Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du 8 novembre 2018 à 10h30
Agence nationale de la cohésion des territoires — Discussion en procédure accélérée d'une proposition de loi et d'une proposition de loi organique dans les textes de la commission

Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, monsieur le rapporteur, monsieur l’auteur de la proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, trois semaines après ma prise de fonctions au ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, je suis particulièrement heureuse d’être présente devant la Haute Assemblée pour examiner la proposition de loi portant création d’une agence nationale de la cohésion des territoires, déposée par le groupe du RDSE. Je tiens dès à présent à saluer le président de ce groupe, le sénateur Jean-Claude Requier, pour cette initiative naturellement bienvenue.

Comme vous le savez, ce texte a, par la suite, été utilement complété, sur son initiative et sur celle du président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, M. Hervé Maurey, par une proposition de loi organique disposant que le directeur général de l’ANCT est nommé par décret après avis des commissions parlementaires compétentes, ce à quoi le Gouvernement ne peut être que favorable.

La proposition de loi portant création de l’ANCT est un texte essentiel pour les territoires, leurs élus et, bien sûr, pour l’État. C’est la raison pour laquelle j’ai évidemment souhaité répondre, la semaine dernière, à l’invitation de la commission et je me réjouis d’être présente parmi vous aujourd’hui. Je tiens toutefois à vous préciser dès à présent que je devrai m’absenter durant une heure en fin de matinée, en raison d’une obligation. Sébastien Lecornu me remplacera pendant ce court intervalle et je serai naturellement de retour à la reprise des travaux cet après-midi.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai eu l’occasion d’expliquer en commission, la semaine dernière, et je tiens à le rappeler devant vous aujourd'hui, que la création d’une agence nationale de la cohésion des territoires, annoncée par le Président de la République en juillet 2017, constitue une réponse à une demande formulée par les représentants d’élus, en particulier par François Baroin, président de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité, l’AMF, qui souhaitaient une simplification dans le paysage des opérateurs de l’État intervenant au profit des territoires.

Des initiatives législatives, d’origine parlementaire – souvent sénatoriale, d'ailleurs – et gouvernementale – M. le rapporteur les a rappelés –, ont démontré la volonté, partagée par les parlementaires de toutes les sensibilités, de concrétiser cette annonce.

À cet égard, la présente proposition de loi constitue un nouveau vecteur. Le Gouvernement lui apporte son entier soutien.

Des améliorations ont d’ores et déjà été apportées, tout en préservant les équilibres fondamentaux du texte, que vous avez notamment enrichi à la lumière de l’avis du Conseil d’État, sollicité fort opportunément par le président Gérard Larcher.

Toutefois, je suis consciente que la création de l’ANCT peut encore susciter un certain nombre d’interrogations – les interventions s’en sont fait l’écho – et parfois même des craintes ou des erreurs de compréhension.

C’est pourquoi je tiens dès à présent à dissiper certains malentendus et à vous apporter des précisions sur la méthode, car la création de cette agence traduit avant tout un profond changement de méthodologie de l’État au profit des territoires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que, pendant très longtemps, le Gouvernement lançait des appels à projets, auxquels les territoires répondaient. Bien évidemment, je n’ai pas besoin de vous rappeler que, de manière générale, c’étaient toujours les mêmes territoires qui répondaient à ces appels, à savoir ceux qui disposaient de moyens techniques et financiers.

Aujourd’hui, nous voulons changer de méthode. Nous voulons créer une agence nationale de la cohésion des territoires pour répondre aux besoins des territoires et accompagner ceux-ci dans leurs projets, qu’il s’agisse de la redynamisation d’un centre-ville, de rénovation urbaine, ou encore de couverture mobile et numérique. On le sait, un certain nombre de collectivités ou de territoires ne disposent pas, en interne, des capacités techniques et financières pour monter et réaliser leurs projets.

Autre problème, lorsque les collectivités et parfois même les préfets sollicitent l’appui des services et opérateurs de l’État, que vous connaissez tous – l’Agence nationale pour la rénovation urbaine, l’ANRU ; l’Agence nationale de l’habitat, l’ANAH ; l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l’EPARECA ; l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME ; l’Agence du numérique ; le Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET… –, ils sont confrontés à un certain maquis administratif, qui les contraint à « faire la tournée » de ces opérateurs, qui, nous le savons, interviennent aujourd’hui de manière insuffisamment coordonnée, selon une approche individuelle et insuffisamment adaptée à chaque territoire. De fait, les élus nous font savoir qu’ils perdent beaucoup de temps et dépensent beaucoup d’énergie, parfois inutilement, quand une meilleure lisibilité et une réelle coordination – je vais revenir sur cette dernière – permettraient d’avancer plus sereinement et plus rapidement pour concrétiser les projets portés par les territoires.

