Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, il me revient de présenter, en lieu et place d’Alain Marc, qui ne pouvait être présent ce matin, l’avis de la commission des lois sur les crédits du programme « Administration pénitentiaire ».
Cet avis est défavorable.
Certes, les crédits de paiement augmenteront de 5, 75 % en 2019, mais cette hausse est insuffisante au regard des besoins de l’administration pénitentiaire et des enjeux du redressement de la justice.
Pour l’administration pénitentiaire, 2018 a été une année de crise. Le début de l’année a été marqué par un important mouvement de contestation des surveillants pénitentiaires, qui sont aujourd’hui en nombre insuffisant pour faire face à la surpopulation carcérale. Ce mouvement a été suivi, au printemps, de la mobilisation des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, qui ne peuvent plus suivre correctement et efficacement les personnes condamnées en milieu ouvert. Au mois de juillet, une évasion spectaculaire, celle de Rédoine Faïd, a soulevé de nombreuses questions quant à la sécurité de nos établissements pénitentiaires.
Enfin, 2018 a été une année critique, de nouveaux records ayant été battus en matière de surpopulation carcérale : au 1er octobre 2018, 70 714 personnes étaient détenues, soit 3, 1 % de plus qu’un an auparavant. Actuellement, le taux d’occupation moyen de nos maisons d’arrêt est supérieur à 140 %.
Imagine-t-on que des détenus puissent se réinsérer à leur sortie lorsqu’ils passent vingt heures par jour dans une cellule de 9 mètres carrés avec un ou plusieurs codétenus ? Quels effets ces conditions de détention indignes peuvent-elles avoir sur des personnes incarcérées pour la première fois, dans le cadre d’une détention provisoire par exemple ?
Cette situation rend aussi déplorables les conditions de travail des personnels de l’administration pénitentiaire. Si la plupart d’entre eux sont d’un grand dévouement, ils sont exténués, voire découragés. Leurs métiers ne sont plus attractifs.
Le projet de budget présenté ne répond pas à cette situation de crise. Madame la garde des sceaux, le Gouvernement a fait le choix de renoncer à l’engagement présidentiel de construire 15 000 nouvelles places de prison sur le quinquennat. Le plan pénitentiaire que vous avez annoncé nous paraît insuffisant, voire trompeur à certains égards.
Il est insuffisant, car il ne prévoit la livraison que de 7 000 places environ d’ici à 2022, dont un peu moins de 5 000 seulement concerneront les maisons d’arrêt et les centres pénitentiaires. Les 2 000 autres places sont destinées à des structures d’accompagnement vers la sortie, les SAS.
Or, pour atteindre un taux d’encellulement individuel de 80 % en 2022, et au regard des trajectoires d’évolution de la population carcérale, il aurait fallu livrer au moins 9 500 nouvelles places de prison, en privilégiant les établissements pour peines.
Lors de sa visite de la maison d’arrêt de Paris-La Santé, notre collègue Alain Marc a constaté avec effarement que toutes les cellules individuelles de 9 mètres carrés avaient d’ores et déjà été « doublées », des lits superposés ayant été installés afin de pouvoir y accueillir deux personnes dès la réouverture de l’établissement, au mois de janvier prochain.
Le plan pénitentiaire annoncé est trompeur, disais-je, car plus de 90 % des places qui seront livrées en 2022 étaient prévues et financées par des programmes précédents.
Telles sont les remarques qu’Alain Marc aurait souhaité présenter à cette tribune. Sur le fond, je les partage. Elles ont conduit la commission des lois à émettre un avis défavorable sur l’adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire ».