Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 30 novembre 2018 à 14h30
Loi de finances pour 2019 — Investissements d'avenir

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Mes chers collègues, nous débattons du troisième budget de l’État.

Le montant global de la dette publique de l’ensemble des administrations publiques a temporairement dépassé le seuil symbolique des 100 % du PIB – ce chiffre est tout de même assez frappant… La dette publique était à peine au-dessus du seuil des 60 points de PIB en 2007. Elle a augmenté de 40 points en dix ans ! En 2006, nous étions dans la même situation d’endettement que l’Allemagne. Aujourd’hui, 40 points de PIB nous séparent d’elle : la dette allemande représente moins de 60 % de son PIB, et son budget est en excédent. Vous voyez que nous sommes dans une position extrêmement difficile.

Notre situation budgétaire est exposée à trois risques majeurs.

Le premier, c’est la remontée des taux. Plus qu’un risque, c’est une certitude. C’est comme pour le fût du canon : on ne sait pas combien de temps ça va prendre, mais ça va arriver… Certes, à force de crier au loup, plus personne n’y croit, mais, d’après l’Agence France Trésor, une hausse de 1 point de taux d’intérêt, toutes choses égales par ailleurs, aurait un coût cumulé de 35 milliards d’euros après cinq ans, un chiffre à rapprocher des 40 milliards d’euros de la mission !

Le deuxième risque, ce sont les engagements hors bilan, par exemple, la reprise de la dette de la SNCF.

À l’heure actuelle, la dette de SNCF Réseau reste assumée par l’opérateur ferroviaire, mais, dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances, le Gouvernement s’est engagé à procéder à « une reprise par l’État de 35 milliards d’euros », ce qui n’est pas rien ! Cette reprise permettrait à SNCF Réseau de ne plus avoir à s’acquitter du service de sa dette. En d’autres termes, le gestionnaire d’infrastructure pourrait devenir, dans le contexte de l’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, une société anonyme à capitaux publics disposant de comptes assainis sur le dos du contribuable. C’est une méthode qui en vaut une autre…

De plus, il convient d’être vigilant quant au calendrier et aux modalités de transfert de la gestion de la dette de la SNCF à l’État, prévu en 2020.

En tant que rapporteur spécial, je tiens à appeler l’attention sur ce point : au-delà de la SNCF, il faudra être prudent pour ce qui concerne EDF, qui pourrait bien connaître le même genre de mésaventures…

En outre, les auditions l’ont montré, il faudra faire très attention à la requalification de certaines dettes d’opérateurs de l’État en dettes publiques. Les pouvoirs publics peuvent être appelés à revoir les structures de gouvernance de ces opérateurs pour y diminuer la présence des représentants de l’État ou du Parlement.

Les engagements hors bilan reflètent donc des niveaux de risque très divers et leur contrôle par le Parlement est variable, tendance faible…

Le troisième risque, c’est celui de la notation. À ce titre, nos auditions se sont révélées plutôt rassurantes. La France a la confiance des marchés. Cette crédibilité reste un enjeu de la réforme de l’État, mais nos ambitions doivent être à la hauteur de l’enjeu. Or j’appelle votre attention sur un point qui me semble essentiel : les agences de notation sont extrêmement inquiètes au sujet des élections européennes. Le prochain scrutin pourrait conduire au Parlement européen une majorité populiste eurosceptique, susceptible d’avoir une incidence sur nos politiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion