Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 11 octobre 2018 à 10h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 37

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, l’article 37 du présent projet de loi prévoit notamment une amende forfaitaire pour usage de stupéfiants.

Présenté il y a quelques mois par le Gouvernement comme un premier pas vers la décriminalisation de l’usage des stupéfiants, qui viendrait remplacer les peines de prison auxquelles sont parfois condamnés certains consommateurs, l’alinéa 2 de l’article 37 renforce simplement l’arsenal pénal prévu pour sanctionner la prise de drogue.

Sur un tel sujet, le bon sens devrait primer. Plutôt que la répression, une véritable politique de santé publique et de prévention devrait être mise en place. Plutôt que d’enfermer les consommateurs victimes d’addiction, accompagnons-les !

Depuis plusieurs années maintenant, je milite pour la légalisation contrôlée du cannabis – j’ai d’ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens –, ainsi que la décriminalisation des autres drogues comme l’héroïne, la cocaïne ou le crack.

Nous ne saurions mettre tous les stupéfiants sur le même plan, comme le fait notre droit. Le cannabis a déjà fait l’objet d’une légalisation contrôlée dans certains pays européens et États fédérés américains, ainsi qu’au Canada, pour la consommation récréative aussi bien que médicale.

Malgré la répression accrue de la consommation du cannabis dans notre pays, le nombre d’utilisateurs augmente vertigineusement d’année en année. On aurait pu au moins espérer la dépénalisation du cannabis, qui est déjà effective dans la grande majorité des pays européens. Or l’amende délictuelle ne constitue nullement une dépénalisation, bien au contraire.

Quant aux autres stupéfiants, ils créent dans tous les cas une dépendance et nuisent fortement à la santé de leurs consommateurs. Il est urgent d’accompagner ceux-ci, et de la meilleure manière.

Pendant la campagne présidentielle, Emmanuel Macron avait donné quelques gages en faveur de la légalisation du cannabis. Aujourd’hui, il rétropédale et traite la question aux antipodes de ses promesses antérieures. Pourtant, on ne peut envisager de meilleur moyen de contrôler une consommation que de la rendre légale afin de la réguler et d’en prévenir les risques tout en s’adonnant à la prévention en général et à l’accompagnement des addicts.

C’est pourquoi nous enjoignons l’exécutif à mener une réflexion en la matière. Il est temps de poser avec courage et pragmatisme la question de la légalisation contrôlée du cannabis.

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