Comme mon collègue Alain Richard, je comprends très bien la préoccupation de notre collègue Henri Leroy, qui est membre de la commission des lois. Toutefois, je veux appeler son attention sur les conséquences d’un tel amendement. Mettons-nous dans la situation de quelqu’un en état de crainte, de peur, état qui peut concerner, à un moment donné, chacun d’entre nous.
Quand un tel état sera-t-il excusable ? Qui détermine ce qui est excusable et ce qui ne l’est pas ? Même s’il est excusable d’avoir peur, de quelle agression s’agit-il ? Quelqu’un a-t-il menacé de le tuer ? A-t-il utilisé une arme à feu pour répondre à un délinquant qui l’agressait à mains nues ? A-t-il tué, pour faire face à une agression dans son commerce ? Est-il légitime de tuer soi-même un délinquant, alors qu’il n’y a pas de proportionnalité entre la réplique et l’acte d’agression ?
Il y a là de nombreuses incertitudes. Jusqu’à présent, la notion de responsabilité pénale est plutôt réservée aux criminels atteints de graves affections psychiques, qui sont exonérés de leur responsabilité. Or il n’est pas fait ici mention d’un état psychique abolissant le discernement de la personne en cause et empêchant une réaction proportionnée à l’agression.
En réalité, l’adoption de cet amendement, dont je partage pourtant les motivations, aboutirait à un résultat tellement disproportionné que je ne vois pas un seul juge de France faire application d’une telle disposition, tant ses effets seraient disproportionnés par rapport aux fins poursuivies.
C’est pourquoi nous avons longuement débattu, mes collègues, sur la nécessité de ne pas donner aux procureurs de pouvoirs excessifs. Nous devons en effet respecter un certain nombre de principes fondamentaux de notre République. Je crains fort qu’un tel amendement, s’il était adopté, s’il passait le cap de l’examen du Conseil constitutionnel, ne parvienne pas à remplir l’objectif poursuivi. En effet, les magistrats seraient enclins à souligner la disproportion entre l’agression et la réplique, considérant l’état de la personne agressée comme inexcusable. Ils appliqueraient ainsi les autres articles du code pénal et renverraient chacun à sa propre responsabilité. Dans notre pays, on ne se fait pas justice soi-même !