Intervention de Catherine Di Folco

Réunion du 23 octobre 2018 à 14h30
Accueil des gens du voyage — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Catherine Di FolcoCatherine Di Folco :

Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, cette proposition de loi, adoptée en première lecture par le Sénat le 31 octobre 2017, est issue de la fusion d’une proposition de loi de notre ancien collègue Jean-Claude Carle et d’une autre déposée par notre collègue Loïc Hervé. Elle avait pour objet d’apporter des réponses concrètes aux difficultés récurrentes provoquées, sur de nombreuses parties du territoire français, par l’occupation illicite de terrains publics ou privés. Il est en effet de la responsabilité de la puissance publique de garantir l’ordre public et les libertés des autres citoyens, en aménageant un juste équilibre des droits et des devoirs de chacun et en faisant cesser les agissements d’une minorité de fauteurs de troubles.

L’Assemblée nationale a examiné le texte en juin et, malgré le rapport favorable fait au nom de la commission des lois par notre collègue députée Virginie Duby-Muller, que je remercie, nombre de dispositions pragmatiques et mesurées ont été purement et simplement supprimées, sans recherche de compromis. Ces dispositions utiles avaient plusieurs objets.

Il s’agissait, d’abord, de mieux circonscrire les obligations susceptibles d’être assignées aux communes et à leurs groupements en matière d’accueil des gens du voyage, en prévoyant que le schéma départemental élaboré à cet effet ne puisse imposer la réalisation d’aires ou de terrains d’accueil sur le territoire de communautés de communes ne comportant aucune commune de plus de 5 000 habitants.

Il s’agissait, ensuite, de ne pas imposer la construction de nouvelles aires d’accueil ou de nouveaux terrains familiaux si les aires et terrains existants n’atteignaient pas un taux d’occupation minimal fixé par décret, ce qui nous semblait être juste du bon sens.

Il s’agissait, encore, de comptabiliser en logements sociaux les emplacements en aire permanente d’accueil, à l’instar des terrains familiaux locatifs. Cela nous paraissait totalement justifié, compte tenu de la situation de précarité des personnes qui les occupent et des coûts importants d’aménagement et d’entretien incombant aux communes et à leurs groupements.

Il s’agissait, en outre, de supprimer la procédure de consignation de fonds à l’égard des communes et EPCI défaillants, inutilement attentatoire à leur libre administration. Plutôt que d’imposer pareille procédure aux élus, l’État, à mon sens, ferait mieux de prendre sa juste part à l’amélioration des conditions d’accueil des gens du voyage. Je rappelle que, depuis 2009, il ne finance plus la réalisation des aires d’accueil et terrains familiaux, sauf pour les communes nouvellement inscrites au schéma départemental. Le montant de ses subventions est passé de 46 millions d’euros en 2008 à 5, 3 millions d’euros en 2018.

Le texte prévoyait également de relever le montant de la taxe sur les résidences mobiles occupées à titre d’habitat principal, afin de fournir un surcroît de recettes aux communes et EPCI qui construisent ces aires et ces terrains d’accueil.

Il proposait de faciliter l’évacuation des campements illicites, en renforçant la procédure administrative. L’article 5 avait pour objet de limiter à quarante-huit heures le délai de recours contre la mise en demeure du préfet, de porter de sept à quinze jours la durée d’applicabilité de cette mise en demeure d’évacuer et de l’étendre à l’ensemble du territoire communal ou intercommunal, afin d’éviter la reconstruction immédiate de campements illicites à proximité.

Sur ce sujet, l’opposition sans nuance de la majorité gouvernementale est désolante. Les procédures actuelles ont montré leurs limites, au point que des heurts violents éclatent, chaque année, entre les habitants, les agriculteurs ou autres entrepreneurs et les occupants illicites. N’est-il pas de la responsabilité du législateur d’aménager des voies de droit pour éviter que la voie de fait ne prenne le dessus ?

Les mesures adoptées par le Sénat n’avaient rien d’excessif et auraient fourni des éléments de réponse aux attentes légitimes des élus et des citoyens.

Il était, par ailleurs, prévu de renforcer la répression pénale des installations en réunion et sans titre sur un terrain, ainsi que des destructions et dégradations commises aux mêmes occasions, tout en veillant à ce que les mesures soient adaptées et proportionnées, dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle. Ainsi, l’article 8 créait un délit d’occupation habituelle en réunion d’un terrain sans titre et l’article 9 instituait deux nouvelles peines complémentaires : l’interdiction de séjour et la confiscation des véhicules destinés à l’habitation.

Toutefois, plusieurs dispositions importantes et urgentes ont été maintenues, parmi lesquelles figure une clarification de la répartition des compétences entre les communes et leurs groupements à fiscalité propre, rendue nécessaire par les dernières réformes territoriales. Je citerai également l’obligation d’information préalable des autorités publiques lors des grands passages et grands rassemblements de gens du voyage, ainsi que la possibilité, pour un maire qui ne serait pas en mesure d’assurer l’ordre public par ses propres moyens lors de ces grands rassemblements, de demander au préfet de département de prendre les mesures nécessaires.

A été en outre maintenue une mesure très importante et attendue, vous l’avez rappelé, madame la ministre, à savoir l’extension au maire de toute commune dotée d’une aire ou de terrains d’accueil du pouvoir d’interdire le stationnement des résidences mobiles sur le reste du territoire communal. Il lui sera par conséquent possible de demander au préfet de mettre en œuvre la procédure d’évacuation d’office des campements illicites, même dans le cas où l’EPCI auquel la commune appartient n’a pas rempli l’ensemble de ses obligations. Cette mesure mettra fin à une interprétation aberrante de la loi et répondra à une attente ancienne des élus.

Autre mesure conservée : le doublement des peines encourues en cas d’installation en réunion et sans titre sur le terrain d’autrui, et l’application à ce délit de la procédure d’amende forfaitaire délictuelle, qui en facilitera la répression.

Cette proposition de loi du Sénat nous revient donc en deuxième lecture, c’est assez rare pour être relevé, et nous avons abordé cette nouvelle étape avec un esprit partagé. Si un grand nombre de dispositions adoptées par le Sénat ont été supprimées, un début de solution est tout de même apporté au problème de stationnement illicite des gens du voyage.

Nous ne sommes pas satisfaits ; il ne s’agit pas d’un compromis. Il faut aller plus loin pour répondre aux préoccupations légitimes des élus, sans doute à l’occasion d’un nouveau vecteur législatif. Pour l’heure, il me semble important de ne pas laisser passer l’opportunité de voir les mesures qui subsistent, toutes dues à l’initiative du Sénat, entrer en vigueur sans délai.

Le président de la commission des lois l’a souligné, le Sénat ne saurait s’enfermer dans une posture du « tout ou rien », qui n’est pas dans sa nature. La commission des lois a donc adopté sans modification la proposition de loi telle qu’elle nous est revenue de l’Assemblée nationale.

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