de la défense, la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, et le décret du 2 mai 2017 relatif au cumul d'activités des fonctionnaires, des agents non titulaires de droit public et des ouvriers des établissements industriels de l'État. Elle rappelle aussi expressément à celui qui dépose sa demande qu'il lui est interdit d'exercer l'activité lorsque la loi s'y oppose.
Cependant, un militaire, un fonctionnaire de police ou un agent public qui prévoirait sa retraite dans six mois ou dans un an, peut parfaitement déposer à ce titre une demande de carte et d'habilitation, mais n'exercer qu'au moment où il ne sera plus dans l'interdiction de cumul. Il peut par ailleurs demander à exercer le cumul, notamment s'il est employé à mi-temps ou s'il entre dans le cadre des dérogations figurant dans le code général de la fonction publique. Il faut donc traiter les situations au cas par cas.
Nous contrôlons normalement les cartes tous les cinq ans. Nous avons renforcé notre dispositif dans le cadre de la lutte antiterroriste et de la lutte contre la radicalisation, et nous avons opéré un contrôle général avant l'Euro 2016. Nous procédons désormais à un contrôle général des 300 000 cartes tous les deux ans. Nous en délivrons environ 100 000 de plus tous les ans, et le rythme de renouvellement s'accélère, car le taux de rotation de la profession de la sécurité privée est supérieur à 70 %. Sans compter le pic qui arrive tous les cinq ans, les reprises d'activité, les reprises d'activité à temps partiel, ou les compléments d'activité en cas de besoin majeur. Les Jeux olympiques, par exemple, exigent un niveau de préparation qui risque de mobiliser tout d'un coup l'ensemble des titulaires d'une carte. Le CNAPS devra revoir toutes les cartes avant l'ouverture du processus préalable aux Jeux olympiques et qui se déploiera pendant toute la durée des Jeux olympiques et paralympiques.
Nous ne sommes peut-être pas au courant de l'activité exacte de M. Benalla à l'Élysée, et je ne suis pas sûr que grand monde savait très exactement ce qu'il y faisait avant que la presse et les commissions d'enquête décident de révéler la réalité de ses contrats. Cependant, à ma connaissance, l'interdit absolu du code général de la fonction publique ne se serait pas appliqué à son cas.
Vous êtes un spécialiste reconnu des questions de sécurité. À l'Élysée, la sécurité et la protection du Président de la République sont confiées au groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) et au commandement militaire de la présidence de la République. Ceux qui exercent des missions dans l'une ou l'autre de ces entités relèvent du ministère de l'intérieur ou de celui de la défense, en co-tutelle pour ceux qui sont militaires. Dans le Journal du dimanche, M. Benalla a mentionné une opposition du ministère de l'intérieur au sujet d'un projet dans lequel nous ne connaissons pas son rôle exact. Quelle est votre appréciation sur le rapport entretenu par ceux qui s'occupent de sécurité à la présidence de la République et les ministères de l'intérieur et de la défense ? Il me semble que depuis le début de la Vème République, ce personnel est géré par ces ministères de sorte qu'un lien évident est établi. Existe-t-il des cas de sociétés démocratiques où ce lien n'existerait pas ? Quelle appréciation porteriez-vous sur une évolution conduisant à une plus grande autonomie du personnel chargé de la protection et de la sécurité du Président de la République ?
La sécurité d'un chef d'État se gère toujours dans des configurations qui sont propres à l'histoire de chaque pays ou à l'évolution de cette histoire. Le Président des États-Unis était protégé par une société privée, Pinkerton. Après la perte de deux ou trois hommes, il a été jugé plus utile de créer le Secret Service, avec deux missions : la protection du Président des États-Unis et la lutte contre la fausse monnaie. Cet organisme est placé sous l'autorité du secrétaire général de la Maison-Blanche, mais dépend sur les plans administratif, fonctionnel et budgétaire du département de la justice. Son autonomie est très grande.
