J’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur l’amendement n° 5 rectifié, qui vise à modifier les règles applicables à la procédure de divorce par consentement mutuel sans juge, procédure créée par les dispositions de la loi de 2016, dite loi de modernisation de la justice du XXIe siècle.
Sur l’opportunité des modifications proposées, nous tenons à souligner que, si des critiques ont pu s’élever concernant le principe de la déjudiciarisation de ce mode de divorce au regard de la protection de la partie la plus faible et des enfants, nous n’avons, pour l’instant, été saisis d’aucune difficulté liée à l’application du droit commun des contrats à ces conventions de divorce. Il serait utile, avant d’envisager de les modifier, de tirer un premier bilan de la mise en œuvre de cette nouvelle procédure pour pointer d’éventuels dysfonctionnements.
Sur le fond, ce nouveau divorce repose sur un acte sous signature privée contresigné par avocats et déposé au rang des minutes d’un notaire.
Si le dépôt confère date certaine et force exécutoire à la convention, le notaire ne fait que constater le divorce. Il ne le prononce pas, comme le faisait le juge. C’est bien l’accord des époux, inscrit dans la convention, qui réalise le divorce. Dès lors, faut-il vraiment, comme le proposent les auteurs de l’amendement, rendre « irrévocable », car telle est la qualification retenue, le principe du divorce qui repose sur ce simple accord ?
Enfin, concernant l’annexion des extraits d’actes de naissance à la convention de divorce pour contrôler si l’un des époux a fait l’objet d’une mesure de protection, elle fait déjà partie des vérifications auxquelles sont tenus les avocats, puisque les majeurs sous mesure de protection ne peuvent pas recourir au divorce par consentement mutuel sans juge.
Les avocats, dès lors qu’ils agissent au nom et pour le compte de leurs clients, peuvent, au même titre que les notaires, avoir accès aux copies intégrales d’actes d’état civil de ces derniers. Cette demande peut même être dématérialisée.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission est défavorable à l’amendement n° 5 rectifié.
J’en viens à l’amendement n° 6 rectifié, qui concerne le délai de prescription d’un an des actions en nullité dirigées contre les conventions de divorce par consentement mutuel que nous venons d’évoquer.
En application du droit commun, ce délai est aujourd’hui de cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu, ou aurait dû connaître, les faits lui permettant d’agir.
Les auteurs de l’amendement proposent donc un changement considérable de nos règles de prescription. Or nous ne sommes pas en mesure de nous assurer que ce changement préserverait l’équilibre entre les différents intérêts à protéger.
Ne risque-t-on pas – la commission s’est d’ailleurs posé la question – d’avoir un divorce judiciaire très protecteur des intérêts des parties – notamment des parties les plus faibles – grâce au contrôle du juge et, inversement, d’avoir un divorce par consentement mutuel très peu protecteur, puisque sans contrôle du magistrat et attaquable seulement dans un délai d’un an ? La commission est donc défavorable à cette proposition.
Enfin, l’amendement n° 8 rectifié vise à étendre le schéma procédural du divorce par consentement mutuel déjudiciarisé, c’est-à-dire le recours à cet acte sous seing privé contresigné par avocats déposé au rang des minutes d’un notaire, aux décisions relatives à l’exercice de l’autorité parentale par des parents séparés.
Cette extension est très importante, puisque l’ensemble de ces mesures seraient alors, elles aussi, soustraites au contrôle du magistrat. Le Sénat s’était opposé à la déjudiciarisation du divorce. Aujourd’hui, en la matière, en présence d’enfants mineurs, il n’est pas favorable à une telle proposition.