Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention portera essentiellement sur le programme 216, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », et spécifiquement sur l’action n° 10, qui concerne la lutte contre la radicalisation.
Les occasions de faire un petit point sur ces programmes sont trop rares ; nous allons donc en profiter.
C’est depuis 2014 que je travaille sur toutes ces questions. Grâce au groupe Union centriste, nous avons obtenu en juin 2014 la constitution d’une commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, soit, monsieur le ministre, six mois avant Charlie et l’Hypercacher.
Depuis lors, le nombre de radicalisés n’a fait qu’augmenter : un peu plus de 20 400 personnes sont inscrites au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, ou FSPRT ; plus de 10 000 personnes sont considérées comme actives après avoir fait l’objet d’un signalement ; plus de 3 500 sont en veille, c’est-à-dire que, momentanément, leurs « signalements ne suscitent plus d’inquiétude et ne nécessitent plus de surveillance active ». On a vu ce à quoi a abouti, à plusieurs reprises, l’abandon de certaines mesures de surveillance active, même s’il est vrai qu’on ne peut surveiller tout le monde. Plus de 4 000 dossiers sont clos.
La Commission nationale de l’informatique et des libertés conserve les fiches des « inactifs » pendant cinq ans, mais la place Beauvau précise que « les signalements abusifs ou erronés d’individus qui n’ont jamais été radicalisés ne sont pas conservés dans le fichier ». Voilà une bonne nouvelle !
Ce qui est indéniable, c’est que la menace terroriste demeure. S’y ajoute le problème des « revenants ». On compte aujourd’hui 450 prisonniers jugés pour terrorisme qui seront libérés avant la fin de 2019 ; 351 revenants, dont 269 majeurs et 82 mineurs. Les institutions pénitentiaires, dont nous examinerons les crédits demain, sont confrontées à des difficultés. Au 13 novembre, les prisons françaises comptaient 1 704 détenus radicalisés.
Dans leur rapport rendu l’an dernier au nom de la mission d’information créée par la commission des lois du Sénat sur le modèle des « missions flash », Catherine Troendlé et Esther Benbassa avait souligné les défaillances de la politique de lutte contre la radicalisation.
Monsieur le ministre, ma question est la suivante : 70 millions d’euros, c’est bien, mais comment contrôlez-vous aujourd’hui les associations chargées de lutter contre la radicalisation ? Lors de l’examen de la loi du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme, Catherine Troendlé et moi-même avions fait voter un amendement tendant à rendre obligatoire le contrôle des associations ou fondations ayant pour objet la prévention et la lutte contre la radicalisation, à la fois dans leurs compétences et dans leurs financements. Avez-vous pu mettre en place des politiques transversales d’évaluation de ces associations ? En connaissez-vous le nombre ? Les financements ? Avez-vous dressé un état des lieux ?
La mission d’information avait titré son rapport : Tâtonnements et impasses des politiques de « déradicalisation » - Bilan d ’ étape. Pourriez-vous faire un point rapide sur ce sujet, qui concerne la mission que nous examinons ce soir ?
Ce sujet est très important. Bernard Cazeneuve, à qui j’avais demandé de pouvoir réaliser un audit, m’avait dit qu’il ouvrirait ses bureaux et ses dossiers. Aussi, je vous pose la question, monsieur le ministre : serait-il possible de constituer un groupe de travail sur le suivi de la radicalisation, parce que je n’ai pas du tout le sentiment, malheureusement, que l’affaire soit totalement close ? Il faut que nous disposions de procédures de suivi fiables.
J’utiliserai la minute qui me reste pour vous parler de la fraude documentaire, sujet qui n’a rien à voir avec le précédent, mais qui relève de la présente mission.
Monsieur le ministre, on compte 1, 8 million de faux numéros INSEE, qui correspondent à autant de « Sésame, paie-moi ! » En 2010, une fraude massive à l’immatriculation a été découverte, les fraudeurs obtenant extrêmement facilement un numéro d’inscription au répertoire, le NIR – autrement dit, le numéro de sécurité sociale –, sur la base de faux documents. Si vous êtes né à l’étranger, que vous soyez français ou de nationalité étrangère, ce numéro de sécurité sociale vous est attribué manuellement, et il permet donc des fraudes massives sur la base, donc, de faux documents.
En 2016, à la suite d’une question d’actualité que j’avais posée, la secrétaire d’État qui m’avait répondu m’avait expliqué que 5 000 numéros avaient été radiés. Sur un total de 1, 8 million, le compte n’y est pas !
Monsieur le ministre, avez-vous pris des mesures pour faire en sorte que cette fraude massive à l’immatriculation soit enfin jugulée ? Cette fraude entraîne un manque à gagner de plusieurs milliards d’euros pour nos services, nos départements, milliards qui pourraient être utilisés ailleurs et beaucoup plus efficacement.