Il existe dans de nombreux pays des régiments de garde présidentielle, et dans d'autres des mercenaires et des sociétés privées. Chacun fait un peu comme il veut ou comme il peut, pour des raisons liées à la confiance, la stabilité ou l'instabilité des dispositifs de sécurité ou à une longue tradition de coups d'État. Il y a ainsi dans notre ancien empire colonial une forme d'instabilité chronique, et le Commonwealth a connu les mêmes difficultés.
La France a connu un épisode très instable, entre la Libération et 1958, durant lequel on est passé d'une absence d'organisation structurée - à part la garde républicaine, il n'y avait pas d'outils clairs de protection des institutions - à l'apparition, autour du général de Gaulle et dans la période courant jusqu'à la fin des événements d'Algérie, que l'on ne qualifiait pas alors de « guerre », d'unités paramilitaires et de dispositifs qui n'étaient prévus ni par la Constitution ni par la réglementation. Il s'est ensuivi, au moment du retour de la paix civile et jusqu'en 1983, une situation plus républicaine avec la création du groupe de sécurité de la présidence de la République (GSPR) qui a regroupé, selon les époques, soit davantage de policiers que de gendarmes, soit l'inverse.
Quant au commandement militaire, il appartient à l'institution qui protège tous les édifices publics. Je n'ai pas souvenir d'un groupe de sécurité relevant du Premier ministre dont l'existence pourrait se justifier dans le cadre de l'organisation actuelle de la Vème République. Cela n'a pas semblé nécessaire ; pourtant, le Premier ministre est aussi bien protégé que le Président de la République.
Les choix peuvent être extrêmement divers. La mise en cohérence d'un outil de sécurité est un enjeu majeur. Il est difficile d'avoir un outil qui s'occupe du « fixe » et un autre pour le « mobile », chacun relevant d'un chef différent au sein d'une organisation complexe.
Pour ce qui concerne les missions relevant des responsables politiques élus, il y a plusieurs phases. D'abord, il faut savoir qui les protège lorsqu'ils sont candidats. Être protégé par le ministre de l'intérieur de la majorité sortante quand on est dans l'opposition, c'est compliqué ; il faut trouver des accommodements républicains, en désignant des policiers ou des gendarmes dont l'appartenance au camp d'en face est connue. Ainsi, l'État fait son travail en protégeant les candidats, et ceux-ci se sentent en confiance, car ils savent que les policiers ou les gendarmes mis à leur disposition ne font pas un rapport tous les soirs au ministre de l'intérieur sur ce qu'ils ont fait, dit et pensé durant la journée. La presse s'en fait l'écho en indiquant qui est chargé de la sécurité du candidat, ou si celui-ci refuse d'être protégé par des agents publics. Pour ces cas, la protection est assurée par des services d'ordre, dont disposent toutes les organisations politiques et syndicales et qui ont des missions de protection rapprochée. On en a toujours vu dans les campagnes présidentielles, surtout pour les candidats les plus exposés ou les plus à même de gagner l'élection.
Une fois au pouvoir, la question se pose de la cohabitation. Nelson Mandela a pris avec lui son unité de sécurité, directement issue de la « lance de la nation », le groupe le plus dur de l'African National Congress - Congrès national africain (ANC) -, et a expliqué aux officier boers qui dirigeaient le gouvernement blanc et ségrégationniste d'Afrique du Sud que désormais ils feraient cause commune. Il faut être Nelson Mandela pour le faire, mais cela a fonctionné. Cela ressemble au cas des officiers appartenant à la Résistance qui, lorsque l'État républicain a été rétabli, succédant au régime de la collaboration, se sont trouvés intégrés dans les institutions de l'État et ont vu leurs titres gagnés dans la clandestinité reconnus.
