Nous entendons, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Bernard Doroszczuk, candidat proposé par le Président de la République à la fonction de président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Je vous rappelle qu'il ne pourrait être procédé à cette nomination si l'addition des votes négatifs des commissions compétentes de chaque chambre représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
Monsieur Doroszczuk, vous êtes donc pressenti pour succéder à M. Pierre-Franck Chevet, président de l'ASN depuis 2012. Vous connaissez bien l'institution, que vous avez rejointe en 1997 pour coordonner le second examen de sûreté des réacteurs de 900 mégawatts (MW). Entre 2003 et 2013, vos fonctions de directeur régional de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (Drire) de la région Centre, puis de l'Île-de-France, vous ont désigné délégué territorial de l'ASN, d'abord pour le contrôle de la sûreté nucléaire des centrales de Dampierre, Chinon, Saint Laurent et Belleville, puis des centres du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) de Saclay et de Fontenay aux Roses, ainsi que pour le contrôle de la radioprotection des secteurs médicaux et industriels et des sites et sols pollués. Depuis 2013, vous êtes directeur général du Comité français d'accréditation (Cofrac), qui est chargé de délivrer les accréditations aux organismes intervenant dans l'évaluation de la conformité. Je ne vous apprendrai donc rien en rappelant à la fois l'importance et la sensibilité du poste auquel vous candidatez, ainsi que les défis auxquels l'ASN est confrontée.
Le premier de ces défis concerne les quatrièmes visites décennales des réacteurs de 900 MW, dont l'enjeu consiste à prolonger, ou non, leur durée de vie au-delà de quarante ans. Je rappelle qu'en France, l'autorisation d'exploiter une centrale n'est pas accordée pour une durée limitée ; elle est, en revanche, conditionnée à un réexamen périodique de sûreté, le quatrième étant essentiel puisque les réacteurs ont été initialement conçus pour fonctionner pendant quarante ans. Alors que les premiers réexamens doivent théoriquement débuter dès 2020 et qu'EDF a déjà lancé son programme de « grand carénage » pour, notamment, prolonger la durée de vie des réacteurs concernés, l'ASN a d'abord annoncé un premier avis générique d'ici 2018, puis l'a décalé en 2019 et l'on parle désormais de 2020, voire 2021, sachant qu'ensuite devront être fixées les prescriptions réacteur par réacteur. Ce calendrier ne vous semble-t-il pas trop tardif ?
Lors de ces réexamens, l'ASN applique un principe d'amélioration continue qui consiste à tendre, pour les centrales existantes, vers le niveau de sûreté des réacteurs de dernière génération. C'est là une spécificité française, bien plus exigeante par exemple que la doctrine américaine limitée au maintien de la sûreté à son niveau initial, ce qui a permis de prolonger sans difficulté les réacteurs américains, de conception identique, jusqu'à soixante ans, voire au-delà. Qui a raison en la matière ? La sûreté nucléaire est-elle moins garantie aux États-Unis ? L'exigence française est-elle tenable et l'explique-t-on suffisamment à nos concitoyens, dont certains pensent que nos centrales n'ont pas évolué depuis leur mise en service ? Les découvertes récentes de défauts, voire de cas de fraudes, n'ont il est vrai rien fait pour rassurer le public, mais la communication de l'ASN nous donne parfois le sentiment d'être très anxiogène, alors que l'agence conclut pourtant au « niveau globalement satisfaisant » de la sûreté des centrales dans son rapport de 2017. Comptez-vous faire évoluer la communication de l'ASN auprès du grand public vers davantage de pédagogie ?
Après les écarts de conformité constatés dans l'usine du Creusot, l'ASN a mis en oeuvre des mesures de lutte contre la fraude. Comment pourraient-elles encore être améliorées ? Par ailleurs, après l'accident de Fukushima, les règles de sûreté ont été renforcées. Les prescriptions de l'ASN ont-elles, à votre connaissance, été intégralement appliquées ? Pensez-vous qu'il faille aller plus loin ? Quel jugement portez-vous sur la réorganisation industrielle de la filière électronucléaire française au regard des impératifs de sûreté ? Concernant l'EPR (European Pressurized Reactor) de Flamanville, quelle appréciation portez-vous sur la décision de l'ASN de valider la cuve mais de demander le remplacement du couvercle avant 2024 ? L'autorité de sûreté chinoise a-t-elle abouti aux mêmes conclusions s'agissant des cuves des deux EPR fabriquées selon le même procédé ? Estimez-vous, par ailleurs, que l'ASN devrait être chargée d'évaluer la sécurité et la protection des installations contre les actes de malveillance ?
En janvier dernier, l'ASN a jugé que le projet de centre de stockage en couche géologique profonde, Cigéo, avait atteint une maturité technique satisfaisante, mais formulait une réserve concernant les déchets bitumés. Que préconisez-vous en la matière ? Le combustible Mox permet de recycler une partie du combustible usé des centrales, mais son usage est aujourd'hui réservé à la génération la plus ancienne de réacteurs, dont une partie pourrait fermer à plus ou moins brève échéance. Est-il envisageable d'autoriser cet usage pour les réacteurs plus récents, ce qui permettrait de continuer à recycler et pérenniserait, par la même occasion, l'usine qui fabrique le Mox à Marcoule ?
