Intervention de Françoise Cartron

Réunion du 21 novembre 2018 à 22h10
Risques liés à l'emploi de pneumatiques usagés dans les terrains de sport — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Françoise CartronFrançoise Cartron :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le 18 septembre 2018, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES, publiait une note d’appui scientifique et technique relative aux risques – éventuels – liés à l’emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques et d’usages similaires. Ce document est venu établir un point d’étape attendu sur un sujet d’inquiétude. Mais quelle est cette problématique et quelle est sa genèse ?

En tant que maire, j’ai parfois été interpellée sur le type de blessures, et leur fréquence, occasionnées sur les terrains synthétiques. Pendant des années, il était donc plutôt question du type de revêtement et de ses conséquences physiologiques pour les sportifs.

Il y a un an – aujourd’hui, presque jour pour jour –, une enquête publiée dans le mensuel So Foot est venue mettre en avant la dangerosité potentielle des granules de caoutchouc utilisés. Ces petites billes, que l’on trouve sur un grand nombre de terrains en France, permettent non seulement d’en augmenter la durée de vie, mais aussi de rendre possible une activité continue – 365 jours sur 365 –, contrairement aux terrains dits « naturels ». Il existe donc une demande forte, nous le savons toutes et tous ici, quant à la mise en œuvre de ces structures en France, comme dans bien d’autres pays.

Par une question écrite publiée au Journal officiel le 16 novembre 2017, j’ai souhaité interroger Mme la ministre des sports sur l’existence de risques potentiels pour la santé justement liés aux types de matériaux utilisés dans la fabrication de terrains synthétiques. Un certain nombre de parlementaires, de tout bord politique, a fait de même, ce qui témoigne du fait que beaucoup d’incertitudes n’avaient pas été levées.

À cet égard, une réponse gouvernementale à une question écrite de Mme Pascale Boistard, posée en 2013, soulignait déjà des besoins de précision. A-t-on progressé depuis ? Non, hélas ! Les questions restent toujours les mêmes.

Nous demandons simplement que le Parlement, et le Sénat en particulier, en tant que maison des collectivités, soit associé aux différentes études qui s’apprêtent à être menées, et qui ne l’avaient pas été jusqu’alors, ou pas suffisamment.

Parce que les élus sont directement concernés, j’ai été destinataire de très nombreuses demandes d’information ces derniers mois, de toutes parts : sportifs, parents, associations… Cette démarche législative – c’est l’esprit de ce texte – se veut donc collective et constructive.

En réponse à ma question, Mme la ministre des sports indiquait, en mars dernier, avoir pris en compte, d’une part, les préoccupations des pratiquants et des communes, principales propriétaires de terrains de grands jeux en France, et, d’autre part, les incertitudes relevées dans le rapport de l’Agence européenne des produits chimiques. C’est pourquoi une saisine de six ministères, en date du 21 février dernier, a demandé à l’ANSES d’analyser les données et les études disponibles sur ce sujet, d’identifier les préoccupations qui pourraient en résulter et de déterminer les besoins complémentaires afin de réaliser une évaluation des risques. Ce travail a donné lieu à la note que j’évoquais, laquelle établit certaines orientations.

Tout d’abord, il est écrit que « les expertises scientifiques ne mettent pas en évidence de risques préoccupants pour la santé, en particulier de risque à long terme cancérogène, leucémie ou lymphome ». Toutefois, et c’est là que réside en partie le travail à mener, l’ANSES souligne « des limites méthodologiques » et un « manque de données ». Elle indique également que « les données de caractérisation des granulats et d’exposition disponibles indiquent l’existence de risques potentiels pour l’environnement ». Mais, une nouvelle fois, elle ajoute que « ces données sont insuffisantes pour caractériser les risques éventuels pour l’environnement et les organismes vivants ».

En introduction et en conclusion, l’Agence précise qu’elle a fourni un « appui » et que ce dernier « ne constitue pas une évaluation des risques sanitaires ». Il « ne vise donc pas à émettre une conclusion de l’Agence sur l’existence ou l’absence de risques, », mais à « hiérarchiser les besoins de connaissance concernant les différentes situations d’exposition ».

À la lecture de ce document d’étape, il apparaît donc souhaitable – c’est l’objet de cette proposition de loi – que la représentation sénatoriale reçoive des précisions sur la mise en œuvre envisagée des axes de recherche prioritaires exposés : le calendrier d’enclenchement des actions visant à préciser certains volets spécifiques afin d’effectuer une évaluation des risques pour la santé humaine ; la position de la France sur la proposition de restreindre la teneur en hydrocarbures aromatiques polycycliques dans les granulats dans un règlement européen concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques ; la proposition d’éléments méthodologiques en vue de la conduite d’une évaluation des risques environnementaux à réaliser localement, avant toute mise en place de ce type de revêtement.

Alors que ces orientations seront discutées avec les six ministères signataires de la demande d’appui – transition écologique, solidarités et santé, économie et finances, travail, agriculture et alimentation, sports – dans le cadre d’une consultation avec les différentes parties prenantes, les membres du groupe La République En Marche du Sénat souhaiteraient que le Gouvernement remette au Parlement un rapport dressant l’état d’avancement de chacune des préconisations établies en septembre dernier.

Voilà une semaine, lors d’un débat auquel j’ai participé sur le plateau de Public Sénat, plusieurs constats, que je crois unanimes, ont été dressés par des acteurs aux profils pourtant très différents.

Premièrement, les élus expriment une inquiétude forte, relayée par les médias, avec parfois des propos alarmistes. Les élus sont en effet responsables de ce qu’ils installent. Étant en première ligne, ils nous disent avoir besoin d’informations claires et fondées.

Deuxièmement, tous ont reconnu que cette note de l’ANSES, qui apporte un début de réponse plutôt rassurante, restait insuffisante en l’état, en particulier sur le volet environnemental.

Troisièmement, les publics concernés et intéressés sont nombreux : pratiquants, clubs, associations sportives – amateurs et professionnels –, familles et enfants, installateurs, personnes chargées de l’entretien, élus, résidents et, bien évidemment, acteurs de la filière, également prêts à évoluer.

Quatrièmement, les solutions apportées et les méthodologies utilisées sont également très hétérogènes – parfois un moratoire, en application du principe de précaution ; parfois encore, le changement du revêtement…

Voilà pourquoi il paraît plus que jamais nécessaire non seulement de rassurer les différents publics et d’apporter de la raison, c’est-à-dire des études sérieuses, dans un débat passionné, mais aussi de prendre en compte la spécificité d’utilisation de chaque terrain.

Je profite de mon intervention pour remercier le rapporteur, Frédéric Marchand, pour la qualité de son travail, réalisé dans un délai très bref, qui exprime parfaitement les éclairages qu’entend apporter cette proposition de loi.

Ce que nous souhaitons, au final, c’est un cahier des charges prescriptif qui puisse mettre en avant les bonnes solutions et les bonnes pratiques, les alternatives – lorsqu’elles sont souhaitables – et les bons usages. Faisons l’inventaire !

Le débat, rendu possible par l’enquête de So Foot et par le reportage d’Envoyé spécial en février, de même que les initiatives déjà prises par le Gouvernement afin d’impulser les études complémentaires, doit nous permettre de nous inscrire dans une démarche constructive et collective. Notre discussion de ce soir doit aussi nous permettre de faire remonter ces inquiétudes et de problématiser les travaux futurs. Il doit également porter sur le sujet particulier des terrains. Ne nous égarons pas : en brouillant notre message, nous perdrions une occasion de faire avancer cette problématique.

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