Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, les terrains de sport et les aires de jeu dites « synthétiques » sont de plus en plus répandus sur le territoire national. Leur utilisation très pratique pour les clubs et les pratiquants, les économies d’entretien ainsi permises et la valorisation en granulats des déchets de pneus constituent des atouts indéniables. Mais ce type d’équipement suscite également quelques inquiétudes.
La proposition de loi déposée par notre collègue Françoise Cartron et le groupe La République En Marche vise à donner une suite à la note de l’ANSES du 18 septembre dernier sur la dangerosité desdits granulats de pneus utilisés pour les terrains de sport. Disons-le tout de suite, l’Agence ne met pas en évidence de risques pour la santé. Elle précise toutefois que son travail « vise à identifier les besoins de connaissance ».
Pour lever les doutes, la proposition de loi demande la publication d’un rapport au Parlement qui vérifiera la mise en œuvre des préconisations du rapport précité de l’ANSES – je souscris parfaitement à la description kafkaïenne qu’a faite notre collègue Nicole Bonnefoy. Ce texte contient deux aspects : un aspect sportif et un aspect relatif au principe de précaution, qu’il soit sanitaire ou environnemental.
Sur le plan sportif, l’histoire du gazon synthétique ne date pas d’hier, puisqu’elle est née en 1910 : un chercheur anglais avait fait breveter un tapis tissé de fourrures animales principalement utilisé jusqu’alors pour les décors de théâtre.
Dans les années quatre-vingt, l’industrie a commencé à concevoir du gazon synthétique, pour le football en particulier. Les systèmes ont été conçus avec du poil court et un remplissage de sable. C’était pour le moins brutal et traumatique – Christophe Priou a évoqué le sujet. Rassurez-vous, je ne vous imposerai pas la vision des stigmates que porte sur les ischio-jambiers un pratiquant émérite de cette époque que les moins de quarante ans ne peuvent pas connaître…
Dans les années quatre-vingt-dix, afin de pallier ces effets traumatiques divers, les premiers systèmes de gazon synthétique avec remplissage de caoutchouc ont été introduits. Depuis lors, le confort du joueur et la réduction des divers traumatismes sont devenus de plus en plus importants dans la conception du gazon synthétique. L’Union des associations européennes de football et la Fédération internationale de football association, ainsi que de nombreuses fédérations nationales soutiennent résolument son développement. Par exemple, la Fédération française de football classe et aide au financement d’environ 300 terrains synthétiques par an.
Force est de constater que le principe de précaution a tendance à se transformer en risque zéro. Sur le plan sanitaire, il nous revient donc avant tout de faire la part des choses. Différents matériaux existent.
L’évaluation du risque porte principalement sur les terrains synthétiques qui utilisent un matériau de remplissage en granulats élastomères noirs provenant du recyclage de pneus usagés. De nombreuses études ont été réalisées. Aucune ne conclut à un risque, que ce soit par inhalation, contact ou ingestion. Cela n’exonère pas d’appliquer les principes d’hygiène élémentaire, qu’il faut rappeler et respecter sur tout type de terrain : prendre une douche, a minima se nettoyer les mains et le visage, désinfecter les plaies, se changer complètement après l’entraînement et laver l’équipement utilisé.
La dernière étude a été réalisée par European Chemicals Agency, ou ECHA, saisie par la Commission européenne. Les conclusions parues au mois de février 2017 sont claires : il n’y a pas de preuve scientifique d’une augmentation du risque de cancer lié à l’impact des hydrocarbures aromatiques polycycliques, ou HAP, généralement mesurés dans les terrains de sport européens.
Le règlement des terrains de la Fédération française de football conseille, en cas de doute et par principe de précaution, ou bien encore dans le cadre d’un suivi sanitaire, de pratiquer des tests. La Fédération continue, en temps qu’utilisatrice de ces surfaces via ses clubs affiliés, de s’assurer du respect des normes de construction des terrains en gazon synthétique en vigueur et de s’informer des travaux d’investigations en cours, notamment à l’échelon européen.
J’en viens au risque environnemental. Nul ne doute qu’une escouade d’experts dûment accrédités et payés grassement par le contribuable trouvera une de ces fameuses billes dans l’océan. Il nous restera alors évidemment à nous lamenter et à interdire les terrains synthétiques, les pneus, les voitures et – pourquoi pas ? – la vie sur terre, pendant qu’on y est !
Mes collègues se sont déjà exprimés en commission sur la remise d’un rapport. Je ne peux que constater que nous assistons à une inflation du nombre de rapports promis, lesquels finissent invariablement en classement vertical.
Madame la secrétaire d’État, je suis certain que vous aurez à cœur de vous attaquer avec pragmatisme à une telle situation. Mais, de grâce, ne pénalisons pas le développement de la pratique sportive en général et du football en particulier, qui plus est dans le pays des champions du monde !