Dans le cas du Secret Service américain, la logique d'État s'applique : il n'y a pas d'agents contractuels privés de sécurité auprès du Président des États-Unis, pas plus qu'auprès du Premier ministre de Grande-Bretagne ou de la Chancelière allemande. À ma connaissance, cela n'existe dans aucun pays de l'Union européenne ayant un régime démocratique. Le principe est la stricte séparation, mais il peut y avoir au sein du cabinet, au sens d'appareil politique, une personne qui s'occupe de la partie semi-privée ou semi-politique des déplacements, et qui a une fonction de lien local. Les choses sont alors clairement définies et déterminées.
Dans d'autres pays, la situation est exactement inverse. Du fait du spoils system, on ne fait confiance à personne et c'est une équipe privée qui prend le relais pour assurer la sécurité immédiate du chef de l'État.
Notre démocratie a une vieille histoire. Le fait qu'il y ait seulement des agents publics autour du Président de la République, sous un commandement unique, a du sens. On ne voit pas très bien comment on pourrait assurer, à la fois, la sécurité résidentielle et celle des déplacements avec deux commandements ou deux unités. Or ce point de vue rationnel n'entre pas toujours en ligne de compte au moment d'effectuer des choix plus personnels.
Pour ce qui est de la France, quelle appréciation portez-vous sur le développement des activités de sécurité privée et des missions confiées aux agents de sécurité privée ?
Le paradoxe, c'est que la sécurité privée résiste avec détermination à la volonté de l'État de lui confier des missions toujours plus nombreuses, qui dépassent très largement les limites que le Conseil d'État et le Conseil constitutionnel ont rappelées à plusieurs reprises. Je pense en particulier à tout ce qui concerne la voie publique et la garde, le transfert et l'hospitalisation des détenus.
L'État a créé la sécurité privée en France. L'action déterminée du préfet de police de la Seine est ainsi à l'origine de la première société parisienne de surveillance, laquelle employait des agents supplétifs et avait des missions spécifiques couvrant les habitations bon marché, les ancêtres des HLM, et le métropolitain, outil de transport quelque peu compliqué à gérer car souterrain - le rapport préfectoral en la matière date de 1900 ; rien de nouveau sous le soleil ! L'idée était de « recycler » quelques gardiens de la paix et de disposer d'une force annexe qui s'occuperait de ce qui est statique et peu dynamique. Débute alors l'histoire de la surveillance et du gardiennage.
Pour ce qui est des détectives, l'histoire est plus ancienne et remonte à l'action de François Vidocq, agent contractuel de la sécurité publique relevant de la préfecture de police, qui intervenait essentiellement en matière de fraude boursière via son « bureau de renseignements pour le commerce », la police d'État et les polices locales ne voyant pas l'intérêt de s'en occuper.
On a ainsi vu se développer toute une série de missions de sécurité privée au fur et à mesure que l'État décidait d'y renoncer. Lorsque l'État n'a plus souhaité assurer la protection du transport de fonds, la Poste a dû créer une filiale pour s'en occuper. C'est la même chose pour l'installation de personnes étrangères. Cela fait donc une trentaine d'années qu'il y a dans notre pays des agents de sécurité privée armés. Ils sont plusieurs milliers et l'on ne recense aucune bavure commise par ces agents, qui se font plus souvent tirer dessus qu'ils ne tirent eux-mêmes.
Pour ce qui concerne les ports et transports, à l'époque où je travaillais avec Michel Rocard à Matignon, deux lois ont prévu la privatisation ainsi que la sous-traitance du contrôle et de la surveillance des passagers et des bagages dans les ports, puis dans les aéroports. Puis sont arrivés les stadiers, dans une configuration un peu complexe.
Peu à peu, l'État a créé de nouveaux dispositifs. Il a ouvert encore le champ en créant la garde armée des navires, car les bateaux français n'étaient plus gardés que par des Anglo-saxons, ce qui posait des problèmes de souveraineté pour une partie importante de la flotte. Lorsque lui a été posée la question des gardes armés, le préfet Jean-Paul Celet a été optimiste, pensant que c'était interdit. Or la créativité bureaucratique du ministère de l'intérieur a été sans limite. Il a décidé que les agents de protection rapprochée avaient le droit de porter une arme du simple fait qu'ils étaient à côté d'une cible, en l'occurrence la personne qu'ils devaient protéger. Une centaine de personnes étaient ainsi armées en France, dans des conditions de légalité extrêmement contestables.