Enfin, le système français de contrôle des risques nucléaires est dual, avec l'ASN et son expert technique, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (l'IRSN), chacun réclamant régulièrement des moyens supplémentaires pour faire face au surcroît d'activité. Y aurait-il un intérêt ou, au contraire, un risque, à fusionner les deux institutions ?
Je suis particulièrement honoré d'avoir été proposé à la présidence de l'ASN par le Président de la République. L'ASN est une autorité indépendante reconnue pour sa rigueur et sa compétence, qui doit faire face à des enjeux d'une ampleur inégalée en matière de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
J'ai consacré mon parcours professionnel au contrôle des activités et des installations à risque, en entreprise comme dans l'administration, exerçant des responsabilités en lien direct avec la sûreté nucléaire et la radioprotection. Ingénieur généraliste de formation, je suis également diplômé de l'École supérieure de métallurgie et de soudage et, depuis 1999, ingénieur du corps des mines. J'ai démarré ma carrière administrative dans le contrôle des équipements sous pression, y compris nucléaires, et de transport de matières dangereuses. Puis, j'ai rejoint le bureau Veritas, où, pendant huit ans, j'ai occupé différents postes de direction en relation avec le contrôle et la certification des produits à risque en application de la réglementation européenne. En 1997, j'ai intégré l'ASN pour coordonner la deuxième visite décennale des réacteurs de 900 MW. J'ai ensuite rejoint l'administration centrale pour gérer, pendant trois ans, le réseau des Drire, avant d'être nommé directeur de la Drire de la région Centre, puis en Île-de-France. Je fus alors concerné, en tant que délégué territorial de l'ASN, par les enjeux de sûreté des centrales de Belleville, Dampierre, Chinon et Saint-Laurent et par le contrôle des centres de recherche du CEA à Saclay et à Fontenay-aux-Roses comme des sites et sols pollués aux matières radioactives. J'eus également en charge le contrôle de la radioprotection en Île-de-France, où le sujet est d'importance puisque la région accueille 20 % des centres de radiothérapie. En 2010, toujours en Île-de-France, j'ai oeuvré à la fusion de la Drire, de la Direction régionale de l'environnement (Diren), du service de police des eaux, du service de navigation de la Seine et du service des installations classées de la préfecture de police pour constituer la direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie, au sein de laquelle j'ai continué d'assurer les fonctions de délégué territorial de l'ASN mais également de délégué de bassin Seine-Normandie, ce qui m'a permis d'acquérir des compétences en matière de prélèvement et de pollution des eaux. Enfin, depuis 2013, j'exerce les fonctions de directeur général du Cofrac.
L'ASN est confrontée à trois enjeux majeurs. D'abord, elle doit opérer sa mission de contrôle dans un contexte inédit en termes de sûreté des installations. L'ASN doit également répondre, pour assurer la confiance de la population dans le secteur nucléaire, à la demande croissante des citoyens en matière d'information et de participation aux décisions. Elle doit enfin améliorer l'efficience de son fonctionnement interne. À court terme, deux sujets nécessiteront une forte mobilisation des ressources de l'ASN : l'EPR de Flamanville, objet de nombreux retards et de difficultés liées notamment aux soudures du circuit secondaire, et le quatrième réexamen de sûreté des réacteurs de 900 MW en vue d'autoriser la poursuite de leur activité après examen de leur conformité, réacteur par réacteur. Au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte a en effet prévu qu'une décision individuelle prise par l'ASN après enquête publique devra intervenir pour prolonger l'activité de chaque centrale.
J'observe, à plus long terme, cinq sujets d'importance. Le premier concerne le maintien des capacités techniques et financières des exploitants dans un contexte inédit de repli du parc nucléaire et de perte d'expérience, attestée par les nombreuses difficultés décelées sur les nouveaux projets, alors que des travaux de grande ampleur devront être réalisés dans les centrales mais aussi dans les usines du cycle du combustible et que les chantiers de démantèlement de réacteurs, notamment au graphite-gaz, devront être menés. S'agissant en particulier du démantèlement des installations du CEA, la capacité financière de l'opérateur dépendra du budget qui lui sera alloué par l'État.
Le deuxième sujet a trait au stockage des déchets de moyenne et haute activité à vie longue, dangereux pour plusieurs centaines de milliers d'années, qui devra, à travers un débat public, faire l'objet d'une solution consensuelle et responsable à la fois en termes de sûreté et d'éthique, puisque nous sommes là confrontés à un horizon de temps inédit. À l'autre bout du spectre des déchets, il conviendra de réfléchir au stockage et à la valorisation du volume considérable de déchets, parfois peu ou pas radioactifs, issus du démantèlement. L'hypothèse d'un stockage décentralisé, au plus près des sites démantelés pour éviter les flux de trafic, est notamment un vrai sujet de débat qui impliquera les élus et toute la société.
Le démantèlement représente le troisième sujet d'avenir. Si EDF a démontré sa capacité à réaliser certaines opérations sur les chaudières nucléaires à eau sous pression, le démantèlement des anciens réacteurs à graphite-gaz s'avère plus complexe et connaît des retards importants. C'est un point d'attention, en particulier sur le provisionnement financier réalisé par les opérateurs pour pouvoir assurer ces opérations sur le long terme.
