Mes chers collègues, la commission des lois vous propose de rejeter une nouvelle fois la proposition de loi organique relative à la manipulation de l’information en raison du caractère dangereux pour les libertés publiques de la nouvelle procédure de référé anti-fake news, de son caractère inabouti et potentiellement inefficace contre les vraies menaces.
En juin 2018, monsieur le ministre, vous avez déclaré que si la question des fake news était un véritable enjeu démocratique – sur ce point, nous sommes tous d’accord –, ce n’était pas à travers cette loi que l’on réglerait tous les problèmes, tant s’en faut.
Monsieur le ministre, vous aviez raison : en effet, cette loi sera inefficiente contre les vraies manipulations de l’information, les tentatives clandestines qui altèrent la sincérité des scrutins. Sur ce point aussi, tout le monde est d’accord. Ce n’est pas à travers cette loi que le problème des fake news sera réglé.
En revanche, cette loi va créer de nouvelles menaces pour la liberté d’expression et pour la liberté d’informer, ce que nous ne pouvons accepter. Au regard des libertés en jeu, il aurait fallu privilégier l’éducation aux médias, l’appel à la vigilance de chacun face aux contenus diffusés sur internet, plutôt qu’une disposition législative « bricolée » sans grande assurance par l’Assemblée nationale et le Gouvernement, et susceptible de nuire à la diffusion de contenus légitimes.
La Commission européenne comme le Conseil de l’Europe invitent à une action politique concertée concernant les plateformes, notamment en ce qui concerne la régulation des publicités. Toutefois, ils mettent en garde contre les risques de censure illégitime des contenus.
Vous nous disiez tout à l’heure, monsieur le ministre, que ce n’est pas parce que personne n’a encore légiféré sur le sujet que nous ne devons pas le faire. Les Allemands l’ont fait, mais ils ont pris garde de ne pas toucher au domaine de la loi électorale. La liberté d’expression en matière électorale doit demeurer une garantie fondamentale. Or ce texte risque de la mettre en danger.
J’ai fait appel à saint Augustin, tout à l’heure. Je voudrais maintenant conclure avec les mots de quelqu’un qui est présent aujourd’hui et qui surveille nos débats, d’un air peut-être désespéré parfois. Je veux bien sûr parler de Portalis.