Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le plafond des crédits de paiement de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » pour 2019, corrigé des mesures de périmètre, serait de 2, 84 milliards d’euros. Ces crédits affichent une hausse de 3 % par rapport à 2018, pour peu, toutefois, qu’ils soient correctement exécutés, leur exécution en 2017 ayant, par exemple, donné lieu à des reports de charges sur 2018. Avec des écarts non négligeables par rapport aux plafonds, la loi de programmation pluriannuelle n’est pas respectée.
Le programme 307, « Administration territoriale », couvre le principal vecteur de l’action directe de l’État dans les territoires avec le réseau préfectoral. Il n’empêche que ce programme, de loin le plus important de la mission, atteste du lent et durable désengagement de l’État des territoires, puisque, sur dix ans, l’administration préfectorale a perdu, en moyenne, plus de 11 % – parfois plus à certains endroits – de ses personnels.
Dans le cadre du plan Préfectures nouvelle génération du quinquennat précédent, le Gouvernement s’est efforcé depuis plusieurs années, selon la formule habituelle, de recentrer les missions du réseau préfectoral sur des tâches supposées stratégiques : contrôle de légalité, conseil aux collectivités locales, coordination des politiques. Force est de constater, en pratique, de moins en moins d’accompagnement et de plus en plus de contrôle.
D’autres structures devaient alors servir à accueillir les services publics dans les territoires, qu’il s’agisse des maisons de service au public pour les opérateurs du service public – CAF, CPAM, URSSAF, Pôle emploi – et des maisons de l’État pour les services de proximité de l’État – directions départementales des territoires, des finances publiques, agences régionales de santé. Or, malgré le développement de ces structures, le maintien d’un niveau équivalent de services est souvent incertain.
En 2019, une baisse de 200 équivalents temps plein est prévue sur l’ensemble de la mission, principalement concentrée sur le programme 307. Cette baisse est inférieure à celle de l’année précédente, mais intervient dans un contexte marqué par un désengagement des préfectures de leur mission de guichet, notamment de la délivrance de titres sécurisés, et par une charge importante liée à l’accueil des étrangers. Cela peut justifier ce que j’appellerai les « maugréements », sans être pour autant le seul fait de ronchons !
Une des conséquences de cette baisse est l’augmentation du nombre de sous-préfectures dotées de moins de 10 emplois, passant de 58 à 76. Il est vrai que le réseau des sous-préfectures s’étiole, étant presque à l’état de quasi-léthargie.
Le redéploiement prévu des activités des préfectures vers des tâches plus « stratégiques » s’est heurté à des difficultés, notamment en raison du poids pris par le traitement des demandes de cartes grises, sur lequel a porté, de façon fort opportune, le travail du rapporteur spécial Jacques Genest et qui a parfois conduit au recrutement exceptionnel d’agents non titulaires. Il en est résulté que les emplois redéployables ont été moins importants que prévu, et les futures réductions d’effectifs ne laissent pas présager d’amélioration. On peut donc, à juste titre, s’interroger sur la doctrine territoriale de l’État.
Le programme 116, « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur », connaît une hausse globale de ses crédits, mais celle-ci est principalement liée à une augmentation des crédits de personnel de l’administration centrale. Il est notable que ce programme est largement un « réservoir » de crédits, qui peuvent être affectés à d’autres missions, ce qui peut engendrer des problèmes d’identification de leur destination finale. Le rapporteur spécial a relevé en commission qu’il s’agissait d’un cas d’information budgétaire « particulièrement défectueuse ».
Je note également que le fonds interministériel de prévention de la délinquance verra ses moyens diminuer par rapport à l’année précédente.
Enfin, les dépenses d’action sociale du ministère de l’intérieur s’élèvent à 40 millions d’euros environ dans le programme 216. Elles ont effectivement été critiquées par la Cour des comptes dans son rapport public de 2017, qui comprend une partie intitulée L ’ action sociale au ministère de l ’ intérieur : une organisation complexe, des risques avérés, une efficacité contestable. La Cour pointe une concentration anormale en région parisienne, ce qui n’étonnera pas la plupart de nos collègues.