Un quatrième sujet porte sur la radioprotection dans le secteur médical, dont l'ASN est en charge du contrôle depuis une dizaine d'années. De nombreux incidents sont encore signalés, notamment de surexposition des patients. En outre, de nouveaux développements technologiques dans le domaine de l'imagerie médicale conduisent à davantage exposer les patients et les praticiens, le plus souvent à des doses très faibles mais dans la durée - je pense en particulier à la radiologie interventionnelle qui guide le geste chirurgical. Je citerai deux exemples de risques nouveaux auxquels l'ASN devra être vigilante : grâce au perfectionnement des appareils de radiothérapie, des rayonnements très denses peuvent être concentrés sur des très petites zones mais cela implique, pour éviter tout danger, de positionner le faisceau de façon extrêmement précise, et donc d'avoir des personnels parfaitement formés ; de même, la multiplication des actes de radiologie et des scanners liée au vieillissement de la population et le fait de pouvoir les réaliser à distance, grâce au développement de la télémédecine, modifient la problématique du contrôle de la radioprotection par l'ASN.
L'efficience interne de l'institution et son implication internationale représentent un cinquième sujet. Il s'agit de concentrer les moyens d'action et de contrôle sur les enjeux essentiels en adoptant une approche individualisée de l'intensité du contrôle : lorsque les risques sont élevés ou les exploitants défaillants, il faut augmenter son intensité, et inversement. Par ailleurs, en matière de ressources humaines, il convient de maintenir une capacité d'attraction à l'endroit des jeunes ingénieurs, dans un contexte de réforme de l'État et de moindre engouement pour le nucléaire, en proposant des cursus de formation continue et en assurant un déroulement de carrière avec des postes à responsabilité au sein de l'ASN.
Vous m'avez interrogé sur le calendrier des visites décennales des réacteurs de 900 MW, soumis, après leur trente-cinquième année de fonctionnement, à une autorisation de l'ASN après enquête publique. La phase générique de l'examen de l'ensemble des réacteurs se trouve bien avancée, mais quelques sujets complexes sont encore en cours d'instruction avec EDF et l'IRSN - je pense en particulier, en cas de fusion du coeur, à la possibilité de récupérer le corium à l'intérieur du bâtiment réacteur pour éviter qu'il ne traverse la dalle et pollue les nappes phréatiques, qui nécessite des solutions alternatives lorsque l'installation d'un cendrier n'est pas faisable. Au vu des informations dont je dispose, l'avis générique de l'ASN devrait pouvoir intervenir fin 2020 mais il importe de le distinguer de la réalisation des visites réacteur par réacteur qui s'étaleront jusqu'en 2030, dont il n'est pas un préalable. La visite décennale de Tricastin 1 démarrera d'ailleurs en 2019, donc avant le rendu de l'avis générique, mais des engagements ont déjà été pris et une première série de modifications sera intégrée par l'exploitant dans le cadre de cette visite. Lorsque, pour chaque réacteur, l'exploitant aura achevé l'examen de conformité, il pourra obtenir une autorisation de l'ASN, sans doute assortie d'exigences complémentaires qui tiendront compte du résultat de l'avis générique et devront être mises en oeuvre dans le temps.
Concernant le principe de réexamen appliqué en France, il ne s'agit pas d'une doctrine de l'ASN mais d'une obligation qui figure dans la loi ; il ne s'agit pas non plus d'une approche uniquement française car on la trouve aussi dans la directive Euratom. Enfin, la pratique existe dans d'autres domaines : les installations industrielles les plus polluantes sont ainsi soumises régulièrement à une réévaluation des conditions de rejet et de fonctionnement, en comparaison avec les meilleures pratiques industrielles définies au niveau européen, et à des prescriptions émises par les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) pour améliorer en continu le niveau de sûreté et de protection de l'environnement. Le retour d'expérience après un accident dans l'industrie aéronautique en est un autre exemple. Et c'est aussi utile pour EDF de réaliser un examen de conformité dans le cadre de son projet de prolongation de la durée de vie du parc. Quant à la comparaison avec les États-Unis, même s'il n'y a pas d'évolution par rapport au standard initial et que, formellement, l'obligation d'un réexamen tous les dix ans n'y existe pas, il est évident que les Américains tiennent également compte du retour d'expérience des accidents comme Three Mile Island, Fukushima ou Tchernobyl pour renforcer la sûreté de leurs équipements et améliorer leurs pratiques environnementales.
Vous avez également regretté le manque de pédagogie sur ces questions et je partage votre constat : le nucléaire mérite davantage d'information du public. Je me réjouis d'ailleurs que le Haut comité à la transparence, à l'information et à la sûreté nucléaire (HCTISN) ait récemment lancé une consultation publique avec l'ensemble des acteurs de la filière pour présenter l'objectif du quatrième réexamen de sûreté.