Après l'affaire Charlie Hebdo, le gouvernement français a décidé de sortir de l'ambiguïté, du bricolage et de cette tolérance, laquelle concernait également les accompagnants de personnalités étrangères qui n'étaient pas des agents publics et qui se situaient donc hors du champ des conventions internationales diplomatiques de protection des dirigeants en visite. Le texte qui entrera prochainement en application permettra de sortir de ce flou et de cette ambiguïté.
De la même manière, il existe des gardes armés travaillant pour des entreprises d'État désormais semi-privatisées qui, pour des raisons de souveraineté nationale ou du fait des enjeux en présence, comme le nucléaire, protègent certaines installations.
Il y a une sorte de consensus général sur les limites de cet exercice. Le consensus n'existe pas, en revanche, pour ce qui concerne la protection de la voie publique, la garde, le transfert et l'hospitalisation des détenus et tout ce qui relève de l'administration pénitentiaire. L'État est en effet souvent demandeur de sécurité privée dans des conditions qui me paraissent extraordinairement dangereuses, et j'espère que ces pulsions sont résistibles. L'État a une vision large de tout ce dont il pourrait se débarrasser au bénéfice de la sécurité privée. Je tiens à dire que le collège du CNAPS a expliqué à plusieurs reprises, et à l'unanimité, qu'il ne voulait pas de ces missions.
À propos du port d'arme, vous paraît-il justifié que, parmi le personnel titulaire ou contractuel de l'Élysée, d'autres personnes que celles appartenant au commandement militaire et au GSPR soient détentrices d'un port d'arme ?
Tout d'abord, n'importe qui peut demander un port d'arme.
Cela nécessite de revoir la question de l'appréciation personnelle portée sur chaque demande individuelle de port d'arme.
Ensuite, sur le plan opérationnel, le plus sûr moyen de voir survenir un accident, un assassinat ou une bavure est de créer des commandements différents et de regrouper au même endroit des individus appartenant à des chaînes différentes, ayant des pratiques, une formation et une compétence différentes, et disposant tous de moyens létaux. Il ne peut et il ne doit y avoir qu'un seul opérateur, une seule chaîne de commandement et un seul dispositif de formation, de connaissance, de confiance et de réactivité.
Au regard de nos précédentes auditions, votre préconisation d'une unité dans la chaîne de commandement donne à réfléchir.
Monsieur Bauer, vous êtes un spécialiste de droit comparé et un observateur des différents dispositifs qui existent dans le monde. Vous avez d'ailleurs évoqué les situations existant dans des démocraties balbutiantes ou des régimes autoritaires et instables. Y a-t-il des exemples dans de grandes démocraties, bien installées et anciennes, de dispositifs de sécurité présidentielle qui soient complètement dissociés des forces relevant normalement du Gouvernement, et qui peuvent même échapper à l'État de droit ?
Il existe un exemple d'autonomisation complète de la protection du Président de la République à l'égard du ministère de l'intérieur : les dérives survenues à l'époque mitterrandienne, lorsque des gendarmes s'étaient autorisés à procéder à des écoutes téléphoniques ; lorsque celles-ci leur étaient commandées, il était même possible d'invoquer le régime d'immunité du Président de la République dans l'exercice de ses fonctions.
Nous respectons tous la séparation des pouvoirs et souhaitons qu'elle soit respectée à l'égard du Parlement. Peut-on justifier, au nom de ce principe démocratique ancien, une séparation au sein de l'exécutif entre la sécurité présidentielle et celle relevant du Gouvernement, et notamment du ministère de l'intérieur ?
