D'un pouvoir d'instruction sur les mesures prévues par l'exploitant, afin de voir si elles sont proportionnées aux risques, ceux-ci étant définis par les pouvoirs publics, et d'un pouvoir de contrôle sur les dispositions techniques, organisationnelles et humaines mises en place par les exploitants, de manière à en vérifier l'efficacité.
Je n'ai pas d'informations particulières sur la corrosion affectant les tuyauteries de Belleville. En revanche, le réexamen de sûreté comporte systématiquement un examen de conformité approfondi : il s'agit de s'assurer que les installations sont toujours conformes à leur référentiel initial et de vérifier qu'elles ont bien ou mal vieilli, et par là d'identifier notamment les zones les plus susceptibles de corrosion ou de dommages. L'ASN réalise des inspections sur la mise en oeuvre des programmes de maintenance préventive et corrective définis par les exploitants.
L'ASN dispose des moyens financiers pour faire face à ses missions. Il faudrait bien évidemment tenir compte des nouvelles missions qui pourraient lui être confiées. L'Autorité a demandé un renfort de 15 nouveaux équivalents-temps plein (ETP) sur le triennal 2018-2020, du fait du renforcement de sa mission de contrôle, notamment lié à la fraude. Deux renforts lui ont été attribués en 2018. Le rapport de Mme Pompili appuie notre demande et j'espère que le Sénat en fera de même à l'occasion de la discussion budgétaire.
Une question de fond se pose sur les sources de financement de l'ASN, dont il serait nécessaire qu'elles puissent évoluer rapidement en fonction des enjeux. Les présidents successifs de l'ASN ont évoqué à plusieurs reprises la création d'une taxe affectée liée aux activités nucléaires. Ainsi, les ressources de l'ASN seraient découplées en partie du budget de l'État et adossées aux activités nucléaires. Ce mécanisme n'est pas forcément dans l'air du temps mais je soutiendrai toute mesure qui parviendrait au même résultat. À l'occasion, il faudra aussi s'interroger sur le financement des Commissions locale d'information (CLI), indispensables à l'organisation de la concertation avec le public au niveau local. Les élus et les collectivités jouent un rôle prépondérant dans ces commissions. Si je suis nommé président de l'ASN, je m'appuierai sur le réseau des CLI. Or, on voit bien que les plus actives sont celles qui disposent de ressources pérennes. La loi de juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire prévoyait d'affecter une partie des taxes du nucléaire au fonctionnement des CLI, mais cette disposition n'est jamais entrée en application.
La quasi-totalité des ressources humaines de l'ASN provient du corps des ingénieurs de l'industrie et des mines. Ce corps peut travailler à l'ASN, mais aussi à l'inspection des installations classées, dans les Dreal, dans le secteur de l'énergie... C'est donc un corps mobile. Si l'attractivité de l'ASN n'est pas suffisante, elle perdra en compétence, d'autant que les sujets traités sont compliqués et demandent une formation du personnel sur le long terme. J'ai donc l'intention d'organiser des parcours de carrière pour fidéliser le personnel. Dans certains pays, les équivalents de notre ASN disposent soit de corps dédiés soit recrutent d'anciens salariés d'exploitants, ces derniers passant d'un secteur à l'autre, ce qui ne me semble pas sain.
Pour Cigéo, l'ASN doit expliquer qu'il s'agit d'un sujet technique mais aussi éthique. La réflexion sur des déchets radioactifs pendant des centaines de milliers d'années ne peut être de même nature que pour des déchets inertes. Je continuerai à dire qu'il n'existe aucune solution sûre pour garantir la permanence de systèmes de stockage en surface sur une durée aussi longue. Le choix du stockage n'est en revanche pas du ressort de l'ASN mais du monde politique : le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs sera soumis à débat public en début d'année prochaine. La concertation sera difficile mais l'ASN devra apporter de l'information et faire oeuvre pédagogique.