La fraude est un sujet compliqué : même si le nombre de cas est extrêmement faible, elle introduit une suspicion, voire une crainte, quant au bon fonctionnement de la chaîne de contrôle. Les fraudes n'existent pas qu'en France, y compris dans le domaine nucléaire, et le dispositif de contrôle doit être diversifié : il n'y a pas une mesure unique ni une solution miracle pour lutter contre le phénomène. La prévention me semble essentielle. Il convient de renforcer la culture des entreprises du nucléaire pour assurer l'indépendance des contrôles, mettre en place un management anti-fraude et travailler sur les causes profondes de la fraude, qui peuvent être liées à des pressions dans la relation entre clients et fournisseurs ou à la situation individuelle du fraudeur, qui craint les conséquences de la détection d'un dysfonctionnement. Outre la prévention, le risque pesant sur le fraudeur doit être renforcé en multipliant les doubles contrôles, les contrôles inopinés et ceux réalisés par une tierce partie. Des systèmes d'alerte pourraient également être imaginés. Un plan a été prévu par l'ASN, que je souhaiterais mettre en application.
S'agissant de la mise en oeuvre des prescriptions résultant des stress tests réalisés au niveau international après l'accident de Fukushima, la France a opté pour une application large allant des réacteurs de puissance aux installations du cycle, selon des phases établies par l'ASN. La première phase correspondait à la mise en place rapide de moyens mobiles d'intervention et de moyens complémentaires pour alimenter les réacteurs en électricité et en eau afin d'en assurer le refroidissement. Cette phase a été totalement réalisée ; en revanche, la deuxième phase, qui prévoyait la mise en place des mêmes moyens mais plus robustes et positionnés dans des locaux spécialisés, accuse un retard de la part d'EDF lié, semble-t-il, à des questions d'approvisionnement. La troisième phase, qui correspond à un renforcement lié à d'autres scénarios accidentels, sera déployée à l'occasion des examens des réacteurs d'ici 2030.
L'ASN avait attiré l'attention sur la nécessaire réorganisation industrielle de la filière nucléaire dans son rapport de 2016. Il y a depuis eu une recapitalisation d'EDF et d'Areva, ce qui me semble extrêmement positif. L'ASN restera vigilante à ce que les moyens dégagés soient bien dédiés aux actions de sûreté.
Vous avez également évoqué le remplacement du couvercle de l'EPR de Flamanville. La décision de l'ASN me semble légitime dans la mesure où la problématique liée à la ségrégation du carbone, à la fois dans la cuve et dans le couvercle, a conduit à fragiliser certaines zones. Or, l'EPR diffère des réacteurs précédents en ce que toutes les ouvertures sont situées dans le couvercle et non dans la cuve : il est dès lors plus facile de contrôler l'état de vieillissement du fond de la cuve que du couvercle. Si une technique de contrôle fiable et éprouvée du couvercle avait existé, peut-être la décision aurait-elle été différente mais cette technique n'existe pas aujourd'hui. Je ne dispose en revanche d'aucune information sur les EPR chinois.
L'ASN n'est pas en charge de la sécurité des installations nucléaires, mais dispose de cette compétence dans le domaine des sources médicales et industrielles depuis la loi de 2015. Ses homologues étrangers exercent presque tous la double mission de sûreté et de sécurité, ce qui paraît compréhensible et cohérent à la fois pour disposer d'une vision globale et au vu de la nature des mesures techniques et organisationnelles à mettre en oeuvre pour préserver la sécurité des installations, qui sont les mêmes - je pense par exemple au dimensionnement d'une piscine - qu'il s'agisse de répondre à un dysfonctionnement accidentel ou à un acte de malveillance. D'ailleurs, l'IRSN, s'agissant de l'expertise technique, est en charge à la fois de la sûreté et de la sécurité. Je serai donc favorable à ce qu'il en soit de même pour l'ASN. Il ne faudrait pas, en revanche, que l'ASN se voit confier la responsabilité de la définition de la menace et de l'intervention, qui doit évidemment relever des forces de l'ordre.
Le projet Cigéo a fait l'objet d'une instruction importante de l'ASN. Le sujet est d'une complexité redoutable compte tenu des enjeux et de la nature des déchets, dont la radioactivité perdurera plusieurs centaines de milliers d'années. La démarche de l'Andra est robuste et a été saluée comme telle par l'ASN. Reste la question des déchets bitumés, qui ne sont pas des combustibles usés issus des réacteurs, mais des déchets qui ont été stockés dans des matrices bitumées par le CEA. Or, si le contenu et la radiotoxicité des fûts les plus récents sont bien connus, les déchets plus anciens le sont moins ; il est donc essentiel de les caractériser, voire de les retraiter, pour éviter que des dégagements exothermiques ne provoquent des incendies dans le stockage. Le sujet est en cours d'examen entre l'Andra, l'ASN et l'IRSN.
Concernant le développement de l'usage du Mox, le choix du retraitement ne relève pas de l'ASN mais d'un choix de politique industrielle. En revanche, l'ASN est bien entendu responsable de la sécurité des opérations de traitement. Je conviens néanmoins qu'avec le repli du parc des réacteurs de 900 MW, il faut s'interroger sur la manière de valoriser les matières issues du retraitement, que ce soit par l'utilisation du Mox dans les réacteurs de 1 300 MW, mais aussi par l'usage de l'uranium de retraitement enrichi, qui n'est pas utilisé aujourd'hui mais constitue pourtant le volume le plus important de déchets - il y a d'ailleurs des projets d'EDF en ce sens, notamment à la centrale de Cruas. Il s'agit en tous les cas d'un choix industriel : si l'exploitant souhaite utiliser du Mox dans les réacteurs de 1 300 MW, l'ASN réalisera des études de sûreté pour en valider la possibilité.
