Intervention de Louis-Jean de Nicolay

Réunion du 8 novembre 2018 à 10h30
Agence nationale de la cohésion des territoires — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Photo de Louis-Jean de NicolayLouis-Jean de Nicolay, rapporteur de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet d’agence nationale de la cohésion des territoires prévu par la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui n’est pas nouveau : dès 2017, de nombreux élus, dont le président du Sénat, avaient demandé la création d’une telle agence.

Nous avions également évoqué cette idée avec le président Maurey dans notre rapport consacré à l’aménagement du territoire en mai 2017. Le Président de la République avait saisi la balle au bond – si je puis m’exprimer ainsi – et annoncé la création prochaine d’une telle structure, d’abord lors de la Conférence nationale des territoires, qui s’est tenue au Sénat le 17 juillet 2017, puis devant le Congrès des maires de France, le 24 novembre 2017.

L’annonce a ensuite été confirmée à plusieurs reprises par le Gouvernement, que ce soit par la voix de Jacques Mézard, de Julien Denormandie ou par vous-même, madame la ministre.

Alors que nous nous apprêtons à examiner le contenu de la proposition de loi, je souhaite vous faire part de trois remarques liminaires.

Ma première remarque porte sur la méthode, que je regrette. Les atermoiements du Gouvernement ont conduit légitimement certains de mes collègues à anticiper sur les projets gouvernementaux. Je pense, par exemple, à la proposition de loi déposée en octobre 2017 à l’Assemblée nationale par notre collègue Philippe Vigier et, bien sûr, à la proposition de nos collègues Philippe Bas, Bruno Retailleau et Mathieu Darnaud, adoptée par le Sénat le 13 juin dernier.

Plus récemment, il y a eu une tentative du Gouvernement de se voir habiliter à légiférer par ordonnance pour créer l’agence, à l’occasion de l’examen du projet de loi ÉLAN en séance au Sénat. Cette initiative intervenait alors même que le préfet Serge Morvan, ancien directeur général des collectivités locales au ministère de l’intérieur et cinquième commissaire général à l’égalité des territoires en quatre ans, avait été chargé quelques semaines plus tôt par le Premier ministre de préfigurer la création de cette agence.

Au-delà de l’absence d’étude d’impact, puisque nous examinons aujourd’hui une proposition de loi, la concertation aurait dû être plus importante. J’ai eu à peine quatre semaines pour travailler sur ce texte, consulter une douzaine d’organismes et préparer les vingt-trois amendements que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adoptés lors de sa réunion du mercredi 31 octobre dernier.

Dans ce contexte, il est heureux que le président du Sénat ait recouru à la faculté que lui offre le dernier alinéa de l’article 39 de la Constitution de saisir le Conseil d’État, afin que ce dernier rende un avis sur les dispositions de la présente proposition de loi. Cet avis a utilement éclairé mes travaux.

En outre, les échanges que j’ai eus avec Alain Lambert, président du Conseil national d’évaluation des normes, ont révélé l’impréparation du Gouvernement quant à la simplification des procédures imposées aux collectivités.

Deuxième remarque, si l’expérience de l’agence nationale de la cohésion des territoires s’avère concluante in fine, cette structure pourrait permettre une véritable rationalisation des actions de l’État dans les territoires avec, à la clé, évidemment, nous l’espérons, une économie pour les finances publiques. Mais l’ambition du texte qui nous est soumis et celle du Gouvernement semblent en deçà des attentes de nos concitoyens et des élus locaux.

Les fractures françaises sont nombreuses et bien connues : dans l’accès au numérique, dans l’accès aux soins, avec la problématique des déserts médicaux, dans l’accès aux services publics et dans le domaine de la mobilité, mot cher à notre collègue Mathieu Darnaud. Autant de freins à la cohésion et à l’ascension sociales !

Je me réjouis, à cet égard, de l’examen prochain du projet de loi d’orientation des mobilités par notre assemblée, car les mobilités sont autant de leviers pour soutenir les territoires les plus fragiles. Je ferme cette parenthèse en regrettant que le Gouvernement n’ait pas décidé, en amont, d’adopter une approche décloisonnée concernant les missions de l’agence, concept dont nous entendons souvent parler ces derniers temps, mais qui peine à se matérialiser.

J’en viens à ma troisième remarque. L’État doit prendre ses responsabilités sur un certain nombre de volets. Je pense, en particulier, à la question des ressources dont bénéficiera l’agence, au sujet de laquelle la frilosité du Gouvernement conduit à s’interroger, mais aussi à la question de l’association des élus locaux et nationaux à sa gouvernance. En clair, les territoires doivent être considérés par l’État comme des partenaires égaux.

À ce titre, j’attire l’attention du Gouvernement sur le fait que le financement de l’agence ne devrait en aucun cas venir en soustraction des moyens actuellement accordés aux collectivités territoriales.

Sur ce point, madame la ministre, comme le président Hervé Maurey l’a souligné, votre audition ne nous a pas rassurés. La possibilité de voir les crédits de la dotation d’équipement des territoires ruraux, la DETR, traités comme des ressources sur lesquelles l’agence pourrait exercer un droit de tirage nous inquiète au plus haut point.

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