J'en viens à la PPE, qui n'est bien sûr pas du ressort de l'ASN. L'indépendance de l'Autorité lui interdit de prendre position, que ce soit face aux exploitants ou face au Gouvernement. En revanche, elle s'est exprimée sur l'intensité du repli, c'est-à-dire sur la rapidité de réduction du parc nucléaire. L'ASN s'est ainsi trouvée confrontée, ces dernières années, au sujet des générateurs de vapeur, dont douze étaient soupçonnés de comporter des ségrégations de carbone de même type que celles constatées sur les réacteurs : l'ASN a donc demandé d'arrêter ces douze tranches nucléaires pour les contrôler. Avec un parc standardisé, le risque est qu'un défaut concerne l'ensemble des réacteurs. L'ASN a donc recommandé au Gouvernement, et je ferai mienne cette recommandation, de conserver des marges par rapport aux besoins de consommation énergétique car s'il y a un défaut générique, l'ASN prendra ses responsabilité, quels que soient les conséquences en termes d'approvisionnement énergétique. Sans marges, il y aura des risques de rupture d'approvisionnement.
En ce qui concerne le plan stratégique pluriannuel, vous avez évoqué la promotion de l'approche française et les relations avec nos homologues européens de sûreté nucléaire. La France se trouve dans une position de référence, compte tenu à la fois du poids de son parc nucléaire et des décisions de sortie du nucléaire prises en Allemagne, en Italie et en Belgique. Ce rôle a été très bien tenu par les présidents successifs de l'ASN. Si je suis nommé président de l'ASN, je continuerai dans cette voie afin de conforter notre industrie nucléaire tout en défendant des standards extrêmement élevés. Pour tirer parti des retours d'expérience, il est nécessaire de dialoguer. L'international permet d'imposer des normes élevées et de tirer profit des expériences étrangères. Ainsi, nous proposons à nos inspecteurs d'aller travailler à l'étranger chez nos homologues. Lorsqu'ils reviennent au bout de trois ans, ils disposent d'une expérience irremplaçable.
En ce qui concerne mon parcours professionnel, j'ai fait carrière dans l'administration mais j'ai aussi travaillé pendant huit ans dans le secteur privé, ce qui ne m'empêchera nullement d'assurer ma mission en toute indépendance.
Je ne dispose pas d'informations particulières concernant le coût de Cigéo. Les premiers containers devraient arriver en 2030 mais il faudra au préalable purger le débat public. En cas de très forte opposition, je ne sais quel pourrait être l'avenir de ce projet. L'engagement de tous les acteurs, élus et exploitants, est fondamental pour expliquer à nos concitoyens que ce projet est la seule solution durable pour le stockage. La loi a prévu en revanche une réversibilité, au moins pendant une centaine d'années, si d'autres solutions survenaient. Mais c'est bien à notre génération, qui a bénéficié d'une électricité nucléaire à un prix acceptable, qu'il revient d'offrir dès maintenant une solution pour les générations futures.
Le débat public est effectivement parfois faussé entre des groupes qui ont des positions antagonistes. Pourquoi ne pas organiser des conférences citoyennes, en choisissant au hasard un panel de personnes, à l'image des jurys d'assises, pour s'affranchir des lobbys ?
La sous-traitance est indispensable dans tout processus industriel : certaines activités nécessitent une expertise de très haut niveau, dont ne disposent pas nécessairement les exploitants. En revanche, il est indispensable de contrôler la sous-traitance et la législation a réduit à trois les sous-traitances en cascade, afin d'éviter de diluer les responsabilités. En réalité, le sujet principal est celui de la compétence : s'il n'y a qu'un seul sous-traitant mais si celui-ci n'est pas compétent, il y a risque.
Vous avez évoqué le thème de la sûreté et de la sécurité qui s'est imposé après les attentats et le survol des installations par des drones. L'ASN n'étant pas en charge de la sécurité, je ne puis aujourd'hui vous répondre sur ce sujet.