Vous m'avez enfin taquiné avec une question relative à une éventuelle fusion entre l'ASN et l'IRSN. Je suis, pour ma part, convaincu de la nécessité de séparer l'expertise de la décision, ce qui constitue un principe sain au-delà de la seule filière nucléaire - cela existe par exemple dans le domaine sanitaire. Cette séparation permet une expression libre de l'expertise, dégagée du poids de la décision. Et tous ceux qui travaillent à la sûreté nucléaire de nos installations pourraient vous dire qu'il vaut mieux deux barrières qu'une seule, et donc deux experts plutôt qu'un seul. En revanche, je suis favorable à davantage de mutualisation des moyens sur des sujets indépendants de l'expertise, comme l'information du public, la participation des citoyens au débat, les relations internationales ou encore la gestion des bases de données.
Comment envisagez-vous la relation d'une autorité de sûreté avec les entreprises qu'elle contrôle ? Pourrait-on, par exemple, aller vers une logique plus partenariale qui associe le plus en amont possible l'ASN avec les exploitants, plutôt que de constater des écarts de conformité en bout de chaîne ?
Comment l'ASN pourrait-elle collaborer avec le CEA et les acteurs de la filière pour la définition des exigences de sûreté des réacteurs de quatrième génération ?
Vous avez évoqué votre responsabilité en matière de contrôle des sources médicales mais il existe aussi des risques importants dans le milieu industriel, par exemple pour radiographier les tuyaux, que pouvez-vous nous en dire ?
Estimez-vous que les moyens qui sont accordés à l'ASN par le projet de loi finances pour 2019 vous permettront à la fois d'atteindre vos objectifs en matière de gestion des ressources internes et de respecter vos délais d'instruction, alors que votre prédécesseur avait déjà alerté sur l'insuffisance des moyens pour tenir les calendriers ?
Enfin, dans le cadre du quatrième examen périodique, le public sera doublement associé, d'abord dans le cadre de la concertation sur la phase générique, qui n'est pas prévue par la loi, puis lors de l'enquête publique qui sera réalisée pour chaque réacteur. Comment prévoyez-vous de prendre en compte les observations formulées par nos concitoyens ?
En 2012, un rapport de la Commission européenne sur la sûreté nucléaire faisait état de la faiblesse du parc français en matière d'équipements à déployer d'urgence en cas de catastrophe naturelle. L'ASN avait alors procédé à un état des lieux et formulé des recommandations de mise à niveau. Ont-elles été suivies d'effet ?
La commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur la sûreté et la sécurité nucléaires a produit, pour sa part, un rapport qui prône un contrôle démocratique du parc nucléaire, au-delà de la seule responsabilité des exploitants. D'ailleurs, des lanceurs d'alerte s'inquiètent de la vulnérabilité de nos centrales en cas d'acte terroriste... Ladite commission d'enquête a formulé trente-trois propositions, dont l'une vise à renforcer les pouvoirs de l'ASN. La partagez-vous ?
Un problème de corrosion de tuyauterie a été découvert, notamment sur le site de Belleville, qui porte un risque, en cas de séisme, d'affaiblissement des moyens de refroidissement des réacteurs et des piscines d'entreposage. Les contrôles et la surveillance de l'ASN concernent-il également les modalités d'exploitation des installations et la manière dont le matériel est entretenu ?
Enfin, les missions de l'ASN se sont progressivement étendues et ses moyens financiers ont été, en conséquence, augmentés. Vous semblent-ils désormais suffisants ?
À quelques semaines de la publication, par le Gouvernement, de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui pourrait s'avérer structurante pour la filière nucléaire, comment l'ASN peut-elle, dans ce cadre, contribuer à faire émerger des choix de société éclairés, comme c'est prévu dans ses missions ? Comment doit-elle se préparer aux conclusions de la PPE s'agissant de son activité, en particulier si elle devait influer sur le calendrier des quatrièmes visites décennales des réacteurs de 900 MW, dont la concertation publique a débuté sous l'égide du HCTISN ?
Ma seconde interrogation porte sur le contrôle de la sûreté nucléaire, qui repose, en France, sur le principe d'exploitant nucléaire responsable et sur le contrôle de l'ASN. Quelle est votre vision du principe de responsabilité de l'exploitant ? Quelle forme devrait, selon vous, prendre le contrôle de l'ASN ? Doit-il uniquement juger de la bonne atteinte, par l'exploitant, des objectifs de sûreté et de radioprotection fixés ou s'intéresser également aux moyens mis en oeuvre pour atteindre lesdits objectifs ? Dans cette hypothèse, n'existerait-il pas un risque fort de confusion des responsabilités ?
Le plan stratégique pluriannuel de l'ASN pour la période 2018-2020 présente cinq axes, dont le dernier vise à conforter l'approche française et européenne en matière de sûreté par l'action internationale. Comme sénateur des Français de l'étranger, j'aimerais connaître les pays avec lesquels vous envisageriez de nouer des échanges. Par ailleurs, vous n'êtes pas sans savoir que les ingénieurs français sont internationalement reconnus dans le secteur du nucléaire. Quelle place envisagez-vous de leur offrir ? Comment seront-ils impliqués dans les actions que vous souhaitez mener ?
