Intervention de Charles Guené

Réunion du 21 novembre 2018 à 14h30
La ruralité une chance pour la france — Débat organisé à la demande du groupe du rdse

Photo de Charles GuenéCharles Guené :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le concept de ruralité a toujours fait les délices des géographes et des parlementaires. Songeons à la diagonale du vide, ce vide dont Aristote disait que la nature a horreur, comme une sorte de French bashing avant l’heure, si vous me permettez cet anglicisme…

La ruralité est devenue le creuset d’idéologies qui inquiètent, à la suite de son abandon par les politiques publiques. Et vous me demandez d’en parler comme d’une chance ? Vaste programme, au surplus dans un temps si bref que j’en frémis.

Aujourd’hui, beaucoup définissent la ruralité par la négative, comme ce qui n’est pas la ville. Les travaux qu’elle inspire reposent sur une définition victimaire : la ruralité qui s’est conceptualisée est celle qui subit. Il est certain que la souffrance de nos campagnes est réelle, mais ce discours est-il une base saine pour défendre un projet de développement positif pour une ruralité du XXIe siècle ?

Alors que la ville a assis son rôle culturel, politique et économique, notamment dans son affirmation continuelle vers la métropole, la ruralité se cherche toujours un avenir dans notre époque. En d’autres termes, l’urbanité est un fait, quand la ruralité est un souhait.

Il faut donc lui construire une vision et un projet pour qu’elle constitue une alternative. Elle doit cesser d’être une victime, bien sûr, mais aussi une utopie ou un objet désirable, pour devenir conquérante et se développer pour et par elle-même.

Elle ne possède pas les mêmes atouts que la métropole, mais elle a les siens. Elle doit donc se donner la juste ambition de cesser d’être définie comme un legs du passé qui se contente de s’incarner dans le présent, pour devenir un projet d’avenir inscrit dans la modernité.

Pourquoi miser sur ces territoires perdus et vouloir y vivre, malgré des dynamiques de développement plus faibles ? Parce que nos territoires sont davantage que des subjectiles dans le contexte de la rareté et de la préservation de notre environnement : ils sont un enjeu vital dans la guerre des ressources qui commence et doivent être vus, eux qui ont jadis bénéficié d’investissements lourds, mais parfois dépassés, comme les vecteurs du développement sur le temps long, en ces temps d’immédiateté.

À cet égard, la ruralité du XXIe siècle sera interconnectée ou ne sera pas. Le web 2.0, voire le 4.0, a révolutionné la géographie et les distances.

S’il n’y a plus de terra incognita ni d’Amérique à découvrir, les grands moments de développement se font ailleurs, et l’avenir des pionniers se situera toujours dans les marges abandonnées ou inexploitées.

Le préalable incontournable est de renverser le paradigme de la fiscalité locale, conceptualisée voilà plus d’un demi-siècle et fondée sur la territorialisation de la ressource et une affectation de celle-ci guidée par le nombre d’habitants. Cette approche, n’ayant plus aucune réalité contemporaine, constitue une véritable spirale du déclin, qui a vocation à fermer le spectre des dynamiques dans un conformisme réducteur et qui conduira à la sclérose de notre pays, si nous persistons.

Mes chers collègues, la loi de finances exceptionnelle prévue au printemps prochain sera pour nous l’occasion de renouveler notre force créatrice et de saisir la chance offerte à cet égard, pour peu que nous sortions de nos sempiternels lieux communs et de l’écosystème fiscal actuel, en osant appréhender les charges réelles et en refondant une nouvelle gouvernance systémique. Je vous y donne rendez-vous !

Si la cité semble avoir fondu son destin dans celui de la ville, nous proposons d’imaginer la cité rurale : elle n’est pas un destin, une voie tracée, mais un projet, un défi collectif de reconstruction des espaces et des usages, auquel il nous faudra retravailler.

Ne nous trompons pas, la ruralité n’est ni vraiment une chance ni un boulet : elle est l’avenir de notre pays, pour peu que nous souhaitions conserver ses valeurs, qui nous ont portés du premier sacre de Reims jusqu’à Charles de Gaulle, en passant par les Lumières et la Commune, des valeurs qu’une insidieuse société de consommation voudrait déconstruire.

C’est la tâche que nous nous sommes fixée, à quelques-uns, en brûlant les images d’Épinal pour libérer la ruralité et élaborer ensuite des outils dans une architecture nouvelle permettant aux acteurs de se prendre en main.

En dépassant la simple réflexion, autour d’un jeune homme plein de talent, nous avons décliné un mode d’action en soixante-trois préconisations pour la cité rurale. Elles ont vocation à ouvrir le champ des possibles. Je les tiens à votre disposition.

Notre cité rurale, plutôt qu’une réponse définitive, vous propose un mode de réponse, en accord avec l’invite de Gérard Larcher : « La nation française constitue un héritage à partager, qu’il nous appartient de faire vivre et de transmettre. » La cité rurale est de ces espaces qui engagent à ce partage.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons miser sur cette touche française qu’on nous envie, en prenant la ruralité comme un atout, une potentialité, et en y investissant, plutôt que d’y acheter temporairement une paix sociétale. Faire le contraire serait renoncer à rester nous-mêmes et à notre ressource du troisième millénaire !

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