Il paraît qu'il existe un projet d'autonomisation complète de la sécurité élyséenne à l'égard du ministère de l'intérieur. Dans le même esprit, est-il possible de contester le droit du Parlement, qui contrôle l'action des services de sécurité dans toutes les démocraties, de contrôler la sécurité de la présidence de la République ? Qu'en est-il en droit comparé ? Si cela était confirmé, s'agirait-il de singularités françaises ?
Même si l'éventualité d'une cohabitation s'est beaucoup restreinte d'après les constitutionnalistes, dès lors qu'il y a confusion de deux élections dans un délai rapproché, la dissolution d'une chambre n'est pas impossible. Le fait qu'il y ait un président d'une couleur, et un gouvernement ou une majorité parlementaire d'une autre couleur, est une possibilité. Cela pourrait-il constituer un risque si l'autorité présidentielle devait être combattue par un ministère de l'intérieur moins républicain qu'il ne l'a été jusqu'à présent ? Je rappelle que, lors des périodes de cohabitation, le choix du ministre de l'intérieur avait fait l'objet d'un dosage particulier, nonobstant la réalité du résultat de l'élection législative ou de la majorité des deux assemblées.
Quand on respecte les statuts du Président de la République et du Premier ministre, dont le niveau d'équivalence reste élevé, on peut s'en sortir. S'il y a un conflit majeur, l'idée selon laquelle la sécurité du chef de l'État, qui est chef des armées et dont les pouvoirs ont été élargis, notamment avec la création du Conseil de sécurité intérieure sur proposition du préfet Philippe Massoni et sur décision du président Chirac, peut être mise en cause montre que l'on est dans un espace compliqué.
Pour ma part, je suis très partisan du contrôle parlementaire. Pour ce qui est de l'autonomie, de l'indépendance et de la capacité du Président de la République, lorsqu'il n'est pas en situation de majorité parlementaire, il me semble raisonnable de faire un effort de compréhension particulière. Cela a été le cas jusqu'à présent sans qu'il ait été nécessaire de modifier les textes. Mais rappelons que le GPSR, sous Jacques Chirac, n'était pas le même que sous François Mitterrand ou sous Nicolas Sarkozy. Il faut donc prendre en considération certaines modalités, des assouplissements et des complexités.
Plutôt que d'attendre une crise pour gérer ce problème « à la française », alors qu'on aurait pu le faire calmement bien avant, peut-être le moment est-il venu de remettre à plat les conditions de fonctionnement d'un service de la sécurité présidentielle. La question se pose aussi, mais d'une manière différente, pour le Premier ministre : étant le chef de la majorité, on peut considérer qu'il n'aura pas les mêmes relations avec son ministre de l'intérieur que le Président de la République dans le cas d'une cohabitation.
Cette remise à plat est justifiée, car les dispositifs de sécurité des institutions de la République ont vieilli et ne sont plus tout à fait adaptés aux problématiques actuelles - je pense aux drones et au passage à la troisième dimension de la sécurité -, et c'est autant au Parlement qu'à l'exécutif d'y procéder.
Qu'inspire au criminologue que vous êtes la photo récemment publiée de M. Benalla, arme au poing ? Que pensez-vous de cette attitude de la part d'une personne qui se présente comme un professionnel de la sécurité ? Un tel comportement est-il fréquent ?
J'ai rarement vu des selfies de campagne sur lesquels on essaye d'impressionner une serveuse avec son Glock ; c'est une nouveauté. Les réseaux sociaux sont passés par là... D'un point de vue professionnel, c'est contraire à l'ensemble des règles de port, d'usage et de maniement des armes. Si M. Benalla avait passé un examen, il aurait eu un zéro, la note éliminatoire.
Ajoutons qu'il n'est pas légal de porter une arme dans de telles conditions.
L'autorisation dont M. Benalla disposait à l'époque ne lui permettait pas d'exhiber une arme, et encore moins de la porter.
Je vous remercie, monsieur Bauer, d'avoir apporté votre éclairage à notre commission.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 20.