Vous avez essentiellement effectué votre carrière au service de l'État. Or, la fonction à laquelle vous êtes candidat implique de contrôler les décisions publiques relatives à la sûreté des installations. Compte tenu des enjeux en matière de sûreté, alors que des problèmes techniques ont été constatés sur des constructions récentes et qu'EDF souhaite prolonger la durée de fonctionnement d'anciennes centrales, comment pouvez-vous nous assurer de votre indépendance vis-à-vis de l'État, dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec les impératifs de sûreté ?
Le projet de Bure, lancé en 2005, a déjà coûté environ un milliard d'euros, sans compter le coût de fonctionnement du laboratoire. Il est question d'y enfouir les premiers containers aux alentours de 2030. Cela me semble une solution plausible car en attendant, ces containers sont stockés en plein air. On connaît cependant la résistance des opposants au projet dont certains occupent, comme à Notre-Dame des Landes, les forêts environnantes. L'inquiétude des populations n'apparait de fait pas illégitime, compte tenu de la nature du projet... Quels sont vos espoirs de voir effectivement des déchets descendre un jour dans ces galeries à 500 mètres de profondeur ? Vous semble-t-il raisonnable, au vu du contexte, de poursuivre ce projet coûteux ?
Je voudrais prolonger la question de notre collègue Michel Raison sur l'avenir du chantier de Bure. On sait que le débat public est faussé dans la mesure où ce sont les opposants au projet qui s'expriment, voire empêchent la tenue des réunions. Existe-il une solution alternative pour le stockage de ces déchets, qui existent ?
Ma seconde question vise à satisfaire ma curiosité personnelle : est-ce vous qui avez décidé d'être candidat ? Est-on venu vous chercher ? Y a-t-il eu plusieurs candidats ?
Vous avez parlé des capacités techniques et financières des industriels mais l'ASN dispose-t-elle des capacités techniques et financières pour faire face à ses multiples tâches, et répondre notamment à cette demande sociétale croissante d'information ? Faut-il envisager de modifier l'architecture du financement de l'Autorité ?
Que pensez-vous de la sous-traitance en matière nucléaire ? Nous avions déjà évoqué cette question et son impact sur la sûreté nucléaire avec votre prédécesseur.
Quel est votre positionnement sur les conclusions du rapport commandé par les ministres de la transition écologique et de l'économie préconisant la construction de six nouveaux EPR d'ici 2025 ? Est-ce compatible avec la transition écologique voulue par la France ? Le maintien d'un savoir-faire français est-il opportun alors que le marché mondial du nucléaire se rétracte au profit des énergies renouvelables ?
La règlementation actuelle prévoit que les déchets nucléaires très faiblement actifs provenant d'installations nucléaires soient entreposés dans des sites spécialisés. Or, ils n'existent pas encore. Quelles sont les valorisations possibles de ces déchets et quelles seraient les conséquences de leur libération ?
Le vieillissement du parc nucléaire européen ouvre un nouveau marché à la France. L'âge moyen des 129 réacteurs nucléaires en fonctionnement dans l'Union est de trente ans. En l'absence de prolongation, 90 % des réacteurs seraient fermés d'ici 2030. Il faudrait 4 000 experts en démantèlement par an alors que l'Europe n'en forme que 2 800, dont une grande partie se réoriente vers les énergies renouvelables. Que proposez-vous pour doter la France d'une filière de démantèlement digne de sa puissance nucléaire historique ?
J'avoue que la séparation entre sûreté et sécurité me trouble. Que se passerait-il en cas d'incident ? Quel serait le délai d'intervention ? Je m'inquiète d'apprendre que des drones survolent nos équipements.
L'ASN a créé un poste d'inspecteur en chef et a nommé un référent déontologue et lanceur d'alerte. Qu'attendez-vous de ces deux postes ?
Vous vous êtes interrogé à plusieurs reprises sur les capacités de l'ASN à garder ses meilleurs ingénieurs et techniciens, ce qui m'inquiète. Devons-vous vraiment craindre un déficit de compétences dans les années qui viennent ?
Aucune des décisions de l'ASN n'est prise sans avoir préalablement dialogué avec les exploitants. Les échanges sont réguliers, approfondis et leurs propositions sont examinées par l'ASN. Il ne s'agit bien sûr pas d'un partenariat puisque c'est une relation entre contrôleur et contrôlés, mais le contrôle n'interdit pas le dialogue.
La décision de lancer une quatrième génération de réacteurs n'appartient pas à l'ASN. En revanche, certains projets de recherche font l'objet d'instructions, comme Iter ou Astrid. L'ASN instruit ces demandes qui pourraient éventuellement déboucher sur une quatrième génération de réacteurs, mais tous ces projets accumulent les retards ou rencontrent des difficultés.
La radiographie industrielle comporte des risques, d'autant plus que cette activité est nomade. Le contrôle des soudures des canalisations se fait au moyen d'appareils radioactifs. Les travailleurs risquent d'être exposés mais les sources radioactives doivent également être sécurisées. L'ASN est désormais chargée de ce dernier point afin que des personnes mal intentionnées ne puissent avoir accès à ces sources radioactives.
