Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons de nouveau au sein de notre hémicycle de la proposition de loi relative à l’accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites, sensiblement modifiée par l’Assemblée nationale.
Lors de son examen en octobre 2017, j’avais d’emblée regretté, au nom de mon groupe politique, que nous ayons à examiner un ensemble de mesures remettant en cause le dispositif équilibré et concerté voté au sein de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté, dite loi LEC.
Rappelons que cette loi a permis d’adapter et d’améliorer la loi du 5 juillet 2000 relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage, dite loi Besson, en précisant les conditions d’élaboration des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage et en renforçant les dispositifs de mise en demeure et d’évacuation des campements sauvages. Elle a en outre facilité le recours à la procédure du référé, afin de mieux protéger les terrains, notamment les terrains agricoles, lorsque l’activité économique est entravée.
Dans le même temps, la LEC a abrogé des dispositions discriminantes, comme le livret de circulation et l’obligation qui était faite de le faire viser à intervalles réguliers par l’autorité administrative, ce dont je me félicite de nouveau. Elle a également réaffirmé le droit à la scolarisation des enfants du voyage et introduit une procédure de consignation de fonds à l’encontre des communes et EPCI ne remplissant pas les obligations du schéma départemental.
Je veux le souligner de nouveau ici : en matière d’accueil des gens du voyage, l’enjeu aurait d’abord été d’appliquer la LEC et l’ensemble de la législation existante au lieu de proposer, comme c’était le cas initialement dans cette proposition de loi, un nouvel arsenal de mesures répressives, et pour certaines inapplicables, au risque de nous placer dans une simple logique d’affichage.
Fort heureusement, le texte tel que nous l’examinons aujourd’hui se trouve désormais délesté de ses mesures les plus sujettes à caution, à la suite de son examen par l’Assemblée nationale en avril puis au mois de juin dernier.
Je me félicite, tout d’abord, que les mesures dérogatoires en matière d’obligations d’accueil que souhaitait instaurer la majorité sénatoriale aient été supprimées. Il en est ainsi du caractère facultatif de la création d’installations d’accueil pour une commune appartenant à une communauté de communes dont aucune d’entre elles ne dépasse 5 000 habitants. Autres dispositions supprimées : la comptabilisation des aires permanentes d’accueil des gens du voyage au sein des logements sociaux pour l’appréciation du respect de la loi SRU, ainsi que le rétablissement de la procédure de consignation de fonds introduite par la loi Égalité et citoyenneté à l’encontre des communes et EPCI ne remplissant pas les obligations du schéma départemental d’accueil des gens du voyage.
La navette parlementaire a également permis de supprimer un certain nombre de dispositions inutilement répressives à l’encontre des gens du voyage : l’augmentation de la taxe sur les résidences mobiles terrestres, ainsi que la création d’une vignette délivrée lors du paiement de la taxe avec obligation de l’apposer de manière visible sur le véhicule redevable ; l’instauration d’une peine complémentaire d’interdiction de séjour ajoutée à la peine principale qui serait prononcée au titre d’une occupation illégale de terrain ; la possibilité de saisir des véhicules destinés à l’habitation.
Dans le même temps ont été maintenues, au sein du texte, des mesures visant à répondre efficacement aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales.
Pour le stationnement d’un groupe de plus de cent cinquante résidences mobiles, les représentants des gens du voyage devront dorénavant obligatoirement informer au moins trois mois avant le préfet de région, le préfet de département et le président de conseil départemental concernés. Le préfet de département avertira ensuite les élus locaux. Si le maire n’est pas en mesure d’assurer l’ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques, il pourra demander au représentant de l’État dans le département de prendre les mesures nécessaires.
En outre, une commune qui respecte ses obligations en matière d’accueil pourra interdire le stationnement en dehors des aires aménagées, même si elle appartient à un EPCI ne respectant pas, sur son territoire, les obligations qui lui sont faites dans le cadre du schéma départemental.
