rapporteur pour avis des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». - Ces 23 milliards d'euros ne sont pas des aides, mais des compensations accordées au fil des baisses de prix intervenues depuis la création de la PAC. Nos grands-parents consacraient 50 % de leur pouvoir d'achat à l'alimentation, aujourd'hui, c'est entre 8 et 12 %. Car les produits agricoles et alimentaires sont demeurés au même prix. Je produis du lait depuis vingt-cinq ans : je le vendais 2 francs au litre, je le vends 30 centimes d'euro aujourd'hui, soit le même prix. Donnez plutôt aux agriculteurs les moyens de vendre à leur juste valeur leurs produits, afin qu'ils disposent de recettes dignes pour assumer leurs charges.
L'année 2019 aurait dû être une année charnière, où une plus grande vigilance s'imposait. Or l'agriculture risque d'être encore plus maltraitée que dans le passé. Incertitudes climatiques, volatilité des prix, relations commerciales soumises aux rapports de force, concurrence exacerbée entre continents, produits agricoles servant de variable d'ajustement dans les accords internationaux - vous avez suivi le débat sur le CETA hier soir en séance publique...
À cela s'ajoutent la permanente autocritique - art où nous excellons - et les contraintes toujours plus fortes que nous imposons à nos agriculteurs. Voyez la loi Egalim : plus de normes, plus de réglementation... Nous reléguons les agriculteurs au rencart ; l'écologie punitive les monte les uns contre les autres. Je déplore l'incapacité des gouvernements successifs, le vôtre en particulier, à régler un problème français : les relations inégales entre quatre centrales d'achat et 12 000 fournisseurs. Combien de temps laissera-t-on un E. Leclerc faire la pluie et le beau temps sur les prix agricoles ? Tant que l'on ne mettra pas un terme aux négociations mafieuses, je pèse mes mots, qui dominent ces relations commerciales, les aides publiques quel que soit leur montant seront confisquées par la grande distribution.
En outre, pour la première fois depuis la création de la PAC, l'objectif est de réduire les crédits, non de 5 % mais de 15 % en euros constants sur le premier pilier et sur le deuxième... Avec pour résultat une réduction du revenu des agriculteurs, exclusivement issu de ces aides - ce qui est une aberration. Ce n'est pas de votre responsabilité, monsieur le ministre. En revanche, vous avez dit vouloir redonner fierté et confiance aux agriculteurs. Eh bien, vous avez un rendez-vous : la renationalisation des aides agricoles. Si elle s'accompagne d'un diktat de l'écologie punitive, d'un renforcement des normes, nous aurons tout perdu. Les concurrents ne sont pas soumis aux mêmes exigences ! La pomme polonaise se vend à 99 centimes le kilo, contre 2,50 euros pour la pomme française : c'est une concurrence déloyale.
Sur la réserve, je m'inscris en faux contre vos propos. Ne parlons plus de réserve, car dans ce budget, il n'est plus question de « réserve » ! M. Travert la présentait pourtant comme la solution à tous les maux climatiques, économiques, sanitaires... J'en ai pour preuve ce document budgétaire que vous connaissez bien ainsi que vos services. Cela me permet de vous féliciter Monsieur le ministre. Le ministre des finances est venu nous parler des TO-DE ; il était entouré, non pas de cinq fonctionnaires comme vous, mais de vingt ! Je remarque en tout cas que ce document budgétaire ne mentionne plus une « réserve pour aléas » mais un « apurement communautaire ». Voilà à quoi va servir ce que vous appelez réserve. C'est effectivement aux apurements qu'ont servi 180 millions d'euros de cette ligne budgétaire. Plus modestement, le reste a couvert les conséquences d'un procès que l'État a perdu. La réserve aurait dû être le fruit d'une réflexion, elle aurait pu apporter une vision aux agriculteurs, et des solutions. Dommage...