De nombreux besoins relèvent aussi d'une forme d'accompagnement social. Des infirmiers ou des auxiliaires pourraient être formés à certains actes de dépistage de base par exemple en ophtalmologie. On nous a cité l'exemple d'un cabinet d'ophtalmologie flambant neuf mais vide de médecin : des réponses plus simples pourraient parfois être mieux adaptées aux besoins. Comme pour d'autres territoires sous-dotés en professionnels de santé, une piste serait par ailleurs de former sur place des personnes originaires du territoire. Une préparation aux études d'infirmier vient d'être mise en place et il existe un Institut de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) au sein du centre hospitalier de Cayenne pour lequel la pérennité du financement doit être assurée ; cet institut accueille chaque année 290 élèves. Une formation de sages-femmes serait par ailleurs utile vu le nombre de naissances sur le territoire. Quant au numerus clausus des médecins pour la Guyane, il est passé de 5 en 2016-2017 à 12 pour 2018-2019, ce qui est faible mais déjà un progrès ; toutefois, tous ces postes ne sont pas pourvus. Les étudiants doivent par ailleurs poursuivre leurs études en Guadeloupe puis dans l'Hexagone, avec un retour dans la région qui est donc aléatoire ; la suppression annoncée du numerus clausus ne sera pas forcément une solution évidente à ces difficultés. Un système de bourses d'études comme d'autres départements ou régions l'ont mis en place pourrait être envisagé pour les jeunes guyanais.
Se pose parallèlement la question de la structuration de l'offre de soins et de son attractivité pour les praticiens. Il n'existe pas de centre hospitalo-universitaire (CHU) en Guyane, à la différence des Antilles, ni même de groupement hospitalier de territoire (GHT). Un projet médical de territoire est toutefois en projet entre les trois centres hospitaliers et devrait permettre de poser les bases d'un futur GHT, envisagé pour 2019 d'après l'ARS, d'abord avec une mutualisation de services communs. Il faudra veiller à ce que ce GHT s'étende au secteur privé et au médico-social. Une transformation du CH de Cayenne en CHU est évoquée mais ne fait pas l'unanimité notamment par crainte d'un CHU au rabais, sans véritable activité de recherche ; la promotion de pôles d'excellence, sous la forme d'un CHU multi-sites adossé au futur GHT, paraîtrait mieux adaptée. Il existe déjà à Cayenne un laboratoire et des services hospitalo-universitaires de parasito-mycologie, dermatologie et maladies infectieuses et tropicales.
Les coopérations et partenariats offrent aussi un moyen de renforcer l'offre de soins locale. Il faut saluer la convention passée avec l'AP/HP en janvier 2018, qui porte à la fois sur l'appui administratif et l'ingénierie de projet, la coopération médicale et scientifique, par le biais de visio-conférences, téléconsultations, échanges d'expertise, et avec la création de postes d'assistants spécialistes partagés, la recherche et la formation. Reste à présent à mobiliser des volontaires pour ces postes d'assistants partagés. La coopération doit aussi s'entendre entre les équipes présentes sur place : une convention est en préparation avec le service de santé des armées. C'est une avancée même si elle arrive tardivement.
Une dernière question est celle de la coopération transfrontalière. Comme l'a rappelé le Président Alain Milon, nous avons rencontré à Saint-Laurent-du-Maroni Dominique Voynet, chargée par le premier ministre, avec le préfet Marcel Renouf, d'une mission visant à redéfinir la coopération sanitaire transfrontalière entre la Guyane et le Suriname et entre Mayotte et les Comores, dans un contexte de pression migratoire. Cette mission est en cours et nous serons attentifs aux propositions qui seront formulées.
Il faut souligner que la santé n'est pas le seul déterminant des migrations et que le renforcement de l'offre de santé de l'autre côté de la frontière, en l'occurrence au Suriname, ne suffira pas à répondre à la situation de saturation de l'offre de soins sur l'ouest guyanais, le long du Maroni. L'offre de soins n'est d'ailleurs pas nulle de l'autre côté de la frontière, même si elle ne répond pas à certains de nos standards. Des formes de coopération seraient possibles ; un groupe de travail vient d'être installé pour avancer en ce sens, mais le contexte politique rend les choses compliquées.