C’est pourquoi nous avons besoin aujourd’hui, et ce sont les élus de terrain qui le disent, d’un outil de coordination des opérateurs de l’État qui soit, en réalité, un guichet unique – l’expression a été utilisée par M. le rapporteur – vers lequel les élus puissent se tourner pour réaliser leurs projets.

L’agence nationale de la cohésion des territoires aura donc pour mission de coordonner les divers opérateurs existants, qu’il s’agisse, d'ailleurs, des opérateurs de l’État, de ceux des collectivités territoriales, ou encore des opérateurs privés. Il faut bien sûr aussi, pour cela, que l’État lui-même fonctionne comme un opérateur.

L’un d’entre vous a déclaré ce matin que l’État voulait être un « assemblier ». Le terme me paraît exact.

Je tiens à apporter une précision : au plan local, c’est le préfet qui sera le délégué territorial de l’agence. Il s’agit là d’un point essentiel, sur lequel je souhaite m’arrêter quelques instants.

Concrètement, cela signifie qu’un élu portant un projet se tournera vers le préfet, lequel mobilisera les services de l’État au service de ce projet. Il n'y aura donc pas, dans les territoires, de nouvelles officines, d’antennes déconcentrées ou que sais-je encore, contrairement à ce que j’ai pu entendre. Il n'y aura pas de bâtiment portant l’enseigne de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Le préfet sera le représentant unique de l’agence pour les élus locaux porteurs de projets et aura pour mission de fédérer les actions de l’État autour de ces projets.

Cela me semble assez simple et me permet de faire le lien avec une autre question récurrente : qui sont ces élus locaux porteurs de projets au profit desquels l’agence interviendra ? Tout simplement ceux qui le voudront.

Pour répondre à une autre question qui m’a été posée en commission la semaine dernière, je précise qu’il n’y a aucune obligation de demander l’appui de l’agence nationale de la cohésion des territoires. Pour les collectivités territoriales pouvant mobiliser une agence privée ou une agence créée par leur département à même de mettre à leur disposition l’ingénierie nécessaire, les opérateurs dépendant de l’État ne seront tout simplement pas mobilisés – ou le seront moins.

L’ANCT s’adresse à tous, aux communes, aux intercommunalités, aux départements, aux régions et même à des territoires s’étendant sur des collectivités différentes – on peut penser à plusieurs communes, à plusieurs intercommunalités, ou encore aux pôles d'équilibre territoriaux et ruraux, les PETR. Quoi qu’il en soit, ce sont les élus qui décideront de demander ou non l’appui de l’ANCT.

J’y insiste, nous souhaitons bien évidemment que l’ANCT puisse intervenir auprès aussi bien des collectivités locales que de structures territoriales comme les PETR ou les pays.

Cependant, si toutes les collectivités et tous les élus peuvent solliciter l’ANCT, il est évident que celle-ci, comme l’a déclaré Jean-Claude Requier, déploiera son action prioritairement dans les territoires les plus fragiles, parce que c’est naturellement là qu’on a le plus besoin de son apport, là que les moyens manquent le plus pour réaliser des projets – urbains ou ruraux –, là que les besoins en matière d’ingénierie ou de copilotage de projets sont les plus forts. Il s’agit de faire en sorte que l’agence puisse apporter une aide sur mesure.

D'ailleurs, cette politique différenciée, qui tient compte des spécificités de chaque territoire pour assurer son développement, sera au cœur de l’action que je mènerai à la tête de mon ministère. En la matière, nous savons tous ici que tous les territoires ne sont pas égaux sur le plan des ressources, et je ne parle pas uniquement d’argent ! Ce n’est pas au Sénat que l’on me dira le contraire.

Alors, oui, je veux que l’État soit en priorité aux côtés des territoires les plus fragiles, pour résorber les fractures territoriales de notre pays.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous vous interrogez également sur la nature de cette aide sur mesure qui sera apportée par l’ANCT. Je tiens là aussi à éclairer un certain nombre de points.

L’ANCT pourra à la fois apporter un appui technique, au travers de l’ingénierie, et, naturellement, mobiliser les financements.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion