Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reprendrai pas les excellentes explications de M. Yves Fréville et, plutôt que de parler des chiffres, je formulerai un certain nombre d'observations et de questions.
À plusieurs reprises, ce projet de budget de la défense pour 2008 a été qualifié de « budget de transition ». Cette expression est-elle vraiment adaptée ? Sans entrer dans une querelle de mots, il est question de transition quand, d'une situation à une autre, s'amorce une évolution connue, que celle-ci aille dans le sens d'une amélioration ou d'une dégradation.
Nous savons tous à quel point la situation économique et financière de la France incite peu à l'optimisme. La perspective d'une amélioration importante de ce budget dans l'avenir est donc difficilement envisageable et sa diminution, plutôt redoutée.
C'est pourquoi, par souci de réalisme, je préfère l'expression de « budget d'attente » pour les crédits de la défense que nous examinons : attente du résultat de la mise à plat des programmes, attente du contenu du Livre blanc de la défense, attente des orientations du Président de la République, attentes de vos choix, monsieur le ministre, attente d'un débat espéré au Parlement.
Nous attendons surtout avec une certaine anxiété des décisions importantes, que celles-ci concernent les missions que la France estime indispensables et confie à ses armées, ou les moyens dont elle dispose et qu'elle peut affecter à cet usage.
En effet, face aux échéances financières qui sont les conséquences des décisions et engagements antérieurs, comme l'a souligné M. Fréville, face aux besoins présents et à venir pour répondre à la conjoncture internationale, chacun se demande comment nous parviendrons à boucler une loi de programmation militaire à la hauteur de nos ambitions internationales.
Cela étant, monsieur le ministre, votre budget est bon et répond quasi parfaitement aux besoins actuels. Mais, parce qu'il est le dernier de la loi de programmation militaire qui s'achève, il convient de nous attarder quelque peu sur le passé récent.
Saluons comme elles le méritent nos armées, qui ont réussi, presque à la perfection, une professionnalisation extrêmement difficile. Quel travail ! Quelle persévérance ! J'imagine les difficultés et les réactions tumultueuses que l'État rencontrerait avec certaines grandes administrations civiles s'il leur imposait de telles révolutions !
En outre, la loi de programmation militaire de 2003 à 2008 a été respectée de bout en bout. Une telle performance est d'autant plus méritoire qu'il a fallu corriger nombre de graves erreurs que la majorité de gauche avait accumulées entre 1997 et 2000.
Ces erreurs se sont traduites d'abord par un budget négligé, perpétuellement réduit à la condition de variable d'ajustement du budget général, ce qui a entraîné une dégradation profonde, faute des crédits nécessaires, de l'état de disponibilité du matériel et de son maintien en condition opérationnelle, ensuite par un affaiblissement du budget de fonctionnement, enfin par une sous-budgétisation massive, en loi de finances initiale, des crédits des OPEX.
Or ces opérations sont indispensables et réclament des crédits tout à fait prévisibles, du moins pour 90 % d'entre eux. Le financement incontournable en fin d'année de ces OPEX a conduit chaque fois à des annulations massives de crédits au titre 5, au report de ces dépenses et à la constitution de cette « bosse des reports », si difficile à résorber, qu'Yves Fréville a évoquée.
Au total, cela a provoqué des défaillances impardonnables pour le budget d'une armée professionnelle.
La correction de ces erreurs a donc été l'oeuvre de la législature 2002-2007. Nous la devons au travail acharné de Michèle Alliot-Marie, qui vous a précédé, monsieur le ministre, et au soutien du Président Jacques Chirac, qui a toujours considéré que la fonction de chef des armées avait une signification majeure. Ainsi, les crédits indispensables ont été rétablis année après année.
J'en viens à l'examen du budget de la défense pour 2008.
En matière d'effectifs, la défense a joué le jeu et a suivi la consigne de diminution des emplois publics. Aussi a-t-elle opéré en 2007 une réduction de ses effectifs, qui sont passés, en équivalent temps plein travaillé, de 329 907 à 320 612 emplois en équivalent temps plein travaillé. Cette baisse de 9 295 emplois est significative et représente 29 % des réductions d'effectifs du budget général, alors que les effectifs militaires ne comptent que pour 14, 5 % des emplois publics. C'est dire que l'effort a plus particulièrement porté sur le budget de la défense !
Toutefois, soyons réalistes : si 26 % de ces réductions résultent du plan d'économies de personnel, l'essentiel n'est-il pas dû à la suppression de postes budgétés non pourvus ?
Ce stock d'emplois non pourvus qui était reconduit d'année en année disparaît sans conséquences majeures, les états-majors s'accordant à reconnaître que cette diminution ne porte pas atteinte au potentiel militaire de la France.
J'ai néanmoins le sentiment que cette diminution d'effectifs, qui s'est en quelque sorte passée « sans douleur », ne pourra pas dans l'avenir être réitérée de la même manière sans conséquence sur le fonctionnement des armées et sur leur potentiel militaire. Monsieur le ministre, partagez-vous ce point de vue ?
Dans l'élaboration du futur projet de loi de programmation militaire, une attention toute particulière devra être portée au problème des effectifs.
