Comme nous avons pu, malheureusement, le constater à l’occasion des attentats dramatiques qui ont frappé notre pays, l’efficacité de nos magistrats et de nos procureurs a été totale.
On fait valoir que le parquet national devrait remplir une fonction, en quelque sorte, de communication, d’identification ou de reconnaissance, nationale ou internationale. Personne aujourd’hui ne considère que le procureur chargé de ces questions et, plus largement, l’institution ne sont pas reconnus au plan international ou national. Le dispositif, là aussi, fonctionne très bien.
Nous souhaitons donc saluer l’organisation existante, réactive, souple et en mesure de s’adapter aux crises, grâce à la mobilisation exceptionnelle de magistrats d’autres sections du parquet de Paris – des réservistes, si je puis dire.
L’amendement déposé par le Gouvernement suscite plusieurs craintes. Celle, d’abord, d’une réduction des effectifs mobilisables, puisque le nombre de magistrats du parquet national antiterroriste serait nécessairement très largement inférieur au nombre de magistrats du parquet de Paris. La crainte, ensuite, d’une perte d’efficacité et de réactivité en l’absence de pouvoir hiérarchique du procureur national antiterroriste sur les magistrats dépendant d’autres parquets. La crainte, aussi, d’une perte de vision d’ensemble des parcours de délinquance conduisant au terrorisme. La crainte, enfin, d’une rigidité dans l’affectation des conduites des enquêtes entre les délits de droit commun, la criminalité organisée et le terrorisme.
Au reste, dans son avis sur le projet de loi, voici ce que le Conseil d’État a fait observer : « La création d’un parquet national antiterroriste n’est pas sans présenter, d’une part, un risque d’isolement des magistrats affectés à ce parquet, avec l’inconvénient de perdre la perception des liens entre la petite délinquance et le terrorisme, en particulier dans les parcours de radicalisation, et, d’autre part, une rigidité inutile pour adapter les effectifs de magistrats affectés à la lutte antiterroriste aux évolutions de la criminalité en la matière. »
Disons les choses : cette réforme ne semble justifiée par aucun dysfonctionnement constaté.
Peut-être vais-je être audacieux, mais, autant nous avons été favorables à la création du juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, parce que nous pensons que c’est un progrès pour notre dispositif judiciaire, autant, en la circonstance, nous ne voyons pas l’avantage supplémentaire que présenterait le dispositif proposé. Peut-être même fragiliserait-il, au moins temporairement, l’organisation judiciaire, alors que le contexte invite davantage à une forme de stabilisation et à un renforcement des moyens.
Par ailleurs, l’expérience récente du parquet national financier doit également nous inviter à une forme de prudence dans la création de parquets nationaux autonomes.
Enfin, alors que l’amendement n° 181 rectifié du Gouvernement vise à donner pour la première fois au parquet de Paris une compétence concurrente nationale en matière de criminalité organisée, il semblerait paradoxal de ne pas maintenir une section antiterroriste au sein de ce parquet, afin de faciliter les échanges entre les deux sections.
Toutefois, la commission des lois ne rejette pas tout.