Vous avez évoqué la concertation sur la phase générique organisée sous l'égide du HCTISN. Une fois que les exploitants auront fait connaître leurs propositions, une enquête publique sera réalisée sur les projets d'autorisation de l'ASN. L'Autorité devra être particulièrement attentive à bien expliquer ses décisions : lorsque la phase de concertation sera achevée, elle devra expliquer les raisons de telle ou telle décision. La pédagogie sera donc indispensable.
Les préconisations concernant les équipements d'urgence face aux risques de séisme et d'inondation sont liées aux stress test faits après Fukushima. J'ai dit tout à l'heure quel était le phasage pour leur mise en place. Je suis en phase avec le rapport de la commission d'enquête de Mme Pompili qui prévoit de donner compétence à l'ASN sur les questions de sécurité. Aux États-Unis et en Grande-Bretagne, tel est déjà le cas, ce qui ne met nullement en cause le principe du confidentiel-défense. Je suis donc favorable à un renforcement des pouvoirs de l'ASN en la matière.
De quels pouvoirs supplémentaires souhaiteriez-vous précisément disposer ?
D'un pouvoir d'instruction sur les mesures prévues par l'exploitant, afin de voir si elles sont proportionnées aux risques, ceux-ci étant définis par les pouvoirs publics, et d'un pouvoir de contrôle sur les dispositions techniques, organisationnelles et humaines mises en place par les exploitants, de manière à en vérifier l'efficacité.
Je n'ai pas d'informations particulières sur la corrosion affectant les tuyauteries de Belleville. En revanche, le réexamen de sûreté comporte systématiquement un examen de conformité approfondi : il s'agit de s'assurer que les installations sont toujours conformes à leur référentiel initial et de vérifier qu'elles ont bien ou mal vieilli, et par là d'identifier notamment les zones les plus susceptibles de corrosion ou de dommages. L'ASN réalise des inspections sur la mise en oeuvre des programmes de maintenance préventive et corrective définis par les exploitants.
L'ASN dispose des moyens financiers pour faire face à ses missions. Il faudrait bien évidemment tenir compte des nouvelles missions qui pourraient lui être confiées. L'Autorité a demandé un renfort de 15 nouveaux équivalents-temps plein (ETP) sur le triennal 2018-2020, du fait du renforcement de sa mission de contrôle, notamment lié à la fraude. Deux renforts lui ont été attribués en 2018. Le rapport de Mme Pompili appuie notre demande et j'espère que le Sénat en fera de même à l'occasion de la discussion budgétaire.
Une question de fond se pose sur les sources de financement de l'ASN, dont il serait nécessaire qu'elles puissent évoluer rapidement en fonction des enjeux. Les présidents successifs de l'ASN ont évoqué à plusieurs reprises la création d'une taxe affectée liée aux activités nucléaires. Ainsi, les ressources de l'ASN seraient découplées en partie du budget de l'État et adossées aux activités nucléaires. Ce mécanisme n'est pas forcément dans l'air du temps mais je soutiendrai toute mesure qui parviendrait au même résultat. À l'occasion, il faudra aussi s'interroger sur le financement des Commissions locale d'information (CLI), indispensables à l'organisation de la concertation avec le public au niveau local. Les élus et les collectivités jouent un rôle prépondérant dans ces commissions. Si je suis nommé président de l'ASN, je m'appuierai sur le réseau des CLI. Or, on voit bien que les plus actives sont celles qui disposent de ressources pérennes. La loi de juin 2006 relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire prévoyait d'affecter une partie des taxes du nucléaire au fonctionnement des CLI, mais cette disposition n'est jamais entrée en application.
La quasi-totalité des ressources humaines de l'ASN provient du corps des ingénieurs de l'industrie et des mines. Ce corps peut travailler à l'ASN, mais aussi à l'inspection des installations classées, dans les Dreal, dans le secteur de l'énergie... C'est donc un corps mobile. Si l'attractivité de l'ASN n'est pas suffisante, elle perdra en compétence, d'autant que les sujets traités sont compliqués et demandent une formation du personnel sur le long terme. J'ai donc l'intention d'organiser des parcours de carrière pour fidéliser le personnel. Dans certains pays, les équivalents de notre ASN disposent soit de corps dédiés soit recrutent d'anciens salariés d'exploitants, ces derniers passant d'un secteur à l'autre, ce qui ne me semble pas sain.
Pour Cigéo, l'ASN doit expliquer qu'il s'agit d'un sujet technique mais aussi éthique. La réflexion sur des déchets radioactifs pendant des centaines de milliers d'années ne peut être de même nature que pour des déchets inertes. Je continuerai à dire qu'il n'existe aucune solution sûre pour garantir la permanence de systèmes de stockage en surface sur une durée aussi longue. Le choix du stockage n'est en revanche pas du ressort de l'ASN mais du monde politique : le plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs sera soumis à débat public en début d'année prochaine. La concertation sera difficile mais l'ASN devra apporter de l'information et faire oeuvre pédagogique.
