Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, notre collègue Françoise Cartron a déposé une proposition de loi qui demande au Gouvernement un rapport sur les risques liés à l’emploi de matériaux issus de la valorisation de pneumatiques usagés dans les terrains de sport synthétiques.
Chaque année, 3 millions de pneus arrivent en fin de vie en France, ce qui représente 400 000 tonnes de pneumatiques usagés qui, depuis l’interdiction de mise en décharge par la directive européenne de 1999, sont récupérées par les producteurs de pneumatiques en vue de leur revalorisation. Il en existe trois types : la réutilisation, c’est-à-dire la fabrication de nouveaux pneus, qui concerne environ 20 % des pneus usagés, le combustible, qui en concerne 40 %, et, enfin, la granulation pour la confection de sols sportifs et terrains de jeux pour 40 % de ces pneus.
C’est ce dernier type de valorisation qui pose problème et fait débat. Ces sols et terrains sur lesquels évoluent des sportifs et s’amusent des enfants sont constitués à 90 % de pneus réduits en poudre, mélangés à 10 % de résine. Or, depuis quelques années, une inquiétude est née quant à l’impact sanitaire et environnemental desdits terrains.
Aujourd’hui, il n’existe pas de réglementation encadrant la composition chimique de ces granulats. Les normes se concentrent principalement sur les performances techniques attendues : durabilité, perméabilité à l’eau, rebond de la balle, absorption des chocs. Le seul test effectué est celui du drainage des métaux lourds. C’est inquiétant quand on sait que certaines des substances chimiques relarguées depuis ces granulats sont des substances nocives, telles que des perturbateurs endocriniens comme le DBP, le DEHP ou le DEP. D’autres substances sont utilisées pour accroître les performances des pneus, mais il est presque impossible d’obtenir des informations à leur sujet, étant donné que le secret professionnel protège leur fabrication.
À cela s’ajoute le fait que, à côté des granulats, très peu d’études ont été réalisées sur les sous-couches et autres matériaux utilisés dans le processus de fabrication de ces terrains, comme les colorants, les agents liants et lissants, ou les agents anti-UV.
Ces terrains sportifs et aires de jeu sont soumis à une utilisation intense et, donc, à une usure mettant en contact direct et prolongé les usagers, en particulier les enfants, et ces substances. Il en va de même pour les pesticides, détergents et autres produits de nettoyage de surface utilisés pour l’entretien des terrains, qui peuvent présenter un risque pour l’environnement et la santé des utilisateurs.
Parmi les composants des granulats, on trouve des composés organiques volatils qui, surtout en milieu clos, peuvent provoquer irritations oculaires, respiratoires et cutanées. Il s’agit d’un véritable danger pour la santé publique.
Certains producteurs de terrains synthétiques proposent des granulats encapsulés pour limiter la pollution. Il faudrait néanmoins s’assurer que ces capsules ne sont pas responsables d’une pollution supplémentaire s’ajoutant à celle des substances présentes dans les granulats.
Ainsi, il demeure des incertitudes sur les risques pour l’environnement et la santé, ainsi qu’un manque de cadre pour évaluer efficacement les risques liés aux composants des pneumatiques.
Face à ce risque, six ministères français ont demandé un appui scientifique et technique, en septembre dernier, à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, l’ANSES. Cette dernière a analysé les études et expertises actuellement disponibles sur le sujet, fournissant un travail qui ne visait pas à émettre une conclusion sur l’existence ou l’absence de risques.