Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, trois mois après la première lecture de ce texte devant le Sénat, nous voici sur le point d'achever et, je l'espère, d'adopter le projet de loi consacré à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.
Il me semble toutefois nécessaire de rappeler que nous sommes en passe de parachever une oeuvre qui a été entamée voilà maintenant plus de trois ans - trois ans et trois mois pour être précis -, lors de l'adoption, sur l'initiative du Sénat, de l'article 127 de la loi du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qui prévoyait, pour la première fois, l'extinction de la diffusion analogique des services télévisés.
Mes chers collègues, je suis bien conscient qu'il s'agit là d'une oeuvre fragile et temporaire. Dans son Discours préliminaire du premier projet de code civil, Portalis soulignait que « les lois, une fois rédigées, demeurent telles qu'elles ont été écrites. Les hommes, au contraire, ne se reposent jamais ; » - hélas ! - « ils agissent toujours : et ce mouvement qui ne s'arrête pas, et dont les effets sont diversement modifiés par les circonstances, produit, à chaque instant, quelque combinaison nouvelle, quelque nouveau fait, quelque résultat nouveau ».
Les amendements rédactionnels présentés par le Gouvernement confirment cette assertion et, même si la commission ne s'est pas réunie pour les examiner, nous les accepterons volontiers, car tout texte est perfectible.
Ce mouvement perpétuel, susceptible de rendre obsolètes les législations les plus soignées, j'allais dire les « futuribles », concerne bien entendu au premier chef le texte que nous discutons aujourd'hui. Pour autant, cela ne doit pas nous conduire à sous-estimer son importance pour l'ensemble des acteurs du secteur de l'audiovisuel.
D'aucuns, hélas ! ne regarderont peut-être pas le résultat final d'un oeil totalement favorable. Ils ont d'ailleurs déjà fait connaître par voie de presse leurs griefs, qui sont non pas techniques ou politiques, mais politiciens, à l'encontre d'un texte accusé à tort de desservir leurs intérêts.
Je pense pourtant que nous devrions tous nous féliciter de l'adoption d'un projet de loi équilibré - j'insiste sur cette épithète, monsieur le ministre - qui, au nom du progrès technologique, parvient, selon moi, à concilier des points de vue a priori difficilement conciliables.
Je pense bien sûr aux points de vue divergents de deux univers à part entière, celui de l'audiovisuel et celui des télécoms, que M. Retailleau ne manquera pas d'évoquer.
Je pense également aux divergences d'opinion des nouveaux entrants et des opérateurs historiques sur la question de la télévision numérique terrestre et sur les conditions d'arrêt de la diffusion des services télévisés analogiques.
Je pense encore à l'opposition plus ou moins marquée des mondes de la création et de la diffusion, en dépit d'une dépendance mutuelle qui devrait appeler des rapports pacifiés.
À l'occasion de la discussion de ce texte, longue est la liste des contraires qu'il a fallu rapprocher, des tensions qu'il a fallu désamorcer et, fatalement, des consensus qu'il a fallu trouver, pour faire entrer de plain-pied notre pays dans la modernité audiovisuelle, puisque tel est l'objet de ce projet de loi.
Ce texte est donc le fruit non seulement de ces consensus, mais aussi, de manière plus remarquable, d'un certain nombre de volontés.
Monsieur le ministre, qu'il me soit permis de saluer tout d'abord la volonté dont vous avez fait preuve. Alors que l'inscription à l'ordre du jour du Parlement de ce texte, pourtant nécessaire à l'avènement de nouveaux services audiovisuels, paraissait menacée en raison de l'encombrement législatif, vous avez su en faire une véritable priorité gouvernementale. Soyez en chaleureusement remercié.
Monsieur le président de la commission des affaires culturelles, je souhaite également saluer la volonté qui vous anime et qui vous a conduit à demander, de manière fort opportune, le recours à la procédure d'urgence.
Cette procédure, je tiens à le réaffirmer ici pour écarter toute polémique, n'était pas motivée par une manoeuvre politique ou politicienne. La véritable urgence, en effet, est d'ordre technologique et démocratique.
Une urgence technologique d'abord : reporter la discussion de ce projet de loi aurait mis nos opérateurs nationaux dans une position inconfortable à l'égard de leurs concurrents internationaux. À l'heure où de très nombreux pays s'apprêtent à passer au « tout numérique », au moment où la Commission européenne se prononce en faveur de l'extinction de l'analogique, il convenait d'agir vite, afin de ne pas laisser la France sur le quai de la modernité. Pour une fois, notre pays n'a pas réagi frileusement.
Une urgence démocratique ensuite : reporter la discussion de ce texte aurait tout simplement privé les téléspectateurs français, c'est-à-dire presque tous les Français - il n'existe, me semble-t-il, que 3 % de « télérebelles » -, de l'accès aux formats et aux moyens de diffusion innovants tels que la haute définition et la télévision mobile personnelle. Je vous rappelle, à cette occasion, que ces technologies existent, indépendamment de ce projet de loi, et sont d'ores et déjà prêtes à être exploitées. Un cadre législatif était donc nécessaire pour les lancer.
Par-delà ces quelques éléments de contexte, je tiens surtout à mettre en avant, mes chers collègues, le maintien, voire le renforcement, dans le texte définitif que nous sommes aujourd'hui appelés à voter, des principaux apports du Sénat, qui a eu l'honneur d'examiner le premier ce projet de loi.
Je pense tout particulièrement à l'extension du bouquet satellitaire gratuit à l'ensemble des chaînes de la TNT. Limité à l'origine aux seules chaînes historiques, ce bouquet complémentaire manquait cruellement d'ambition et n'aurait pas permis de répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens.
Je pense également à l'encadrement strict de l'attribution aux opérateurs historiques privés des chaînes dites « compensatoires ». Le maintien, par la commission mixte paritaire, au sein de laquelle j'ai eu l'occasion de m'exprimer, du délai de latence indispensable à l'économie globale du système et des obligations de production et de diffusion « renforcées » - ce dernier mot a été ajouté - laisse penser que nous avons oeuvré dans la bonne direction.
Certains nous reprocheront, pour des raisons idéologiques, de ne pas avoir été assez loin et d'offrir aux bénéficiaires un cadeau inespéré. Je leur rappelle qu'il s'agit simplement d'une juste compensation liée à la remise en cause de droits accordés par l'État à des opérateurs privés et d'une forte incitation pour les chaînes historiques à réussir la fameuse « bascule », elles qui paient déjà un lourd tribut à la diffusion analogique.
Je pense aussi à la suppression de la priorité donnée aux chaînes de la TNT en matière de haute définition et de télévision mobile. Il s'agit là d'une décision importante qui tend à redonner toute latitude au Conseil supérieur de l'audiovisuel - c'est d'ailleurs son rôle - de composer des offres appropriées et diversifiées.
Je pense enfin et surtout à la redéfinition de l'oeuvre audiovisuelle, que nous avons adoptée à l'unanimité dans cet hémicycle, mettant ainsi fin à plus de trois ans de controverses sur la nature exacte de cette notion. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir permis à ce texte de voir le jour.
À l'heure où ce projet de loi va, comme je l'espère, être adopté, je souhaite qu'il serve au mieux, conformément à la direction que nous avons tenté de donner à nos travaux, l'intérêt des téléspectateurs et de la création, à l'ère de la « télévision numérique pour tous ».
« L'audiovisuel numérique pour tous » - je rappelle que la radio est également concernée - est une promesse qui se concrétise pour tous les Français.
Aussi, mes chers collègues, je vous remercie du soutien que vous apporterez au texte élaboré par la commission mixte paritaire.