Mon cher collègue, je voudrais joindre ma voix à celles de Mme la garde des sceaux et de notre collègue corapporteur François-Noël Buffet pour vous rappeler, à l’appui de cette demande de retrait, que le développement des travaux d’intérêt général marque le pas depuis plusieurs années. Or nous ne cessons, sur toutes les travées de notre assemblée – ce n’est pas un sujet qui nous divise –, de nous inquiéter du fait que la préférence pour des condamnations à des peines d’enfermement reste prégnante dans notre pays.
Nous recherchons aujourd’hui les moyens de développer les alternatives à l’incarcération, qui présentent de grands avantages, à la fois pour éviter d’exposer de jeunes délinquants à l’école de la récidive qu’est parfois la prison, mais aussi pour les amener à gagner en maturité dans un environnement favorable qui peut préparer une insertion durable. Je crois dès lors qu’il est utile de rechercher les moyens d’élargir les possibilités de recourir au travail d’intérêt général. Ce n’est pas en prison que les détenus vont pouvoir faire l’apprentissage d’un métier ou rendre service à la collectivité.
Malheureusement, madame la garde des sceaux, malgré tous les efforts que vous faites et qui viennent compléter ceux de vos prédécesseurs, nous ne sommes pas, comme en Allemagne, dans une situation où nous pourrions proclamer que les efforts de préparation des détenus à la réinsertion professionnelle ont réellement donné tous les résultats qu’on était en droit d’espérer. Par conséquent, le travail d’intérêt général – oui, il faut le dire – reste une formule utile. Je crois qu’en interdisant au secteur de l’économie sociale et solidaire d’accueillir des condamnés à des peines de travail d’intérêt général, on se priverait d’une possibilité.
L’économie sociale et solidaire, c’est tout de même autre chose que les travaux forcés dans l’industrie capitaliste ! Pardon d’utiliser des termes caricaturaux, mais je le fais à dessein. Il y a au fondement même de ce secteur d’activité économique une démarche humaniste tout à fait respectable. Elle n’est, de fait, pas moins respectable que celle des collectivités publiques, qui ont aujourd’hui le monopole de l’accueil des condamnés à des travaux d’intérêt général.
Je ne vois donc pas pour quelle raison presque philosophique ou politique on devrait exclure l’économie sociale et solidaire de l’accueil des condamnés qui bénéficient de cette alternative à la peine de prison. Il me semble au contraire qu’il faudrait essayer de lever le goulet d’étranglement que nous avons constaté.
Je sais bien que, aujourd’hui, l’abandon par le Gouvernement de la plupart des contrats aidés fait qu’un certain nombre de communes pourraient être mieux disposées à l’égard des travaux d’intérêt général parce qu’elles se trouvent dans de grandes difficultés pour assurer certaines missions, faute de moyens et compte tenu de l’évolution de leurs ressources. Je ne suis toutefois pas sûr qu’un tel changement d’attitude suffise, parce que dans nos communes et, surtout, celles de petite taille ou de taille moyenne, l’encadrement fait défaut : il faut très souvent que le maire s’occupe lui-même de l’accueil du condamné à un travail d’intérêt général. C’est pourquoi je crois qu’il ne faut pas faire peser sur nos communes une charge excessive de collaboratrices du service public pénitentiaire.
En raison de tous ces éléments, en essayant de peser le pour et le contre, je me dis, mon cher collègue, que si vous vouliez bien retirer cet amendement – je crains, évidemment, que notre assemblée ne l’adopte –, vous offririez une chance supplémentaire d’insertion professionnelle et sociale à de jeunes délinquants pour lesquels le travail d’intérêt général est décidément la meilleure solution.