Intervention de Vincent Segouin

Réunion du 21 novembre 2018 à 14h30
Élection des sénateurs — Rejet d'une proposition de loi organique

Photo de Vincent SegouinVincent Segouin :

Certes, certains sénateurs n’ont pas exercé de mandats locaux, mais ils sont rares. Ces mêmes sénateurs peuvent exercer leur mandat en excellant dans des sujets autres de sociétés. Mais si tous les sénateurs sont dans le même cas, alors les collectivités territoriales perdront leur confiance dans le Sénat, considérant que ce dernier est loin de leurs préoccupations comme la revitalisation de l’échelon communal, la GEMAPI ou les conséquences de la suppression de la taxe d’habitation.

Il est donc indispensable de maintenir l’âge d’éligibilité de vingt-quatre ans pour s’assurer que les sénateurs seront choisis par les grands électeurs, parce qu’ils ont accompli un mandat local et parce qu’ils ont l’expérience suffisante et nécessaire pour garder le statut de représentant des collectivités. Les débats de 2011 démontrent d’ailleurs que l’âge de vingt-quatre ans a été défini en additionnant l’âge de la citoyenneté et la durée d’un mandat local complet.

Faut-il diminuer l’âge d’éligibilité à dix-huit ans pour rajeunir l’âge moyen des sénateurs ?

Depuis le début de la Ve République, l’âge moyen des députés oscillait entre cinquante et cinquante-six ans et celui des sénateurs entre cinquante-cinq et soixante et un ans. En 2011, la diminution de l’âge de l’éligibilité des sénateurs de trente à vingt-quatre ans et de celui des députés de vingt-trois à dix-huit ans n’a pas eu d’effet. Les âges moyens entre les deux assemblées étaient assez proches.

Je parle à l’imparfait, car il y a eu les dernières élections législatives ! L’écart s’est creusé, puisque la moyenne d’âge des députés est passée à quarante-neuf ans et celle des sénateurs est restée à soixante et un ans. Toutefois, cette diminution est due à une entrée massive de députés âgés de trente à cinquante ans, mais n’est nullement liée à la diminution d’éligibilité de 2011 puisque, sur les vingt-sept députés élus de moins de trente ans, aucun n’avait moins de vingt-trois ans.

Notre collègue André Gattolin reconnaît d’ailleurs qu’il est peu vraisemblable que des sénateurs âgés de dix-huit à vingt-quatre ans soient élus, sauf sur des scrutins de liste. Leur nombre étant limité, cela n’influencera pas la moyenne d’âge.

On s’est alors interrogé sur le but recherché au travers du rajeunissement de la Haute Assemblée. Serait-ce utile pour aborder des sujets concernant la jeunesse dont on ne traiterait pas aujourd’hui ? Les décisions sont-elles adaptées à toutes les générations ?

Pour répondre à ces questions, nous avons auditionné nos plus jeunes députés sur leur fonction et la représentativité de leur génération. Ils nous ont démontré qu’ils n’étaient nullement spécialisés dans ces sujets et que leurs opinions ne différaient pas, ou peu, de celles de leurs collègues sur l’ensemble des textes.

La jeunesse était un sujet abordé, suivi et pris en considération par des élus qui étaient en contact avec ces générations et qui avaient de l’intérêt pour ces questions. À titre d’exemple, le Sénat est intervenu sur l’obligation de transparence des algorithmes utilisés dans Parcoursup pour classer les étudiants…

Enfin, sommes-nous différents des autres pays ? Non ! Seules l’Allemagne et l’Espagne ont fait le choix d’avoir des âges identiques dans les deux chambres. Mais il est difficile de se comparer à l’Allemagne, puisque les membres du Bundesrat sont désignés par le gouvernement de leur Land.

Il est clair que tous les autres pays ont fait le choix de maintenir la différence des âges, notamment les États-Unis, l’Italie et le Royaume-Uni.

Peut-on aborder cette proposition de loi organique sans prendre en considération les projets du Gouvernement concernant la réforme de nos institutions ?

Ces projets pourraient d’ailleurs remettre en question les spécificités du Sénat, en multipliant par quatre le nombre de départements ne comptant qu’un seul sénateur et en supprimant, pour les prochaines élections sénatoriales, le principe du renouvellement partiel au bénéfice d’un renouvellement intégral du Sénat en 2021.

Comme l’a déclaré notre collègue Jérôme Bignon lorsqu’il était député en 2003 : « La différence d’âge [entre les deux chambres] est une richesse. N’uniformisons pas les mandats, les modes d’élection et les périodes de renouvellement, car nous risquerions de sombrer dans un bicamérisme affadi. »

En conclusion, j’émets un avis défavorable sur la proposition de loi organique qui tend à réduire l’âge d’éligibilité des sénateurs de vingt-quatre à dix-huit ans. En effet, il me semble préférable de maintenir une différence d’âge entre les deux assemblées, avec un mode d’élection différent, pour que la chambre haute fasse toujours preuve de sagesse pour relire, instruire, négocier et débattre des propositions de lois votées en première lecture.

Par ailleurs, le Sénat est le représentant des collectivités. Les sénateurs perdront toute crédibilité s’ils n’ont pas exercé de mandat dans ces collectivités et s’ils n’ont pas l’expérience nécessaire. Il peut y avoir une proportion de sénateurs sans mandat qui exercent brillamment, mais celle-ci doit être limitée.

Enfin, nous sommes unanimes pour dire que la révision de la condition d’âge à dix-huit ans n’aura pas d’effets réels sur la moyenne d’âge et que les sujets relatifs à la jeunesse ne seront pas mieux traités.

Plus globalement, nous ne pouvons pas faire abstraction du débat en cours sur la réforme des institutions. L’âge est un élément essentiel, qui doit être abordé avec l’ensemble des réformes.

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