En cela, il porte une vision qui enrichit encore les débats et l’action publique tout en étant pleinement l’une des deux chambres du Parlement. Le Sénat est aussi par son propre calendrier une voix dissemblable. C’est essentiel depuis la réforme du quinquennat et l’élection quasi simultanée du Président de la République et des députés.
Enfin, grâce à son seuil d’âge et d’éligibilité, le Sénat a perduré dans l’histoire comme une assemblée qui n’inscrivait jamais son action dans la tyrannie de l’instant, mais qui l’inscrivait dans un autre rapport au temps, dans le temps long. Ce rapport est parfois source de sarcasmes, alors que nous vivons aujourd’hui sous l’injonction permanente du mouvement ; ce temps long est pourtant la clef pour dépassionner.
Le législateur spartiate Lycurgue le disait déjà : « Il rassembla ce conseil de sénateurs […] et donna pied ferme et assuré à l’État. » Donner pied ferme et assuré à l’État, telle est l’identité du Sénat. Cette identité particulière a notamment pour origine le mode d’élection et l’âge minimal d’éligibilité des sénateurs.
Certes, en 2011, ce qui caractérisait le Sénat par rapport à l’Assemblée nationale du point de vue des conditions d’éligibilité et d’élection a déjà été atténué, et je ne suis pas sûr que ce fût une bonne chose. La solution d’un écart d’âge théorique d’un citoyen ayant effectué au moins un mandat local est à mon sens la plus raisonnée. Bien évidemment, elle n’est pas, de mon point de vue, parfaite, puisque je suis de ceux qui auraient préféré que le législateur fixe une barre plus haute.
Toutefois, dans une chambre des territoires, comment penser, au minimum, défendre les collectivités locales sans les connaître et sans avoir déjà exercé au moins un mandat ? Comment se prévaloir des qualités de recul et d’analyse sans instaurer ce seuil d’âge minimal ? Ce seuil n’a pas empêché l’âge moyen du Sénat d’être assez proche de celui de l’Assemblée nationale. Il n’a pas non plus empêché un sénateur de l’Essonne, qui n’était pas encore le chef de file des Insoumis, d’être l’un des plus jeunes sinon le plus sage des sénateurs de France.
J’en viens à l’âge d’éligibilité du Président de la République, argument massue de nos collègues Sueur et Gattolin. Pour justifier votre proposition de loi organique, monsieur le sénateur Gattolin, vous proposez d’abaisser l’âge d’éligibilité des sénateurs pour l’aligner sur celui du Président de la République, dont, vous en conviendrez, la sagesse et le recul doivent être exemplaires, plus encore que, certainement, que ceux des sénateurs, eu égard aux responsabilités qu’il assume. Alors, pourquoi ne pas plutôt aligner l’âge minimal d’élection du Président de la République sur celui des sénateurs, afin de contribuer théoriquement à ce qu’il fasse montre des mêmes qualités ?