Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord remercier la Haute Assemblée d’examiner ce soir cette proposition de loi. Elle est en effet pleinement cohérente avec deux priorités du Gouvernement, qui sont liées, à savoir la protection de la santé humaine et l’environnement. Celles-ci sont au cœur des travaux du ministère de la transition écologique et solidaire.
La question de l’impact sur la santé d’un environnement dégradé est une préoccupation croissante parmi nos concitoyens. Cette préoccupation est légitime, puisqu’elle s’inscrit dans un contexte où de multiples indicateurs démontrent les effets néfastes de certaines substances chimiques et leur impact sur la santé tant de nos concitoyens que de nos écosystèmes. Il est en conséquence de notre devoir d’évaluer précisément les impacts de ces substances et de prendre, avec responsabilité, les mesures de gestion qui s’imposent.
Comme vous le savez, le Gouvernement a porté différentes initiatives en ce sens, certaines étant toutes récentes. La loi prise à l’issue des États généraux de l’alimentation traite ainsi de l’interdiction de l’incorporation du dioxyde de titane dans les produits alimentaires. Elle contient également de nombreuses mesures relatives aux produits phytopharmaceutiques, notamment l’interdiction des pesticides ayant le même mode d’action que les néonicotinoïdes, ces derniers étant déjà interdits en France depuis le 1er septembre 2018. Je pense également à la séparation des activités de conseil et de vente de produits pesticides, qui réduira la consommation de pesticides en permettant aux agriculteurs d’accéder à un conseil indépendant.
Par ailleurs, une meilleure protection des riverains est prévue, dans le cadre de l’épandage de produits pesticides, grâce à la mise en place de chartes d’engagement à l’échelle du département. En cas d’absence de ces chartes, des mesures contraignantes pourront être prises.
Toutes ces mesures montrent à quel point le Gouvernement est sensible à ces questions et attaché à proposer des solutions concrètes, pour nos concitoyens et l’environnement. Elles s’inscrivent bien sûr dans le cadre du plan d’action pour une agriculture moins dépendante aux pesticides et du plan de sortie du glyphosate. Il est également prévu un accompagnement fort des professionnels vers de nouvelles pratiques plus vertueuses. Il s’agit bien de les changer en profondeur.
Nous portons également au plan national de nombreuses initiatives en faveur de la réduction des risques liés aux expositions aux perturbateurs endocriniens. La deuxième stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens a ainsi été élaborée en lien étroit avec les parties prenantes durant l’année 2018. Elle sera mise en consultation publique d’ici à la fin de l’année.
Je veux aussi rappeler les nombreuses initiatives portées dans le cadre européen. La France a été moteur en matière de sensibilisation de la Commission européenne et de nos partenaires européens sur la question des perturbateurs endocriniens. Sur ces problématiques, notre action doit en priorité s’inscrire dans un contexte élargi. Je me suis mobilisée personnellement pour porter la parole de la France sur ces questions, qu’il s’agisse de la définition des critères européens relatifs aux perturbateurs endocriniens, d’une évolution des agences sanitaires européennes en vue d’une plus grande efficacité, d’une plus grande rigueur, d’une plus grande transparence et d’une meilleure prise en compte du principe de précaution, ou encore du déploiement de financements spécifiques mobilisables par ces agences pour combler les lacunes de connaissance.
La proposition de loi du Sénat s’inscrit naturellement dans cette priorité politique, qui, comme je l’ai indiqué, répond à une attente citoyenne juste, forte et légitime, à laquelle nous souhaitons apporter des réponses concrètes.
Le Gouvernement a été sensible aux premières alertes publiques concernant les terrains synthétiques. J’ai déjà eu l’occasion d’échanger avec certains d’entre vous sur cette question particulière. Il a ainsi pris l’initiative de saisir, le 21 février 2018, l’ANSES, comme vous l’avez précisé, madame la sénatrice, monsieur le rapporteur, pour réaliser une évaluation des risques liés à l’utilisation des terrains de sport synthétiques à base de granulats de pneus recyclés.
Selon l’analyse scientifique et technique de l’Agence, restituée le 17 septembre 2018, « les expertises sur les risques liés à l’exposition de sportifs et d’enfants utilisateurs des terrains synthétiques, ainsi que de travailleurs impliqués dans la pose et l’entretien de ces terrains concluent majoritairement à un risque sanitaire négligeable ». Compte tenu de certaines incertitudes et de lacunes d’information, l’ANSES a néanmoins identifié dans son rapport plusieurs actions permettant d’améliorer l’évaluation des risques. Le Gouvernement a d’ores et déjà pris le parti de suivre les différentes recommandations formulées.
Si les rapports existants examinés par l’ANSES sont rassurants, l’Agence relève cependant un manque de données et une grande variabilité de la composition des granulats. Les études en cours menées par l’industrie européenne, et plus encore par l’EPA, l’agence américaine de protection de l’environnement, permettront d’acquérir rapidement de nombreuses données supplémentaires, notamment sur la composition des granulats de pneus ainsi que sur leurs émissions. Les résultats sont attendus au plus tard pour le début de l’année prochaine. Au regard de leur contenu, nous examinerons si des mesures complémentaires doivent être réalisées.
La situation doit dès à présent nous inciter à adopter une réglementation plus stricte. L’évolution est d’ores et déjà engagée dans le cadre du règlement européen REACH. Une restriction a été proposée par nos homologues néerlandais sur les seuils d’hydrocarbures aromatiques polycycliques, les HAP, présents dans les granulats de pneus utilisés pour les terrains de sport synthétiques. Les autorités françaises appuieront cette proposition au niveau européen, afin de garantir un niveau acceptable d’émission de ces polluants.
Enfin, s’agissant de l’existence de risques potentiels pour l’environnement, pointés dans les conclusions du rapport de l’ANSES, le Gouvernement prévoit de suivre les recommandations formulées, en mettant notamment en place un groupe de travail, qui aura pour objectif d’élaborer un guide de bonnes pratiques pour l’évaluation des risques en vue de l’installation des terrains synthétiques, afin d’en limiter les impacts environnementaux. Il s’agit notamment de prévenir la diffusion dans l’environnement des particules de pneumatiques issues de l’usure des terrains, qui peuvent ensuite se répandre dans les sols ou être transportés par les eaux pluviales et avoir des effets négatifs sur les écosystèmes. Ce travail sera réalisé avec l’ensemble des acteurs de la filière. Ses conclusions devraient être connues en septembre 2019. Elles permettront d’appuyer les collectivités dans leurs choix d’équipement pour de telles infrastructures.
Vous le constatez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement prend ce sujet, comme tous les sujets liés aux thématiques de la santé et de l’environnement, très au sérieux. J’ai eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises devant vous, nous poursuivons la mobilisation aux niveaux européen et national. Une telle approche nous guide pour l’ensemble des questions relatives à la question des risques potentiellement induits par les substances chimiques.
Si l’avis de l’ANSES offre une première analyse rassurante, le risque étant considéré comme négligeable, nous sommes déterminés à mettre pleinement en œuvre les recommandations formulées par l’Agence de sécurité sanitaire en matière d’investigations complémentaires, et ce dans la plus grande transparence.
S’agissant de la proposition de loi, qui prévoit la production formelle d’un rapport du Gouvernement au Parlement, je m’en remets volontiers à la sagesse de votre assemblée.