Par ailleurs, les sanctions pénales en cas d’occupation en réunion sans titre d’un terrain sont renforcées, avec un doublement de la peine encourue, portée à douze mois d’emprisonnement et à 7 500 euros d’amende. Si cette dernière mesure nous laisse quelque peu dubitatifs, nous saluons en revanche l’instauration d’une amende forfaitaire délictuelle, d’un montant de 500 euros, qui stoppera l’action publique engagée tout en permettant la sanction immédiate de l’infraction commise.
Je me félicite également que les compétences entre les communes et les EPCI aient été clarifiées et l’intercommunalité réaffirmée comme l’échelon pertinent en matière d’accueil des gens du voyage.
La loi indiquera dorénavant que les communes sont tenues d’accueillir une installation, mais ce seront bien les EPCI qui devront assurer la création, l’aménagement, l’entretien et la gestion des aires et terrains prévus par le schéma départemental.
Au vu de l’ensemble de ces modifications, je considère, au nom de mon groupe, que cette proposition de loi ainsi rédigée correspond davantage à l’approche équilibrée en droits et en devoirs que nous appelions de nos vœux et que nous avions d’emblée cherché à établir en déposant un certain nombre d’amendements en première lecture.
En effet, nous sommes tout autant que vous, chers collègues de la majorité sénatoriale, conscients des difficultés auxquelles peuvent être confrontés les élus locaux en matière d’accueil des gens du voyage. Je tiens d’ailleurs de nouveau à leur rendre hommage dans cet hémicycle et à saluer leur action essentielle au service de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire.
L’action et l’engagement des élus locaux sont précieux et indispensables au bon fonctionnement de notre République décentralisée. Nous devons donc leur donner les moyens d’agir, en leur fournissant, dans le cas présent, les outils législatifs adéquats pour pouvoir non seulement accueillir toutes les populations dans de bonnes conditions, mais également remédier aux situations d’occupations illicites et réprimer l’ensemble des comportements contraires à la loi.
De même, nous savons qu’il est nécessaire que l’ensemble des collectivités se conforment à leurs obligations en matière d’accueil des gens du voyage.
Faut-il le rappeler, selon la Cour des comptes dans un rapport de janvier 2017, au 1er janvier 2014, 170 aires avaient été réalisées sur les 348 inscrites dans les schémas départementaux et, à ce jour, seuls dix-huit départements respectent leurs obligations d’accueil. Nous devons tout faire pour améliorer ces chiffres et cette réalité statistique, qui ne peut nous satisfaire et doit nous interpeller.
Pour les collectivités satisfaisant à ces obligations, il est essentiel que les terrains mis à disposition respectent les critères d’accueil élémentaire requis, tels que l’accès à l’électricité, à l’eau potable et à des conditions de vie décentes.
Comme je l’ai rappelé lors de l’examen de ce texte en commission des lois, la question de l’accueil des gens du voyage ne se réglera pas par la seule inflation des sanctions. Adoptons une approche plus équilibrée, en nous souciant, par exemple, de l’accueil des enfants des gens du voyage dans les écoles, ou en prenant en considération les effets positifs que de tels rassemblements peuvent apporter en termes de brassage social ou de gain d’activité économique sur le territoire, notamment autour des aires de grand passage.
Mes chers collègues, vous l’aurez compris, nous ne sommes ici ni dans l’angélisme ni dans le tout-répressif. Nous souhaitons avant tout défendre un principe simple : le respect des droits et des devoirs de chacun. Il s’agit, en somme, de faire confiance aux élus locaux, en leur donnant les moyens juridiques d’agir si nécessaire tout en défendant un accueil digne des gens du voyage, conforme à nos valeurs.
De manière pragmatique et au vu des améliorations notables apportées au cours de la navette parlementaire, notre groupe politique votera donc en faveur de cette proposition de loi.