Intervention de Sylviane Noël

Réunion du 23 octobre 2018 à 14h30
Accueil des gens du voyage — Adoption définitive en deuxième lecture d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Sylviane NoëlSylviane Noël :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en dépit de la généralisation d’aires d’accueil des gens du voyage dans les communes depuis de nombreuses années, les installations illicites demeurent un problème récurrent, à l’origine de lourds dommages aux propriétés publiques et privées, ainsi que de tensions parfois vives entre riverains et gens du voyage. « Tous ces efforts, tous ces investissements coûteux pour rien », nous disent nos collègues maires et élus. « À quoi bon, si la loi n’est pas respectée ? », ajoutent-ils.

Voilà tout juste un an, la proposition de loi de mon prédécesseur, Jean-Claude Carle, était adoptée à une très large majorité par le Sénat. Inscrit dans une niche parlementaire du groupe Les Républicains, ce texte répondait en effet aux attentes fortes des élus locaux, régulièrement démunis face à certaines occupations illicites.

Cette proposition de loi a malheureusement été vidée de sa substance en première lecture par le groupe majoritaire, La République En Marche, à l’Assemblée nationale. À l’issue de cette première lecture, il ne subsiste que quatre mesures, la principale étant le doublement des peines en cas d’occupation illicite d’un terrain et la création d’une amende forfaitaire délictuelle de 500 euros. La création de cette amende forfaitaire est, certes, une avancée positive que j’approuve, mais celle-ci me semble insuffisante à plusieurs titres.

Tout d’abord, l’amende forfaitaire ne s’appliquera que si la commune ou l’EPCI respecte les obligations lui incombant en vertu du schéma départemental. Or, comme vous le savez, les schémas départementaux seront en révision à partir de 2019, ce qui rendra de fait la mesure inopérante dès l’an prochain. Nous ne sommes pas là pour défendre les territoires qui n’ont rien fait, mais, dans de nombreux cas, les collectivités sont déclarées en non-conformité avec le schéma, parce qu’il ne leur manque que deux ou trois places. Pourtant, l’amende forfaitaire ne sera pas applicable dans ces cas.

Ensuite, il faut noter que cette amende ne s’appliquera pas aux caravanes.

Enfin, élément très important, l’amende ne sera pas répétitive, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation, dont la dernière décision date du 30 janvier 2018. Il en résultera que les campements illégaux ne pourront se voir infliger qu’une seule amende, ce qui entraînera un risque fort de sédentarisation et une multiplication des campements illégaux, sans oublier l’insolvabilité très couramment évoquée par ces communautés pour échapper à tout type de sanction financière.

Par ailleurs, l’amende forfaitaire ne résoudra pas tous les problèmes, notamment celui des « sauts de puce ».

Aussi, mes chers collègues, face à un problème aussi crucial, nous ne pouvons pas nous contenter de ces maigres avancées. Les élus que nous représentons attendent mieux que cela.

Cette deuxième lecture doit être l’occasion d’enrichir ce texte et de tenter d’obtenir des avancées supplémentaires pour doter les élus locaux d’outils efficaces. Nous avons la chance d’avoir entre les mains un texte spécifique, et nous savons tous que cette occasion ne se représentera probablement pas.

Nous avons obtenu des garanties très fortes de la part du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale pour que le texte soit inscrit rapidement en deuxième lecture, nous permettant ainsi d’organiser cette navette parlementaire et d’avoir un texte abouti pour la saison prochaine. Aussi ai-je décidé de déposer plusieurs amendements, cosignés par une cinquantaine de mes collègues, visant à rétablir les principales dispositions du texte initial. L’adoption de ces amendements permettra notamment de rétablir un dispositif pour éviter les « sauts de puce », d’autoriser la saisine des véhicules non affectés à l’usage d’habitation pour les transférer vers des aires d’accueil existantes du département, de comptabiliser les aires permanentes d’accueil des gens du voyage sédentaires dans l’évaluation de la proportion de logements sociaux comptabilisés en application de la loi SRU et, enfin, d’instaurer une période transitoire pendant laquelle ces dispositifs pourraient s’appliquer pour une commune ou un EPCI qui aurait cessé d’être en conformité avec le schéma départemental à la suite de la révision de celui-ci.

Ces agissements délictueux sont fort heureusement le fait d’une minorité, mais parce que ces agissements peuvent entraver l’activité économique, contraindre l’exploitation agricole, empêcher le bon fonctionnement des services publics, porter une atteinte grave au droit de propriété ou à la liberté de circulation, ils deviennent absolument intolérables pour tous : élus, citoyens, professionnels, agriculteurs, force de l’ordre. Comme le disait l’écrivain et conseiller d’État Eugène Marbeau : « La liberté, c’est le respect des droits de chacun ; l’ordre, c’est le respect des droits de tous. » Plus que le droit, nous avons aujourd’hui le devoir d’agir !

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