Compte tenu de la spécificité des missions des armées, les effectifs de celles-ci ne sauraient être remis en question chaque année, au seul gré des évolutions de la politique en matière d'emplois publics.
Après tout, si la France peut supporter demain d'avoir moins de personnels dans les bureaux de certains ministères, elle risque en revanche d'avoir toujours besoin de militaires pour la défendre !
En ce qui concerne le budget de fonctionnement, j'aurais tendance à dire : « peut mieux faire ! » En effet, le souci d'économiser laisse de nombreux problèmes à régler. Ce budget intéresse pourtant des aspects importants de la vie quotidienne des unités, car il concerne les bases, les bâtiments de la marine nationale. Dans ce domaine, la marge de gestion des chefs de corps, des commandants d'unités et de bases est très faible.
C'est pourquoi je recommande particulièrement ces crédits à votre attention, monsieur le ministre. De votre point de vue, cette partie de votre budget est-elle suffisamment pourvue ? Estimez-vous que les premières et importantes externalisations qui ont été conduites l'ont été dans de bonnes conditions et qu'elles ont produit des économies significatives ? En ferez-vous d'autres?
Les crédits d'entretien et de maintien en condition opérationnel des matériels sont maintenant plus importants et leur reconstitution a permis un net redressement du maintien en condition opérationnelle. Cependant, ils ne suffisent pas encore à atteindre les montants souhaitables pour certaines catégories de matériels.
Dans ce domaine aussi, la loi de programmation militaire à venir devra être prévoyante, car il ne servirait à rien d'engager des crédits considérables d'acquisition de matériel neuf très sophistiqués, donc très coûteux à l'entretien, si les lignes budgétaires indispensables au maintien et à la maintenance n'existent pas.
Monsieur le ministre, permettez-moi de donner un coup de chapeau à l'activité du service militaire adapté, car il est bien organisé, sérieux, performant et éminemment utile aux jeunes gens des départements et collectivités d'outre-mer. Nos collègues ultramarins y sont très attachés, tout comme les rapporteurs de la mission « Défense ». Parallèlement, comment se développe le dispositif « Défense deuxième chance » ?
Le service de santé des armées mérite, lui aussi, un coup de chapeau. Grâce à des efforts acharnés, il parviendra bientôt au bout d'un processus de professionnalisation qui l'avait privé, du jour au lendemain, d'une très grande partie de ses personnels médicaux, paramédicaux et dentistes.
Je rappelle que l'action du service de santé des armées au profit des OPEX réclame les moyens d'un hôpital militaire entier, alors même que ce service ne gère au total que neuf hôpitaux d'instruction des armées.
Monsieur le ministre, au cours de la toute récente inauguration du magnifique hôpital d'instruction des armées Sainte-Anne 2000 à Toulon, vous avez clairement exprimé votre estime pour l'excellent travail accompli par le service de santé des armées au profit à la fois des militaires et d'une large partie de la population française, où qu'elle réside. Je n'ai donc nul besoin d'attirer votre attention à ce sujet et d'en appeler à votre bienveillance pour le service de santé des armées : elles semblent acquises. Ai-je raison de le penser ?
Je n'énumérerai pas cette année les très substantiels efforts budgétaires que vous avez consacrés au profit de la condition militaire. Je rappellerai à quel point ces efforts sont bien choisis et portent sur des aspects de la condition militaire tout à fait dignes d'intérêt. En effet, la vie d'une armée professionnelle et celle des familles des militaires réclament une attention particulière de la part de leur ministre et de la représentation nationale.
Ainsi, l'action sociale des armées est essentielle auprès de ces familles, particulièrement pendant les affectations aux OPEX.
Pour les carburants, cela fait longtemps que j'ai renoncé à comprendre comment les armées parvenaient à s'en sortir face aux augmentations du prix du pétrole. Bien sûr, les lois de finances rectificatives corrigent en fin d'année les déficits. Toutefois, je rappelle que l'exonération de la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour les carburants des armées vient à échéance à la fin de 2008.
En ce qui concerne les réserves, vos efforts sont dignes d'éloge et la montée en puissance de la réserve est très satisfaisante.
J'en viens maintenant au financement des OPEX.
Contrairement à la gestion de la gauche, la législature précédente a commencé à corriger la sous-budgétisation des crédits. En 2006, en 2007 - notamment en tenant compte de l'annonce d'un supplément de crédits en projet de loi de finances rectificative - et en 2008, la budgétisation est bien meilleure. Cependant, elle ne couvre pas encore les besoins et nous redoutons une fois encore cette année que vous ne soyez conduit à annuler des dépenses de matériels pour boucler leur budget de fonctionnement.
Monsieur le ministre, je l'ai signalé au début de mon intervention, ce budget est bon. Il contient les crédits suffisants pour que nos armées continuent à assurer dans de bonnes conditions des missions chaque jour plus difficiles.
La commission des finances du Sénat apprécie comme elles le méritent votre détermination, votre efficacité et toute votre action. Elle approuve votre budget et vous exprime son estime et ses encouragements.