J'en viens à la PPE, qui n'est bien sûr pas du ressort de l'ASN. L'indépendance de l'Autorité lui interdit de prendre position, que ce soit face aux exploitants ou face au Gouvernement. En revanche, elle s'est exprimée sur l'intensité du repli, c'est-à-dire sur la rapidité de réduction du parc nucléaire. L'ASN s'est ainsi trouvée confrontée, ces dernières années, au sujet des générateurs de vapeur, dont douze étaient soupçonnés de comporter des ségrégations de carbone de même type que celles constatées sur les réacteurs : l'ASN a donc demandé d'arrêter ces douze tranches nucléaires pour les contrôler. Avec un parc standardisé, le risque est qu'un défaut concerne l'ensemble des réacteurs. L'ASN a donc recommandé au Gouvernement, et je ferai mienne cette recommandation, de conserver des marges par rapport aux besoins de consommation énergétique car s'il y a un défaut générique, l'ASN prendra ses responsabilité, quels que soient les conséquences en termes d'approvisionnement énergétique. Sans marges, il y aura des risques de rupture d'approvisionnement.
En ce qui concerne le plan stratégique pluriannuel, vous avez évoqué la promotion de l'approche française et les relations avec nos homologues européens de sûreté nucléaire. La France se trouve dans une position de référence, compte tenu à la fois du poids de son parc nucléaire et des décisions de sortie du nucléaire prises en Allemagne, en Italie et en Belgique. Ce rôle a été très bien tenu par les présidents successifs de l'ASN. Si je suis nommé président de l'ASN, je continuerai dans cette voie afin de conforter notre industrie nucléaire tout en défendant des standards extrêmement élevés. Pour tirer parti des retours d'expérience, il est nécessaire de dialoguer. L'international permet d'imposer des normes élevées et de tirer profit des expériences étrangères. Ainsi, nous proposons à nos inspecteurs d'aller travailler à l'étranger chez nos homologues. Lorsqu'ils reviennent au bout de trois ans, ils disposent d'une expérience irremplaçable.
En ce qui concerne mon parcours professionnel, j'ai fait carrière dans l'administration mais j'ai aussi travaillé pendant huit ans dans le secteur privé, ce qui ne m'empêchera nullement d'assurer ma mission en toute indépendance.
Je ne dispose pas d'informations particulières concernant le coût de Cigéo. Les premiers containers devraient arriver en 2030 mais il faudra au préalable purger le débat public. En cas de très forte opposition, je ne sais quel pourrait être l'avenir de ce projet. L'engagement de tous les acteurs, élus et exploitants, est fondamental pour expliquer à nos concitoyens que ce projet est la seule solution durable pour le stockage. La loi a prévu en revanche une réversibilité, au moins pendant une centaine d'années, si d'autres solutions survenaient. Mais c'est bien à notre génération, qui a bénéficié d'une électricité nucléaire à un prix acceptable, qu'il revient d'offrir dès maintenant une solution pour les générations futures.
Le débat public est effectivement parfois faussé entre des groupes qui ont des positions antagonistes. Pourquoi ne pas organiser des conférences citoyennes, en choisissant au hasard un panel de personnes, à l'image des jurys d'assises, pour s'affranchir des lobbys ?
La sous-traitance est indispensable dans tout processus industriel : certaines activités nécessitent une expertise de très haut niveau, dont ne disposent pas nécessairement les exploitants. En revanche, il est indispensable de contrôler la sous-traitance et la législation a réduit à trois les sous-traitances en cascade, afin d'éviter de diluer les responsabilités. En réalité, le sujet principal est celui de la compétence : s'il n'y a qu'un seul sous-traitant mais si celui-ci n'est pas compétent, il y a risque.
Vous avez évoqué le thème de la sûreté et de la sécurité qui s'est imposé après les attentats et le survol des installations par des drones. L'ASN n'étant pas en charge de la sécurité, je ne puis aujourd'hui vous répondre sur ce sujet.
L'ASN n'intervient que s'il y a eu impact sur l'installation. Pour de simples survols de drones, la responsabilité revient aux forces de l'ordre et aux exploitants.
Le référent déontologue a été créé suite à la mise en place de sanctions administratives prononcées par l'ASN. L'ordonnance de 2016 a prévu la séparation du service qui instruit de celui qui prononce la sanction. L'Autorité a donc dû créer un comité des sanctions, avec un déontologue.
La multiplication des véhicules électriques va imposer d'accroître la production d'électricité. Dans quelle direction développer notre parc ?
Votre réponse sur la sous-traitance m'a déçu : la recherche de rentabilité a eu pour effet de multiplier les tâches sous-traitées, comme le ménage. Or, j'ai le sentiment que les contrôles n'ont pas été renforcés.
La problématique de la voiture électrique est effectivement au coeur de la PPE, avec les questions de la production d'électricité mais aussi de stockage. Mais l'ASN n'est pas compétente sur ce sujet de politique énergétique.
La sous-traitance impose qualité et pérennité des contrôles. Si la filière nucléaire française amorçait sa décrue, les sous-traitants actuels pourraient interrompre leurs services, ce qui mettrait en difficulté notre industrie électronucléaire. Se posent donc à la fois la question du contrôle mais aussi celle de maintien d'un écosystème global pour faire face aux enjeux de sécurité et de sûreté.
Merci d'avoir répondu à nos questions et d'avoir présenté vos ambitions pour l'ASN.