Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 9 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, à titre liminaire, permettez-moi de me réjouir que ce projet de loi de programmation et de réforme pour la justice et ce projet de loi organique de renforcement de l’organisation des juridictions aient été inscrits en première lecture d’abord à l’ordre du jour du Sénat. Une fois n’est pas coutume, dit-on généralement : j’espère néanmoins que cela ouvre une ère nouvelle.

En effet, cette attention notable témoigne d’une véritable reconnaissance, par le Gouvernement, de l’intérêt soutenu et constant de la Haute Assemblée pour la justice de notre pays.

La situation dans laquelle la justice se trouve nous amène régulièrement à nous réunir. La justice française est jugée trop lente et trop complexe par les justiciables. Ce diagnostic est partagé sur toutes les travées de notre assemblée. La nécessité d’améliorer son fonctionnement dans l’intérêt des justiciables, des citoyens et de ceux qui rendent la justice fait tout autant l’unanimité.

Faire de la réforme de la justice un chantier prioritaire, c’est une volonté forte qui a été exprimée par le Président de la République et par le Premier ministre, qui en a fait d’ailleurs l’un des points essentiels de son discours de politique générale de juillet 2017.

C’est la raison pour laquelle vous avez, madame la ministre, engagé dès le mois d’octobre 2017, lors des chantiers de la justice, de nombreuses consultations qui ont mené à la rédaction du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et du projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions, textes que nous examinons aujourd’hui.

Des concertations ont suivi, et elles n’ont jamais cessé jusqu’à la discussion de ces deux textes au Sénat. Elles ont permis de mettre en évidence la nécessité d’améliorer la lisibilité de certaines dispositions.

Je m’étonne, madame la ministre, qu’il vous soit reproché, paradoxalement, de ne pas avoir pris la mesure de l’urgence de cette réforme, d’avoir trop tardé et, dans le même temps, d’aller beaucoup trop vite en ayant engagé la procédure accélérée.

Une chose est certaine : le renvoi de l’examen de ces textes du printemps 2017 à l’automne 2018 aura permis de retravailler certains points qui avaient cristallisé les mécontentements des avocats et des magistrats. Je pense, notamment, à la suppression de l’obligation de causer le divorce au moment de l’introduction de la procédure, sur laquelle la commission a pourtant décidé de revenir. Je pense également au regroupement des contentieux techniques par volume ou encore à la suppression du recours hiérarchique devant le procureur général en matière de plainte avec constitution de partie civile. Cela démontre bien que l’urgence ne doit pas empêcher d’agir avec méthode et pragmatisme.

Les deux textes déposés sur le bureau de notre assemblée, bien que perfectibles, engagent un vaste mouvement de dématérialisation, de simplification et de réorganisation du service public de la justice.

Pour mettre en œuvre cette réforme, des moyens budgétaires et humains supplémentaires ont été dégagés. Le projet de loi de programmation prévoyait initialement une augmentation de 24 % du budget de la justice pour les cinq prochaines années et la création de 6 500 emplois. Là encore, après que l’on eut reconnu qu’il s’agissait là d’un effort « notable », « très important », supérieur à ceux des derniers quinquennats, il a finalement été considéré qu’il n’était pas à la hauteur des enjeux du redressement de la justice.

Je tiens à dire aux rapporteurs et au président de la commission des lois que la priorité donnée au budget de la justice dans le contexte général de redressement des finances publiques que nous connaissons doit être soulignée et que cette augmentation a le mérite d’être pragmatique.

Hormis cette différence – certes de taille, l’argent étant le nerf de la guerre –, il existe entre nous, fort heureusement, des points de convergence, que ce soit sur les objectifs généraux ou sur des mesures concrètes, telles que la mise en place d’un mode de saisine unique en matière civile, la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance et l’expérimentation du tribunal criminel départemental.

Néanmoins, nous vous soumettrons des amendements. Sans entrer dans le détail, je vous en présenterai brièvement les grandes lignes.

Nous proposerons le rétablissement de certaines mesures, telles que la possibilité, pour le juge aux affaires familiales ou pour le parent qui y a un intérêt, de demander au procureur de la République de requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision judiciaire, une convention homologuée par le juge ou une convention de divorce par consentement mutuel enregistrée au rang des minutes d’un notaire, fixant les modalités d’exercice de l’autorité parentale.

Nous demanderons également le rétablissement de la peine de détention à domicile sous surveillance électronique, la suppression de l’obligation de causer le divorce au moment de l’introduction de la procédure ou encore l’automaticité de la libération sous contrainte aux deux tiers de l’exécution des peines inférieures ou égales à cinq ans, sauf décision spécialement motivée du juge de l’application des peines.

Compte tenu de l’importance de ces amendements, et d’autres présentés par le Gouvernement, le groupe La République en Marche conditionnera son vote à leur adoption.

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