Intervention de Laurent Duplomb

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 20 novembre 2018 à 9h20
Projet de loi de finances pour 2019 — Mission « agriculture alimentation forêt et affaires rurales » et compte d'affectation spéciale « développement agricole et rural » - examen du rapport spécial

Photo de Laurent DuplombLaurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques :

La plus grande vigilance sera de mise en 2019, année charnière, alors que des incertitudes sans précédent planent sur le monde agricole : aléas climatiques de plus en plus forts, volatilité des marchés sans précédent, concurrence exacerbée entre les pays et les continents, perte de production en France sous l'effet des mesures contre les produits phytosanitaires, négociations commerciales jamais aussi féroces entre les quatre centrales d'achat et les 12 000 fournisseurs. Dans le même temps la PAC est de moins en moins commune. Les négociations portent actuellement sur une réduction de 15 % du premier pilier et 25 % du deuxième. Renationalisation des aides, écologie punitive, voire dictature de l'écologie... Et la seule réponse du Gouvernement consiste à réduire le budget de l'agriculture de près de 20 %, 300 millions d'euros d'économies demandés aux agriculteurs.

C'est le budget de tous les paradoxes. Les TO-DE seront supprimés d'ici 2021, alors que ce Gouvernement veut réduire le coût du travail et que la loi Egalim a réduit les possibilités d'usage des phytosanitaires, ce qui exige d'employer plus de main-d'oeuvre. Avec la suppression du soutien à ces emplois saisonniers, la compétitivité de la France va souffrir : l'écart est de 75 % entre notre pays et la Pologne, par exemple...

La dotation de réserve pour aléas climatiques et problèmes sanitaires a perdu 100 millions d'euros, un véritable pied de nez à l'agriculture... En 2018, 190 millions ont été utilisés, dont 178 pour les refus d'apurement communautaire - une auto-assurance de l'État contre ses propres erreurs administratives. L'enveloppe diminue, malgré les problèmes actuels, et surtout la sécheresse, qui va entraîner de gros dégâts cet hiver. Quant à la peste porcine, la seule mesure trouvée a été l'installation d'une clôture électrique entre la Belgique et la France. Le Brexit induit aussi des problèmes sanitaires. Je rappelle que 1,7 milliard d'euros de denrées alimentaires proviennent de pays extérieurs à l'Union européenne, qui n'appliquent pas les normes européennes et qui concurrencent de façon déloyale nos produits. On demande de plus en plus à nos agriculteurs, on surtranspose les règlementations européennes et l'on fait entrer des marchandises qui échappent à toute exigence. Nous avons parlé cette année du Mercosur, de l'accord Australie-Nouvelle Zélande, de l'accord CETA ; après le Brexit de nouveaux accords interviendront et via le Royaume-Uni de nouveaux produits extérieurs seront déversés sur les marchés européens. Or seulement 40 ETP sont prévus pour contrôler ces importations aux frontières françaises ! La direction générale de l'alimentation a avoué en avoir demandé 90 ; mais c'est 900 qu'il faudrait en recruter pour assurer un contrôle efficace.

J'en appelle à la cohérence du Gouvernement sur la stratégie de sécurité sanitaire mais aussi sur l'application de la loi Egalim et l'équilibre des relations commerciales. Sur les TO-DE, il faudrait ajouter 40 millions d'euros pour faire écho à ce qu'a voté le Sénat mercredi dernier.

La fiscalité sur l'épargne de précaution apportera peut-être une certaine amélioration, dès lors que les stocks sont inclus dans le périmètre, et non la seule épargne en numéraire. La durée de dix ans nous convient aussi. Mais pourquoi limiter le mécanisme à quatre associés en GAEC ? En outre, la règle de minimis est un calcul si difficile à faire que les centres de gestion se garderont bien de conseiller cette épargne.

La maîtrise de la TICPE sur le gasoil non routier est une bonne chose, elle permet une simplification administrative, la réduction du tarif se faisant sans déclaration. La redevance pour pollutions diffuses augmente de 50 millions d'euros, perçus sur les achats de phytosanitaires, pesant par conséquent sur les agriculteurs.

La suppression des petites taxes pose question. Un tel toilettage est bienvenu, mais pour faire quoi ? Les 87 millions d'euros de recettes de ces taxes sont compensés en 2019, mais après ? Le moral des agriculteurs n'a jamais été aussi bas. Nous critiquons sans cesse nos agriculteurs au nom de l'écologie tandis que nous ouvrons grand la porte aux importations qui ne respectent pas nos normes.

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