Monsieur le président, mes chers collègues, avec son accord, j’interviendrai également au nom d’Yves Détraigne, corapporteur des deux textes.
Madame le garde des sceaux, le Sénat n’est pas réactionnaire en matière civile ni opposé, en matière pénale, à l’utilisation de nouveaux moyens technologiques dans les enquêtes. Il souhaite que l’on donne des moyens budgétaires importants à la justice, considérant, notamment depuis la remise du rapport du président Bas d’avril 2017, que ce ministère régalien manque encore de personnels – magistrats, greffiers, médiateurs… – ainsi que d’outils numériques et informatiques. Certains tribunaux, bien qu’équipés de matériels assez récents, utilisent encore des logiciels datant de 2008…
C’est pourquoi ce texte n’est, à nos yeux, qu’à mi-chemin de ce qu’il faudrait faire. Nous pensons qu’il faut plus de moyens. En matière civile, le justiciable ne saurait se trouver empêché d’avoir accès à son juge. Il n’est pas acceptable que le juge puisse ne pas être le garant des décisions rendues dans des procédures civiles relevant tout particulièrement d’affaires personnelles – je pense à la conciliation dans les divorces, à la fixation des pensions alimentaires ou aux actes de notoriété – et que cette responsabilité puisse être confiée à d’autres que des magistrats.
Nous ne sommes pas d’accord pour que le plus faible, celui qui ne dispose pas de l’outil informatique ou de la capacité de s’en servir, ne puisse plus avoir accès au juge.
Notre conviction profonde est qu’une justice qui fonctionne, c’est une justice qui est accessible partout sur le territoire et qui participe à l’aménagement du territoire.
En matière pénale, François Pillet l’a encore rappelé dans un ouvrage récent, nous sommes, ici au Sénat, les garants absolus des libertés publiques et individuelles. Si, demain, le procureur de la République bénéficie de moyens d’enquête supplémentaires très importants empruntés aux outils technologiques du renseignement, très performants mais aussi très intrusifs, il faut que le justiciable – chacun d’entre nous peut être un jour un justiciable ! – ait toujours la capacité de se défendre et de faire valoir son point de vue. La qualité de notre justice et, au-delà, le respect de celle-ci par nos concitoyens en dépendent.
Si nous pouvons approuver une partie des évolutions pénales que vous proposez, nous ne pouvons transiger sur le fait que le justiciable soit toujours informé de la procédure et en mesure de se défendre. Cela, nous y tenons fermement. C’est la raison pour laquelle la commission des lois a pris un certain nombre de mesures que je détaillerai rapidement.
Le Gouvernement a ajouté dans ce texte par voie d’amendement la création du parquet national antiterroriste et celle d’un juge chargé de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme. La commission des lois en délibérera demain matin et j’ignore ce qu’elle décidera. À ce stade, j’insisterai sur quelques points.
La commission des lois demande un effort budgétaire à la hauteur des enjeux du redressement. Cette demande est issue d’un travail important effectué par la commission des lois en 2017, qui nous amène à souhaiter une hausse des crédits de 5 % par an en moyenne. C’est la seule trajectoire budgétaire qui nous permettra de relever un défi à la fois technologique et humain. Des magistrats sont venus renforcer depuis les effectifs, mais il en faut d’autres. Nous avons aussi besoin de greffiers, de médiateurs et de conciliateurs.
La problématique budgétaire concerne également le volet pénitentiaire et la construction de places de prison. De ce point de vue, c’est la déception : la parole donnée par le Président de la République à cet égard ne sera pas respectée.