Nous proposons plusieurs réponses pratiques pour répondre à cet état des lieux.
En premier lieu, nous suggérons de porter à un niveau suffisant les indemnités de fonction des maires des communes de moins de 100 000 habitants, de manière à ce qu'elles compensent réellement les charges liées à l'exercice de leur mandat. Le seuil de 100 000 habitants a été choisi car la loi de finances pour 2018 introduit la possibilité de majorer de 40 % l'indemnité des maires des communes de plus de 100 000 habitants.
Nous suggérons, en particulier, une revalorisation de 20 % au moins du niveau maximal de ces indemnités dans les communes de 1 000 à 100 000 habitants, et de 50 % au moins dans les communes de moins de 1 000 habitants, où les maires ne disposent pas de services administratifs étoffés. Les conseils municipaux demeurent libres de fixer une indemnité inférieure, par délibération et à la demande du maire, ainsi que le prévoit le droit existant. Cette revalorisation nous semble justifiée par le fait que les dernières modifications substantielles des barèmes indemnitaires de ces communes datent de la loi du 5 avril 2000 relative à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives. Par ailleurs, le niveau des indemnités pour des fonctions semblables en Allemagne, au Portugal, en Italie ou en Espagne est souvent plus élevé qu'en France.
Dans une optique similaire, il apparaît nécessaire de porter le niveau de la fraction représentative des frais d'emploi, c'est-à-dire la part non saisissable de l'indemnité compensant les dépenses incompressibles engagées par les élus locaux dans le cadre de leur mandat, à un niveau conforme à son objectif.
Nous préconisons également le maintien des indemnités de fonction de certains présidents et vice-présidents de syndicats de communes, de syndicats mixtes fermés et de syndicats mixtes ouverts restreints, alors que leur suppression est prévue à partir du 1er janvier 2020.
Enfin, les règles sous-tendant le régime indemnitaire doivent être simplifiées : nous suggérons de clarifier et de codifier les modalités de détermination de « l'enveloppe indemnitaire globale », qui sont l'une des pierres d'achoppement régulièrement dénoncées par les élus locaux.
Ces dispositifs doivent correspondre à la physionomie des collectivités territoriales, les frais de déplacement et d'hébergement devant être mieux remboursés, et certaines responsabilités devant pouvoir être davantage prises en compte, à l'heure des intercommunalités et des régions élargies. Nous préconisons donc un relèvement des frais de transport et d'hébergement des élus locaux plus ambitieux que celui annoncé par le ministre de l'Action et des Comptes publics à l'occasion du « Rendez-vous salarial » du 18 juin 2018.
De même, nous suggérons d'ouvrir aux communautés de communes la possibilité d'indemniser les conseillers délégués, et aux conseils régionaux celle d'indemniser les présidents de commission à ce titre, dans le respect de l'« enveloppe indemnitaire globale ».
En outre, les indemnités de fonction et les remboursements de frais doivent accompagner le renouvellement sociologique des élus locaux, les frais de garde ou ceux liés au handicap devant être plus facilement mis en oeuvre pour encourager l'engagement de nouveaux profils. Pour ce faire, nous proposons d'étendre le dispositif d'aide au financement de chèques-emploi service universel applicable aux prestations de garde ou d'assistance, et d'ajuster le plafond de remboursement des frais spécifiques des élus en situation de handicap.
Enfin, ces dispositifs doivent prendre en compte les attentes exprimées par les citoyens, en faveur d'une transparence confortée. Nous proposons d'offrir aux grandes communes et aux grands établissements intercommunaux qui le souhaitent la possibilité de moduler les indemnités de fonction des élus locaux selon leur participation à certaines réunions, comme cela existe dans le droit local en Alsace-Moselle, dans les conseils départementaux et régionaux, et comme cela est prévu à l'avenir à Paris. Cependant, un tel mécanisme n'a de sens que pour les communes ou les établissements de plus de 100 000 habitants, où les « simples » conseillers perçoivent généralement une indemnité de fonction. Le choix d'y recourir ou non doit revenir à leur organe délibérant.
En dernier lieu, nous recommandons une mutualisation renforcée du financement des indemnités de fonction à l'échelle communale, de manière à ce que ces dépenses, qui peuvent représenter une lourde charge pour les plus petites communes, demeurent soutenables. À cette fin, la dotation particulière « élu local », qui concourt au financement des dépenses des communes dont la population et la richesse sont les plus faibles, nécessite d'être élargie. A minima, le seuil démographique conditionnant l'éligibilité des communes métropolitaines pourrait être doublé, pour atteindre 2 000 habitants, et le montant de la dotation pourrait être porté à un niveau adéquat pour financer effectivement les indemnités de fonction des élus concernés. Ainsi, dans les plus petites communes, les revalorisations indemnitaires proposées précédemment seraient intégralement compensées par la montée en charge de cette dotation.
La démocratie locale a un coût, qu'il faut maîtriser autant que possible, mais qui doit aussi être pleinement reconnu et pris en charge collectivement.