Intervention de Alain Bauer

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 26 septembre 2018 à 9h35
Projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions — Audition de Mme Nicole Belloubet garde des sceaux ministre de la justice

Alain Bauer, professeur de criminologie au CNAM :

Même si l'éventualité d'une cohabitation s'est beaucoup restreinte d'après les constitutionnalistes, dès lors qu'il y a confusion de deux élections dans un délai rapproché, la dissolution d'une chambre n'est pas impossible. Le fait qu'il y ait un président d'une couleur, et un gouvernement ou une majorité parlementaire d'une autre couleur, est une possibilité. Cela pourrait-il constituer un risque si l'autorité présidentielle devait être combattue par un ministère de l'intérieur moins républicain qu'il ne l'a été jusqu'à présent ? Je rappelle que, lors des périodes de cohabitation, le choix du ministre de l'intérieur avait fait l'objet d'un dosage particulier, nonobstant la réalité du résultat de l'élection législative ou de la majorité des deux assemblées.

Quand on respecte les statuts du Président de la République et du Premier ministre, dont le niveau d'équivalence reste élevé, on peut s'en sortir. S'il y a un conflit majeur, l'idée selon laquelle la sécurité du chef de l'État, qui est chef des armées et dont les pouvoirs ont été élargis, notamment avec la création du Conseil de sécurité intérieure sur proposition du préfet Philippe Massoni et sur décision du président Chirac, peut être mise en cause montre que l'on est dans un espace compliqué.

Pour ma part, je suis très partisan du contrôle parlementaire. Pour ce qui est de l'autonomie, de l'indépendance et de la capacité du Président de la République, lorsqu'il n'est pas en situation de majorité parlementaire, il me semble raisonnable de faire un effort de compréhension particulière. Cela a été le cas jusqu'à présent sans qu'il ait été nécessaire de modifier les textes. Mais rappelons que le GPSR, sous Jacques Chirac, n'était pas le même que sous François Mitterrand ou sous Nicolas Sarkozy. Il faut donc prendre en considération certaines modalités, des assouplissements et des complexités.

Plutôt que d'attendre une crise pour gérer ce problème « à la française », alors qu'on aurait pu le faire calmement bien avant, peut-être le moment est-il venu de remettre à plat les conditions de fonctionnement d'un service de la sécurité présidentielle. La question se pose aussi, mais d'une manière différente, pour le Premier ministre : étant le chef de la majorité, on peut considérer qu'il n'aura pas les mêmes relations avec son ministre de l'intérieur que le Président de la République dans le cas d'une cohabitation.

Cette remise à plat est justifiée, car les dispositifs de sécurité des institutions de la République ont vieilli et ne sont plus tout à fait adaptés aux problématiques actuelles - je pense aux drones et au passage à la troisième dimension de la sécurité -, et c'est autant au Parlement qu'à l'exécutif d'y procéder.

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