Intervention de Sophie Taillé-Polian

Réunion du 27 novembre 2018 à 14h30
Projet de loi de finances rectificative pour 2018 — Rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi

Photo de Sophie Taillé-PolianSophie Taillé-Polian :

La France a également besoin de justice fiscale !

Le second point de blocage a trait au budget de la mission « Défense » et à la prise en charge des opérations militaires extérieures, les OPEX.

En revenant sur les engagements adoptés dans la loi de programmation militaire, on suscite nécessairement des interrogations quant à l’utilisation récurrente de la formule « sincérité budgétaire » par le ministre de l’action et des comptes publics.

J’entends, quant à moi, insister davantage sur les crédits de la mission « Travail et emploi ».

C’est peu dire que la politique de l’emploi est soumise, avec ce gouvernement, à une double peine. D’une part, les crédits de la mission connaissent une baisse drastique pour 2019. À périmètre constant, ils diminuent de 2, 1 milliards d’euros en crédits de paiement. D’autre part, ce projet de budget rectificatif pour 2018 annule pour un demi-milliard de crédits d’un PLF déjà lourdement sanctionné.

Vous conviendrez, monsieur le rapporteur général, de mon étonnement à ne pas voir ce point figurer dans l’objet de la motion que vous allez nous soumettre, car, pour autant que je m’en souvienne, le Sénat avait rejeté les crédits de cette mission lors de l’examen du projet de loi de finances initiale pour 2018, le motif principal de ce rejet étant la baisse drastique du nombre de contrats aidés.

Eh bien, disons-le, mes chers collègues : la situation actuelle est bien pire que celle qui, déjà, à l’époque, vous avait conduits à fortement vous mobiliser !

Pour mémoire, il était prévu dans la loi de finances initiale que seuls 200 000 contrats aidés seraient conclus en 2018. Ils ne concerneraient que le secteur non marchand et seraient concentrés sur trois domaines prioritaires : les territoires ultramarins et ruraux, l’accompagnement des enfants en situation de handicap en milieu scolaire et l’urgence sanitaire et sociale.

Cela représentait, déjà, une diminution de 100 000 contrats aidés, avec, de surcroît, un taux moyen de prise en charge revu très nettement à la baisse.

Au total, en 2018, ce programme a connu une baisse de plus d’un milliard d’euros en autorisations d’engagement et de 953 millions d’euros en crédits de paiement par rapport à 2017.

Nous n’avions pas manqué de mettre en garde le Gouvernement contre les conséquences dramatiques de cette décision brutale, prise sans concertation et ayant entraîné, in fine, la fragilisation des petites associations et de certains services publics locaux, dans un contexte global de diminution des dépenses.

Le gel des contrats aidés représente, en effet, 1, 3 milliard d’euros d’impact budgétaire pour les associations. Dans le secteur des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, les établissements déjà exsangues ont dû trouver des ressources internes pour financer des contrats aidés que l’État finançait jusque-là à 80 % ou 90 %. Dans les centres sociaux, ce sont 313 activités « petite enfance » qui ont été déstabilisées et 344 activités « jeunesse » qui se sont arrêtées.

Depuis, le contrat aidé est devenu le parcours emploi compétences, le PEC, et la sous-consommation des crédits du programme 102, mise en exergue par ce projet de budget rectificatif, montre que nos inquiétudes étaient plus que fondées.

Comment justifier une telle sous-consommation, sinon en concluant que le Gouvernement a masqué l’importance de la baisse réelle du budget de ce programme ? Derrière ces crédits, combien, réellement, de contrats aidés ?

En fait, comme le laisse entendre l’Association des maires de France, l’AMF, la diminution est due à l’excessive complexité du PEC. Les élus locaux l’ont vécue comme une défiance. Ajoutez à cela l’obligation de formation non financée, la chute du taux de prise en charge par l’État, l’appréhension des employeurs qui ne veulent plus recruter, car ils redoutent l’instabilité des annonces gouvernementales, et vous obtenez les raisons de la déconvenue organisée du PEC.

Mes chers collègues, la réduction du nombre de contrats aidés est révélatrice d’une politique de l’emploi qui n’est malheureusement plus que la somme de variables budgétaires, au lieu d’être un vecteur réel d’amélioration de l’efficacité des parcours d’insertion.

Les récents chiffres du chômage le prouvent : 22 000 demandeurs d’emploi supplémentaires, toutes catégories confondues, depuis un an ; 16 000 demandeurs d’emploi en contrats précaires supplémentaires durant la même période ; 3 100 entrées en formation de moins entre 2017 et 2018.

Monsieur le secrétaire d’État, vous ne pouvez pas prétendre que l’amélioration de la conjoncture justifie ces annulations de crédits !

Nous ne pouvons donc que nous opposer à votre logique d’anticipation, la même logique qui justifie que vous baissiez de 84, 7 millions d’euros le montant de la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi en 2019. Cette anticipation, c’est de la politique fiction ! Car, malheureusement, les derniers chiffres du chômage sont mauvais, particulièrement ceux qui concernent les chômeurs de longue durée, dont le nombre augmente et la situation se détériore.

Enfin, ce projet de budget rectificatif retire 12, 4 millions d’euros au programme 111, relatif à l’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail, précisément pour ce qui concerne les défenseurs syndicaux.

Dans un contexte de forte modification du droit du travail au cours des deux dernières années, les défenseurs syndicaux devraient représenter, pour vous, un rouage essentiel, un élément important du nouveau dialogue social, celui-là même dont vous parlez beaucoup, mais qui ne se concrétise guère dans les relations avec les organisations syndicales.

Dégager des économies sur les programmes de la mission « Travail et emploi », c’est donc, pour vous, un parti pris : celui de ne faire une priorité ni de la protection des salariés ni de l’accompagnement des chômeurs de longue durée. Nous ne pouvons, évidemment, que le regretter !

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste et républicain s’opposera fermement à ce projet de budget rectificatif.

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