Intervention de François-Noël Buffet

Réunion du 23 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Explications de vote communes

Photo de François-Noël BuffetFrançois-Noël Buffet :

Un travail important et approfondi a été effectué au cours de l’année 2017, en particulier sous la direction de M. le président de la commission des lois. Il s’agissait d’élaborer une réforme nécessaire pour notre justice, dont on peut considérer qu’elle a été, sous toutes les majorités, le parent pauvre en matière de politiques publiques et de priorités budgétaires. On pouvait en tout cas relever une absence de cohérence générale dans les missions qui étaient les siennes.

Ce travail a conduit à la présentation d’un rapport d’information, puis à l’adoption en première lecture par notre assemblée, en octobre 2017, d’une proposition de loi et d’une proposition de loi organique qui contenaient des propositions importantes et exprimaient deux grandes ambitions.

Notre première ambition était de donner à notre justice les moyens budgétaires nécessaires pour qu’elle puisse rattraper le retard accumulé durant un quinquennat entier.

La seconde était de lui offrir la numérisation qu’elle attend et dont elle a tant besoin pour être, enfin, au niveau de ses missions. Nous ne voulions plus voir, dans les juridictions, des logiciels datant de 2008 ou de 2009 !

Une telle démarche était importante pour rappeler qu’en matière civile nous pouvions évoluer, parfois simplifier les choses et, en tout cas, rendre le système plus efficace.

Elle était importante, parce qu’en matière pénale, nous avions également relevé la nécessité absolue d’une corrélation essentielle entre le prononcé de la peine et son exécution.

Elle était importante, enfin, parce que, en matière pénitentiaire, nous avions bien sûr cherché à résoudre les difficultés rencontrées dans des maisons d’arrêt « surbookées », si vous me permettez cette expression. On pouvait relever des conditions d’incarcération tout à fait inadmissibles, un temps d’exécution de la peine totalement inadapté et, au bout du bout, un système complètement inefficace.

Tout cela figurait dans notre rapport de 2017.

Madame le ministre, vous avez souhaité élaborer votre texte et engager un débat dans le cadre d’ateliers. Nous pouvons pour partie saluer ce débat, car il a largement repris le constat qui avait déjà été fait par le Sénat, dans le cadre de notre commission des lois, en avril 2017. Ce débat nous a toutefois quelque peu déçus. En effet, nous avons estimé que les moyens budgétaires que vous aviez prévus étaient bien inférieurs à ceux que nous préconisions : vous prévoyiez, sur cinq ans, une augmentation de 23, 5 %, alors que nous entendions la fixer à 33, 8 %. Le Sénat, dans le cadre des débats qui s’achèvent aujourd’hui, est revenu aux critères d’augmentation que nous avions fixés dans notre rapport de 2017.

Nous avons également voulu, dans le cadre de ce texte, nous montrer plus protecteurs en matière civile. Nous n’avons pas voulu, à l’évidence, sortir le justiciable du tribunal : il faut qu’il puisse conserver l’accès à son juge. C’était naturel et essentiel. Nous avons souhaité maintenir cette possibilité réelle, sans pour autant renoncer aux innovations, mais bien au contraire en les accompagnant.

Je pense en particulier au renforcement de l’encadrement des services en ligne de résolution amiable des litiges, ou encore à la suppression de la représentation obligatoire devant le tribunal paritaire des baux ruraux, mais surtout à la suppression de certaines déjudiciarisations envisagées par le Gouvernement et aux restrictions apportées à d’autres.

Nous avons notamment, dans cette dernière veine, supprimé l’attribution exclusive aux notaires de la compétence de recueil du consentement du couple qui recourt à une assistance médicale à la procréation avec tiers donneur. Outre ce détail important, nous avons limité l’expérimentation permettant aux caisses d’allocations familiales de réviser les pensions alimentaires sans passage devant le juge aux seules hypothèses dans lesquelles les parties sont d’accord sur le nouveau montant de la pension.

Nous avons également conservé la phase de conciliation dans la procédure de divorce contentieux, limité les procédures sans audience ainsi que la dématérialisation des procédures, sans négliger l’accès au juge pour tous les justiciables. Enfin, nous avons bien sûr permis le contrôle effectif des comptes de gestion des personnes sous tutelle par le juge des tutelles.

Le texte issu de nos travaux est innovant, parce que nous avons voulu réformer l’aide juridictionnelle et son financement, qui est en souffrance. Il fallait bien trouver des solutions ; c’est pourquoi nous avons réinstauré le droit de timbre.

Nous avons évidemment voulu mieux garantir dans ce texte les libertés individuelles : c’est l’ADN du Sénat !

Si l’on donne toujours plus de pouvoir au procureur de la République, celui qui subit des poursuites doit inévitablement pouvoir exercer ses droits de défense. La balance n’est pas simplement le symbole de la justice ; il faut qu’elle soit équilibrée. Nous avons donc limité l’extension à de nouvelles infractions des techniques d’enquête intrusives pour la vie privée. Nous avons également prévu la présence de l’avocat lors des perquisitions, notamment en cas de flagrance.

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